Déni de responsabilité sociale du
gouvernement de la Colombie-Britannique
à l'égard des travailleurs accidentés
De sérieux problèmes avec le compromis historique de l'indemnisation des travailleurs « sans égard à la faute »
L' examen du cas d'un travailleur accidenté de
la Colombie-Britannique a été mené par le Bureau
de l'ombudsman et publié en septembre 2021
dans le rapport « SEVERED TRUST : Enabling
WorkSafeBC to do the right thing when its mistakes
hurt injured workers » (Confiance
rompue : Permettre à WorkSafeBC
de faire ce qu'il faut lorsque ses erreurs nuisent
aux travailleurs blessés ) [1].
L'enquête
sur l'expérience du travailleur, un ébéniste
identifié comme M. Snider, qui a été gravement
blessé au travail à deux reprises, et sur la
responsabilité de WorkSafe BC pour sa deuxième
blessure, révèle de sérieux problèmes avec le
système d'indemnisation des travailleurs « sans
égard à la faute » qui existe dans toutes les
provinces.
Le concept du « sans égard à la faute » fait
partie du compromis historique qui a donné
naissance au système d'indemnisation : les
travailleurs ont renoncé à leur droit de poursuivre un
employeur lorsqu'ils sont blessés au travail,
en échange d'un traitement, de la
réadaptation et d'une indemnisation garantis par l'État à partir d'un
fonds commun versé
par les employeurs.
L'objectif du système est censé être de prendre
en charge les travailleurs accidentés mais, au
cours des trois dernières décennies de
restructuration antisociale de l'État au service
des riches, les droits et les indemnisations des
travailleurs accidentés ont été de plus en plus
attaqués par des réductions des prestations et des
refus de services, par la
privatisation des soins médicaux et des services
de réadaptation et d'autres mesures.
Dans son introduction au rapport, l'ombudsman Jay
Chalke soulève la question : « Que se
passe-t-il dans les rares circonstances où un
organisme public commet une erreur et que, par
conséquent, un membre du public subit un grave
accident ? L'organisme public intervient-il
et répare-t-il l'erreur ? Ou bien l'organisme
public
se cache-t-il derrière des détails techniques
juridiques et un « compromis historique »
vieux de cent ans ? Le rapport montre en
détail que c'est ce dernier cas qui s'est produit.
M. Snider, un travailleur ayant près de 25
ans d'expérience comme ébéniste, a été blessé au
travail le 4 janvier 2010. En utilisant
une scie circulaire à table, il a subi une
amputation partielle de l'extrémité de son index,
de son majeur, de son annulaire et de son
auriculaire de la main gauche. WorkSafeBC a
accepté sa demande et lui
a versé des prestations temporaires pour perte de
salaire pendant qu'il subissait une intervention
chirurgicale, recevait des services de
réadaptation et participait à un programme de
retour progressif au travail. Le rapport indique
que « WorkSafeBC a cessé de verser des indemnités
pour perte de salaire après avoir conclu, à tort,
que M. Snider était en
mesure de reprendre en toute sécurité son travail
antérieur à l'accident, à temps plein et sans
restrictions. »
Le
travailleur et son médecin avaient tous deux
clairement indiqué qu'il avait des difficultés à
saisir des objets et qu'il n'était pas en mesure
de retourner à l'utilisation de machines
industrielles pour le travail du bois, et son
chirurgien a dit à WorkSafeBC qu'il avait une
incapacité permanente à la suite de son accident.
Lorsque ses prestations
ont été supprimées, il a fait appel de la décision
mais, confronté au choix de retourner au travail
ou de ne pas avoir de revenu et de devenir sans
abri, il est retourné au travail.
Six jours après son retour au travail, le 13
septembre 2010, il a écrit à WorkSafeBC pour
exprimer son inquiétude quant à son bien-être et
expliquer qu'il ne se sentait pas en sécurité
lorsqu'il utilisait les machines industrielles
qu'il devait utiliser en tant qu'ébéniste. Il a
déclaré dans sa lettre qu'« en moins d'une
semaine, j'ai perdu
le contrôle d'une toupie, d'une scie sauteuse et
d'un chariot que je déplaçais sur une rampe »
et a décrit précisément comment ses blessures
rendaient le travail dangereux pour lui. Il n'a
reçu aucune réponse à sa lettre.
