Tous avec les fermiers indiens!

La lutte des fermiers indiens pour décider de ce qui advient de leurs produits


Mahapanchayat (réunion de village élargie) à Barnala, au Pendjab, le 21 février 2021

La lutte des fermiers en Inde entame maintenant son quatrième mois depuis que des centaines de milliers de fermiers ont convergé aux frontières autour de Delhi en décembre 2020.

Les mahapanchayats (réunions de villages élargies) se poursuivent dans différentes parties de l'Inde. Les mahapanchayats sont convoquées lorsque des problèmes sérieux affectent tous les villages et les communautés. Les Panchayats, Khaps, (conseils) sont des formes anciennes qui datent d'avant l'État colonial moderne et les systèmes de gouvernements de partis. Un orateur à l'une des mahapanchayats a fait remarquer que leurs conseils remontent à l'époque du Raja Harshvardhana au VIIe siècle. D'autres rappellent que leur conseil est même encore plus ancien. À la fin des années cinquante au Pendjab, des Mahapanchayats se sont tenus pour interdire que la dot soit prise par la famille du marié. Leurs décisions ont été appliquées pendant plusieurs années.

Dans ces mahapanchayats, des milliers de fermiers discutent de leur détermination à continuer la lutte pour l'abrogation des lois anti-fermiers et pour garantir en loi l'octroi de prix minimums en appui aux fermiers. Ils discutent aussi de plusieurs autres questions, par exemple de comment les partis de l'élite dirigeante, qui se disent politiques, les ont divisés sur la base du parti, de la religion, de la caste et d'autres aspects d'un ordre du jour de division. Lors d'une de ces réunions, une jeune fermière a dit que dans le passé, les brahmanes avaient l'habitude de dire qu'il fallait passer par leur médiation pour connaître Dieu. Maintenant, a-t-elle dit, les partis politiques prétendent que nous devons les mettre au pouvoir pour obtenir que quelque chose soit fait. Ils sont devenus les nouveaux brahmanes et la majorité d'entre eux sont dirigés par des brahmanes, a-t-elle ajouté.

Parlant de la façon dont Modi a utilisé le mot Andolanjeevi (agitateur professionnel), un des orateurs a fait rire tout le monde en disant que, si l'on adopte la définition de Modi, Hanuman a été le plus grand Andolanjeevi. Cela se réfère à l'histoire de Ram, le roi d'Ayodhaya, dont l'épouse a été enlevée par le démon Ravana, le roi de Lanka. Hanuman a allumé la queue de Ravana et a mis le feu à Lanka.

La revendication la plus importante qui a émergé dans ce mouvement est le Faslan De Faisle Kisan Karuga, la prise de décision par le fermier sur ce qui advient de son produit. Chaque mahapanchayat affirme cette revendication avec force. Au Pendjab, les discussions sur cette revendication se tiennent depuis un bon moment. En 2008, elle a été discutée lors de la Conférence mondiale du Pendjab tenue au Jalandhar. Environ au même moment, la revendication a été soulevée à Gujarat sous la forme d'un appel au contrôle par la communauté des ressources du Gujarat. Le mouvement Narmada l'a aussi soulevée sous le titre de Hamare Gaon Mein Hamara Raj – Notre pouvoir dans notre village. Dans les régions tribales, il a pris la forme de Pathalgarhi, une autre revendication qui reflète la conscience qui émerge que les producteurs devraient prendre les décisions au sujet de la production et que c'est ainsi que devrait fonctionner en pratique la démocratie.

Qui décide, et qui établit l'ordre du jour sont devenus des enjeux centraux du XXIe siècle. L'élite dominante et les partis cartellisés disent que c'est à eux que revient de décider ce qui advient de toutes les ressources naturelles et humaines de la société. Les parlements, les législatures, les appareils judiciaires et les gouvernements ont tous comme rôle de mettre en oeuvre un ordre du jour de l'élite dirigeante. Le peuple, quant à lui, se soulève et affirme son droit de décider, qui a été usurpé par les partis qui ont formé des cartels pour maintenir le peuple hors du pouvoir dans l'État et les institutions du gouvernement. La déclaration des mahapanchayats est que Faslan De Faisle Kisan Karuga constitue une revendication cruciale d'une humanité qui est marginalisée des décisions qui l'affectent. Les fermiers veulent mettre fin à cette marginalisation et affirmer leur droit de décider.

Les jeunes de l'Inde, les fils et les filles des fermiers et d'autres travailleurs ont montré de quoi ils sont capables et ont été aux premières lignes de la lutte avec leurs parents et leurs grands-parents pour ce qu'ils appellent leur droit d'être. Selon la désinformation que fait l'élite dirigeante et ses médias, les jeunes sont devenus des toxicomanes ou des carriéristes. Les jeunes ont réduit ces mensonges en miettes. Les paroles d'une des chansons à laquelle le mouvement a donné naissance célèbrent la jeunesse : Zindabad Ni Juaniye, Maan Tere Te Saara Hi Punjab Karda (Vive les jeunes, le Pendjab est fier de vous !).

Les partis cartellisés qui forment l'opposition officielle essaient de torpiller le mouvement des fermiers. Ils se joignent aux efforts de l'élite dirigeante de le diviser en tenant leurs propres rassemblements. Ils prononcent des discours à l'allure militante au parlement et à l'extérieur du parlement. Ils se sont souvenus tout à coup des fermiers contre qui ils ont agi depuis 74 ans. Mais les fermiers ne se laissent pas tromper par eux. Ceci révèle la lutte que se mènent différentes sections de l'élite dirigeante, font-ils remarquer, alors qu'ils s'en tiennent à leurs revendications.

Le mouvement des fermiers en Inde inspire les fermiers en Europe, au Canada et dans d'autres pays. En France et en Allemagne, les fermiers protestent contre l'agriculture aux engrais chimiques qui est promue par les entreprises qui dominent ce qu'on appelle l'agroalimentaire. Ils soulèvent la bannière d'une agriculture durable.


Cet article est paru dans

Numéro 12 - 1er mars 2021

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