Fermeture prévue de l'usine Câbles
d'acier de Montréal
Les travailleurs demandent que l'usine reste ouverte
- Normand Chouinard -
Les travailleurs de l'usine Câbles d'acier à
Pointe-Claire, dans l'ouest de l'Île de Montréal,
s'opposent à la décision des propriétaires,
Bridon-Bekaert Ropes Group (BBRG), de fermer
l'usine à la fin du mois de mai. BBRG est une
filiale du groupe Bekaert, le monopole mondial de
la transformation du fil d'acier et des
technologies de revêtement basé en Belgique.
L'usine de Pointe-Claire produit des câbles
d'acier qui sont utilisés sur des ponts, dans le
secteur minier, dans l'extraction pétrolière et
par Hydro-Québec. L'usine a aussi un contrat avec
la marine américaine pour la fabrication de câbles
utilisés sur des porte-avions. Elle a des clients
dans plusieurs pays. La fermeture de l'usine
affecterait directement les 105 travailleurs
qui y travaillent présentement et les
quelque 20 travailleurs qui sont mis à pied
depuis environ un an maintenant. Les travailleurs
sont membres du Syndicat des travailleurs des
câbles d'acier, qui est affilié à la Fédération de
l'industrie manufacturière de la CSN
(Confédération des syndicats nationaux).
Environ 30 employés de bureau, qui ne sont
pas syndiqués, perdraient aussi leur emploi. La
fermeture de l'usine serait un nouveau coup porté
au secteur manufacturier du Québec qui a perdu des
dizaines de milliers d'emplois depuis les 15
dernières années.
Dans son communiqué de presse au sujet de la
fermeture, Bridon-Bekaert Ropes Group a écrit que
toutes les activités nord-américaines de
fabrication et de services vont être centralisées
à Wilkes-Barre, en Pennsylvanie aux États-Unis, et
à Oakland dans l'Indiana, également aux
États-Unis. Le groupe donne tous les prétextes
possibles pour tenter de justifier la fermeture,
notamment les changements structurels dans
l'industrie, l'effet de la COVID-19 sur
l'économie, et l'amélioration de la compétitivité.
Rien de tout cela n'explique ou ne justifie la
décision. Cela masque le fait que les Canadiens
n’établissent pas la direction de leur propre
économie qui est devenue intégrée à l'économie et
à la machine de guerre des États-Unis. Alors que
l'administration Biden continuera de promouvoir le
« Buy American », il y a ceux au Canada qui font
pression pour faire partie du « Buy American » en
intégrant davantage l'économie dans celle des
États-Unis de sorte que toutes les réglementations
adoptées aux États-Unis s'appliqueront aussi au
Canada. Cela masque également le fait que la façon
de moderniser la production en utilisant les
innovations de la révolution technologique et
scientifique doit être centrée sur l'humain, et
non servir des intérêts privés étroits qui
déclarent ensuite qu'il n'y a pas d'alternative.
Ceux qui contrôlent des pans entiers de l'économie
se font concurrence pour contrôler ce qu'ils
appellent des « changements structurels »,
imputant la fermeture à telle ou telle chose dans
le cadre de la compétition impitoyable entre des
entités privées rivales qui dévaste la vie des
peuples et leur économie. Les prétextes soulevés
par la compagnie visent à présenter la fermeture
comme un fait accompli. Pendant ce temps-là, le
gouvernement du Québec ne veut certainement pas
qu'il y ait une discussion sur comment bâtir une
industrie souveraine qui contribue à une économie
stable organisée pour satisfaire les besoins du
peuple et non ceux des oligarques mondiaux et leur
objectif du profit privé étroit réalisé au
détriment de tout le reste.
Les travailleurs s'opposent aux justifications
intéressées que mettent de l'avant les
propriétaires internationaux. « Il y a 105
familles qui risquent de se retrouver sur la
pavé », a dit à Forum ouvrier Patrick
Boissé, le secrétaire du Syndicat des travailleurs
de Câbles d'acier. « C'est un choc et c'est aussi
une claque au visage parce que nous nous sommes
fait dire que nous sommes un centre d'excellence
dans la production de câbles d'acier. Nos
travailleurs ont une grande expertise et une
grande expérience. Nous avons plusieurs
travailleurs qui ont 40 ans et plus d'années
de service et l'usine fait des profits. Nous
perdons nos fleurons au profit des Américains.
Nous sommes peut-être la seule usine du Québec à
l'heure actuelle qui produit des câbles pour
Hydro-Québec. Si on ferme, c'est possible que tous
les câbles d'Hydro-Québec seront produits aux
États-Unis. On ne peut pas laisser ces choses-là
continuer. »
Les travailleurs rejettent aussi l'argument qui
leur a été donné par la direction locale qu'il n'y
a pas d'alternative à la décision des
propriétaires de centraliser toute la production
nord-américaine aux États-Unis à cause de la
politique du « Buy American » (Achetons
américain) du gouvernement ou que le Québec et le
Canada devraient faire partie du « Buy
American ». Ce n'est pas un argument que les
travailleurs peuvent accepter parce qu'ils sont
opposés à l'intégration du Canada à l'empire
américain. Les travailleurs du Québec et du Canada
luttent pour une édification nationale en vertu de
laquelle ils sont maîtres de leurs affaires.
Forum ouvrier appuie la position des
travailleurs de Câbles d'acier que l'usine doit
demeurer ouverte.
Cet article est paru dans
Numéro 10 - 24 février 2021
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