Les travailleurs de Cargill restent vigilants
- Peggy Morton -
Les TUAC donnent des masques et de l'information
aux travailleurs qui entrent chez Cargill après la
réouverture de l'usine à la suite de l'éclosion de
COVID-19, le 5 mai 2020.
La mondialisation néolibérale a imposé des
conditions inhumaines dans l'industrie de la
transformation des viandes. Il s'agit notamment de
cadences de travail effrénées, qui contribuent
largement au taux élevé d'accidents et de maladies
professionnelles, de bas salaires et d'une culture
de menaces et d'intimidation, y compris la
pression
exercée sur les travailleurs pour qu'ils
travaillent même s'ils ont contracté la COVID-19.
La
santé et la sécurité ont été et demeurent une
préoccupation importante pour les travailleurs de
Cargill à High River en Alberta. Dans une étude
récente à laquelle plusieurs centaines de
travailleurs de Cargill ont
participé, 34 % ont déclaré avoir été
blessés au travail et 42 % avoir reçu un
test positif à la COVID-19.
Les décès de deux travailleurs, Benito Quesada et
Hiep Bui Nguyen, et d'un membre de leur famille,
Armando Sallegue, dus à la COVID-19, demeurent
présents dans le coeur et l'esprit des
travailleurs. Le traumatisme de ces décès et de
l'infection de 949 travailleurs lors de la
première vague seulement est encore vif et ils
sont déterminés à ne
pas permettre à Cargill d'agir maintenant « comme
si rien ne s'était passé ».
Les travailleurs de Cargill et leur syndicat, la
section locale 401 des Travailleurs et
travailleuses unis de l'alimentation et du
commerce (TUAC), ont démontré tout au long de la
pandémie que ce sont les travailleurs qui savent
ce qui est nécessaire et que ce sont leurs
demandes qui doivent être mises en oeuvre pour
garantir la sécurité et la santé des
travailleurs, de leurs familles et des
communautés.
Un représentant de la section locale 401 a
parlé récemment à Forum ouvrier de la
lutte que les travailleurs ont menée pour défendre
leur droit à un milieu de travail salubre et
sécuritaire, une lutte qui se poursuit, y compris
par le travail collectif pour s'assurer que
Cargill respecte la nouvelle convention collective
que les
travailleurs viennent de ratifier.
Malgré la perte tragique de trois vies et le
traumatisme subi par les travailleurs de Cargill,
lorsque Cargill s'est présenté à la table de
négociation avec le comité de négociation, pas une
seule fois dans sa déclaration d'ouverture
n'a-t-elle mentionné la pandémie. Cargill ne
reconnaît toujours pas qu'elle n'a pas assuré un
lieu de travail
sécuritaire ou qu'elle a sérieusement mal géré
l'éclosion, et n'assume aucune responsabilité pour
les maladies et les décès tragiques. La conclusion
accablante que les travailleurs ont tirée est que
Cargill ne fait aucun effort pour garantir la
sécurité des travailleurs. Les travailleurs savent
que leur participation active est décisive dans la
lutte pour
leur droit à un lieu de travail salubre et
sécuritaire.
Les travailleurs
insistent pour que Cargill prenne au sérieux les
protocoles liés à la COVID-19 face à l'attitude de
l'entreprise qui estime que maintenant que les
gens sont vaccinés, les protocoles de santé et de
sécurité peuvent être assouplis. Ce n'est pas une
raison pour assouplir les protocoles, disent les
travailleurs. Une usine de transformation
de la viande est taillée sur mesure pour propager
la COVID-19. Le maintien des mesures d'hygiène sur
le lieu de travail nécessite un nettoyage constant
et renforcé. Les travailleurs travaillent à
proximité les uns des autres et de nombreux
facteurs liés aux conditions de travail peuvent
conduire à une éclosion. L'amélioration des congés
de maladie
est une question importante pour qu'aucun
travailleur ne soit mis dans la position de devoir
choisir entre venir travailler tout en étant
malade ou ne pas pouvoir payer son loyer et
acheter de la nourriture pour sa famille.
Des structures et des protocoles sont déjà en
place en matière de santé et sécurité à l'usine, y
compris le comité mixte de santé et sécurité, mais
les travailleurs disent que lorsqu'ils y soulèvent
des problèmes, ils ne sont pas pris au sérieux.
Des réunions ont lieu, mais aucune action n'est
entreprise.
