Arrêtez de payer les riches!
Investissez dans les programmes sociaux!
Le démantèlement du système de santé publique du Québec n'est pas justifiable
- Pierre Soublière -
Une des choses que la pandémie de la COVID-19
fait ressortir est à quel point des intérêts
privés ont la mainmise sur tous les aspects de
notre vie, y compris notre mode de gouvernance.
Cette situation a été mise en lumière de manière
tragique par l'incapacité des résidences privées
et des soins de longue durée pour aînés à faire
face à la pandémie et la nécessité de services
publics gérés et organisés pour répondre aux
besoins des patients et du personnel soignant. Par
exemple, l'un des problèmes qui est à nouveau
constamment soulevé durant cette deuxième vague
est la mobilité du personnel dans les résidences
en raison d'une pénurie de personnel et de la
dépendance sur les agences privées de placement
qui envoient les travailleurs d'un endroit de
travail à l'autre, ce qui accroît ainsi les
risques de contagion pour eux et pour les gens
qu'ils soignent.
Après les morts tragiques lors de la première
vague, le questionnement face aux résidences
gérées pour le profit au détriment du bien-être
des résidents était tel que le premier ministre du
Québec a vu la nécessité de laisser entendre que
le gouvernement envisagerait de «
nationaliser » les CHSLD privés. À peu près
au même moment, le ministre des Finances du Québec
commandait une étude de la part du Centre
interuniversitaire de recherche en analyse des
organisations (CIRANO) sur la place de la santé
dans la relance économique au Québec.
Fondé en 1994, le CIRANO est un organisme
subventionné, entre autres, par le gouvernement du
Québec, et dont les « partenaires » sont des
institutions des gouvernements fédéral et
québécois, telles la Banque de développement du
Canada et la Caisse de dépôt et de placement du
Québec, et de nombreuses grandes entreprises
privées, dont BMO Groupe Financier, Manuvie
Canada, Power Corporation du Canada, Bell Canada
et Rio Tinto.
Les études faites par ce centre d'analyse
abordent généralement les questions économiques et
sociales d'un point de vue qui encourage la
privatisation des services publics et des
programmes sociaux. En voici deux exemples :
« Les partenariats public-privé : une option
à découvrir », et « Le secteur privé dans un
système de santé public : France et pays
nordiques ». L'objectif explicite de cette
dernière est « de contribuer à crever et guérir
l'abcès le plus important empêchant l'amélioration
du système de santé québécois et canadien, à
savoir l'opposition irrationnelle de plusieurs
groupes politiques et groupes de pression à une
présence significative et intégrée
d'établissements et d'entreprises de soins de
santé, d'assurance et de fourniture directe, à but
lucratif ou non, dans notre système de
santé ».
C'est
exactement l'approche que prend cette étude
demandée par le gouvernement du Québec, intitulée
« La santé au coeur de la relance économique au
Québec » et publiée au mois de septembre
dernier. Sur la question des résidences pour
personnes âgées (RPA), faisant fi de toutes
preuves indiquant le contraire, les chercheurs
affirment : « Le gouvernement n'a pas les
moyens ni l'expertise nécessaires pour assumer
seul ce concept de RPA [...] Par RPA, nous
entendons des immeubles à logement privés destinés
à héberger des personnes âgées qui sont autonomes
ou semi-autonomes [...] Il existe dans le secteur
privé à but lucratif ou non une infrastructure et
des compétences pour réaliser ce projet pour
personnes aînées adaptées à leurs conditions de
santé. »
En plus, ayant déclaré que le gouvernement n'a
ni les moyens ni l'expertise, les auteurs du
rapport proposent tout de même que le gouvernement
subventionne les RPA pour l'équipement médical et
les services, c'est-à-dire que les fonds publics
doivent être mis à la disposition de propriétaires
privés et leurs actionnaires pour qu'ils puissent
continuer de faire le maximum de profit sur le dos
de nos aînés sans qu'ils aient eux-mêmes à
réinvestir les sommes arrachées aux aînés dans des
services qu'ils fournissent.
Sur la question des travailleurs de la santé,
ayant énuméré tous les problèmes bien connus dans
les services de santé, les auteurs du rapport
suggèrent comme « piste de solution »
l'amélioration de « l'organisation du
travail » par un ensemble de stratégies pour
« optimiser l'utilisation et la contribution des
travailleurs ». Ces « stratégies » se
résument généralement par « faire plus avec
moins ». Elles sont maintenant imposées par
le biais d'arrêtés ministériels qui sont
précisément ce qui a mené à la situation actuelle
et qui poussent littéralement les travailleurs de
première ligne à bout et permettent le
démantèlement incessant du système de santé
public. Grâce, en grande partie, aux efforts des
travailleurs et de leurs organisations pour faire
connaître les conditions de travail et les
conditions d'ensemble dans les milieux de la
santé, on peut prédire que ces « stratégies »
auront des conséquences tragiques pour le
bien-être du peuple. De toute évidence, les
travailleurs devront intensifier leur lutte pour
défendre leurs droits et les droits de tous, ainsi
que l'organisation politique pour proposer des
politiques indépendantes qui leur sont propres,
qui mettent fin au système de gouvernance des
partis qui servent les riches.
Cet article est paru dans
Numéro 84 - Numéro 84 - 15 décembre 2020
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