Le 26 janvier 2011, alors qu'il
utilisait une scie circulaire à table, le rapport
indique que « la faible capacité de M. Snider à
saisir des objets avec sa main gauche lui a fait
perdre le contrôle de l'objet qu'il coupait. Sa
main gauche a glissé dans la lame, provoquant une
amputation partielle du pouce et de l'index,
auparavant intacts,
et d'autres amputations de son majeur et de son
annulaire déjà partiellement amputés. » Il a
passé 26 heures en chirurgie et 10 jours aux
soins intensifs.
Quatre mois après son deuxième accident,
le 11 mai 2011, la division d'examen de
WorkSafeBC a déterminé que la décision du
gestionnaire des réclamations après la premier
accident de couper ses prestations pour perte de
salaire temporaire et de le forcer à retourner au
travail était une erreur. À la suite de cela, le
rapport
indique : « Il a fallu près de trois ans
d'appels auprès de la Division de réexamen et du
Tribunal d'appel de l'indemnisation des
travailleurs (WCAT) pour déterminer que le
deuxième accident de M. Snider avait un lien de
causalité avec sa première blessure. Malgré cela,
il a fallu encore deux ans et demi d'appels avant
que WorkSafeBC ne
détermine correctement les droits aux prestations
de M. Snider. Après un total de cinq ans à
naviguer dans des processus d'appel complexes pour
corriger la série d'erreurs commises par
WorkSafeBC et sa division de révision (après son
erreur la plus grave de conclure qu'il pouvait
retourner au travail alors qu'il était incapable
de le faire en toute
sécurité), M. Snider a commencé à recevoir les
prestations qui lui étaient dues. »
Ce
qu'on lui a toujours refusé, à ce jour, c'est une
indemnisation pour les actions de WorkSafeBC qui
l'a forcé à retourner au travail alors qu'il
n'était pas en mesure de le faire en toute
sécurité et qui l'a ensuite engagé « dans un
processus d'appel apparemment sans fin pendant
près de cinq ans pour recevoir les prestations
auxquelles il avait
droit ». Ce n'est qu'au cours de l'enquête de
l'ombudsman que M. Snider a même reçu des excuses
de WorkSafeBC.
Dans son rapport, l'ombudsman fait trois
recommandations, l'une concernant des changements
législatifs qui permettraient à WorkSafeBC
d'indemniser les travailleurs lésés par ses
décisions, les deux autres concernant
l'indemnisation de M. Snider. Le ministère du
Travail a rejeté les trois, refusant
essentiellement de se tenir lui-même ou ses
agences comme WorkSafeBC responsables de leurs
actions. Le ministère déclare en fait que les
mécanismes d'appel des décisions qui existent
actuellement pour les travailleurs individuels
sont suffisants. Le cas de M. Snider et
l'expérience de milliers de travailleurs de la
Colombie-Britannique qui ont navigué dans le
processus d'appel pour
défendre leur droit à l'indemnisation, réfutent
cette affirmation.
Le sous-ministre du Travail soutient qu'une
modification législative qui permettrait à
WorkSafeBC d'indemniser les travailleurs lésés par
ses erreurs « est contraire aux principes
fondamentaux de l'indemnisation des travailleurs,
érode le compromis historique et est incompatible
avec l'intention de la clause d'immunité de la Loi
sur
l'indemnisation des travailleurs » et
« créerait une responsabilité fondée sur la faute
pour les dommages généraux... contrairement aux
principes du sans égard à la faute qui
sous-tendent l'ensemble du système ».
Le système « sans égard à la faute » repose
sur la prémisse que l'État prendra soin des
travailleurs accidentés, en leur assurant un
traitement médical, une réadaptation et une
indemnisation leur permettant de vivre une vie
digne et en sécurité. Ce n'est pas le cas. La
restructuration néolibérale des institutions de
l'État a entraîné des
violations massives des droits des travailleurs
accidentés. Des institutions comme WorkSafeBC ne
fonctionnent pas pour répondre aux besoins et
défendre les droits des travailleurs accidentés.
Plutôt que de reconnaître ce fait et de prendre
des mesures pour le changer, le ministère « se
cache derrière des détails techniques juridiques
et un
‘compromis historique' vieux de cent ans ».
Notes
1. Pour le rapport complet,
cliquez
ici.
Cet article est paru dans
Numéro 104 - 5 novembre 2021
Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/FO2021/Articles/FO061042.HTM
Site Web: www.pccml.ca
Email: redaction@cpcml.ca
|