Une autre question importante est celle des
horaires, pour s'assurer que le travail est
effectué en toute sécurité et que les travailleurs
ont les pauses dont ils ont besoin. Le travail
avec un manque de personnel est un gros problème.
Il manque généralement plusieurs centaines de
travailleurs à l'usine de Cargill, et la santé et
la sécurité souffrent
lorsque les travailleurs sont fatigués et
surchargés de travail. Lorsqu'il n'y a que sept
personnes là où il devrait y en avoir dix, ce
n'est pas sécuritaire, soulignent les
travailleurs, et en plus cela prend du temps pour
mettre en place les protocoles de sécurité.
Cargill parle d'« efforts continus de recrutement
au niveau local » et d'« un manque de
travailleurs qualifiés pour occuper les postes
clés au cours des derniers mois ». En fait,
l'affiche « Nous embauchons » n'est jamais enlevée
et elle contient désormais une offre de primes à
l'embauche. Cargill et d'autres transformateurs de
viande se plaignent que « les Canadiens ne veulent
pas faire ce travail ». Depuis de nombreuses
années, ils utilisent le programme des
travailleurs étrangers temporaires pour recruter
une main-d'oeuvre vulnérable qui est liée à
l'usine par ses permis de travail, et ils
utilisent aussi les programmes d'établissement des
réfugiés. Selon le site Web
de Cargill, depuis 2007, l'entreprise a
travaillé en étroite collaboration avec le
gouvernement de l'Alberta pour recruter plus
de 1 000 travailleurs étrangers
originaires des Philippines et du Mexique.
Cargill et d'autres transformateurs de viande ont
demandé au gouvernement fédéral de relever le
plafond des travailleurs étrangers temporaires
à 30 % de la main-d'oeuvre.
Au début des négociations pour une nouvelle
convention. Cargill voulait que le syndicat
facilite l'embauche de travailleurs étrangers
temporaires et que l'employeur fournisse moins de
soutien, une demande que le syndicat a rejetée. Ce
que Cargill doit faire, disent-ils, c'est traiter
les travailleurs avec respect, améliorer les
salaires, les congés de
maladie, les avantages sociaux et les conditions
de travail, notamment en réduisant la vitesse
effrénée de la production qui entraîne des
accidents.
Les travailleurs disent que Cargill doit
reconnaître que les affaires ne peuvent pas
continuer comme avant. L'expérience de la pandémie
a prouvé qu'il faut du temps et de l'espace pour
pouvoir travailler en toute sécurité. Lorsque la
ligne de production avance à un rythme que vous ne
pouvez pas suivre, ce n'est pas sécuritaire. Les
travailleurs
veulent que la vitesse de la ligne soit affichée
afin qu'ils sachent si elle est trop rapide pour
être sécuritaire.
Selon le représentant de la section
locale 401, lorsque l'entreprise a déclaré
qu'il était possible de travailler de manière
sécuritaire pendant la pandémie, elle a manqué à
ses engagements envers les travailleurs et ne leur
a pas dit la vérité. Il a ajouté que les
travailleurs disent que leur expérience, en
particulier la lutte pour des conditions
de travail sécuritaires, les a enhardis et leur a
donné la force de s'exprimer, car lorsqu'ils
agissent ensemble, ils peuvent faire une
différence.
L'expérience des travailleurs de Cargill leur a
prouvé que ce sont les actions des travailleurs et
du syndicat, et non celles de l'entreprise ou du
gouvernement de l'Alberta, qui ont imposé la
fermeture de l'usine et d'autres mesures pour
protéger les travailleurs au plus fort de la
pandémie, et que la santé et la sécurité des
travailleurs ne peuvent
être laissées entre les mains de l'entreprise et
du gouvernement. Le syndicat écrit dans sa
déclaration sur la ratification de l'entente de
principe : « Les injustices commises chez
Cargill ne sont toutefois pas réparées par la
convention collective. La section locale 401
et ses activistes se tournent vers l'avenir pour
faire respecter les
nouveaux droits des travailleurs de Cargill dans
cette convention collective sans précédent. »
La section locale 401 des Travailleurs et
travailleuses unis de l'alimentation et du
commerce représente les 2 000 travailleurs de
l'usine Cargill de High River, en Alberta. Elle a
écrit que la nouvelle convention collective
contient « d'importantes dispositions
contractuelles facilitant une nouvelle culture de
la santé, de la sécurité, de la dignité et du
respect à l'endroit de travail ».
Cet article est paru dans
Numéro 117 - 8 décembre 2021
Lien de l'article:
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