Les travailleurs du secteur public s'opposent au diktat du gouvernement
- Entrevue avec Simon Ouellette -
Simon Ouellette est le
responsable des communications, bureau des
Maritimes du Syndicat canadien de la fonction
publique (Nouveau-Brunswick et
Île-du-Prince-Édouard)
Forum ouvrier : Dans son
communiqué du 11 décembre, le Syndicat
canadien de la fonction publique du
Nouveau-Brunswick (SCFP-NB) s'oppose à un
potentiel gel salarial imposé aux travailleurs du
secteur public par le gouvernement de Blaine
Higgs. Peux-tu nous en dire plus ?
Simon
Ouellette : Le SCFP-NB a
organisé une conférence dans l'après-midi
du 11 décembre tout de suite après avoir
rencontré le premier ministre. À notre demande, le
premier ministre de la province a accepté de
rencontrer les élus des grandes sections locales
provinciales, des grandes sections qui sont sans
convention collective en ce moment. Il y en a qui
sont sans convention depuis 2016, pour la
majorité cela fait depuis 2018 que leur
convention est échue. On parle
d'environ 20 500 travailleurs et
travailleuses qui sont aux prises avec un
gouvernement qui n'a pas voulu négocier avec eux
dans les dernières années, à la fois les libéraux
qui ont laissé traîner les négociations et les
conservateurs dans ce cas-ci.
Dans les jours qui ont précédé notre rencontre
avec le premier ministre, nous avons appris par
personnes interposées, par les journaux, que le
gouvernement a l'intention d'imposer un gel
salarial à l'ensemble de la fonction publique. Le
premier ministre nous a confirmé lors de notre
rencontre qu'il a l'intention d'imposer un gel des
salaires la première année et ensuite une
restriction salariale à l'ensemble de la fonction
publique, syndiquée et non syndiquée.
Cette déclaration ne se fait pas aux tables de
négociation. Elle se fait de manière publique,
dans les journaux, de manière politisée. C'est
choquant d'entendre cela, surtout en temps de
pandémie.
Il y a des négociations à l'heure actuelle, parmi
les travailleurs et travailleuses en santé
notamment, mais ce ne sont pas de vraies
négociations car le gouvernement leur a fait une
offre de gel salarial suivi de restrictions
salariales, soit exactement ce que nous avons
entendu à notre rencontre. Il n'y a pas vraiment
de place pour la négociation là-dedans.
FO : Quelle est la position du
SCFP-NB sur ces gestes du gouvernement ?
SO : Cela fait des années que
nous disons que les salaires stagnent depuis au
moins une douzaine d'années. Nous avons fait face
à des zéros d'augmentation, à des 1 %,
des mandats de restriction salariale de la part
des administrations précédentes. Les augmentations
de salaire depuis toutes ces années ont été bien
en dessous de l'augmentation du coût de la vie.
Tout cela a fait en sorte que nos membres ont
reculé en ce qui concerne leur pouvoir d'achat
réel. Nous voulons contrer cela.
Le coût de la vie augmente. Au Nouveau-Brunswick,
le coût des loyers est hors de contrôle en ce
moment, il y a une crise du logement dans la
province. Le Nouveau-Brunswick est la province au
Canada où les droits des locataires sont les plus
faibles. C'est un paradis pour les propriétaires
de logements. L'essence, le chauffage sont
extrêmement chers. La facture d'électricité est
beaucoup plus élevée au Nouveau-Brunswick qu'au
Québec par exemple. Nous avons des salaires de
petites provinces avec des factures de grandes
villes.
Selon nous, la meilleure manière de sortir de la
pandémie c'est par la stimulation d'une croissance
durable, qui va dans les poches de nos
travailleurs, dans nos infrastructures publiques,
nos systèmes publics. On ne peut pas stimuler la
croissance à coup de subventions corporatives.
C'est certain qu'au SCFP-NB on va se battre
contre cela.
Mais en fin de compte, les gens qui ont le
dernier mot ce sont nos membres. C'est à eux à
décider à chaque table de négociation de ce qu'ils
veulent faire.
On a affronté la pandémie, il y a de l'espoir au
bout du tunnel, on a été capable de se mettre
ensemble et de faire bloc contre ce virus-là. Si
on peut résister à un virus, on peut résister à ce
gouvernement également. C'est pour cela que nous
avons notre slogan « Nos héros en première ligne
méritent mieux que des zéros ».
Par travailleurs de première ligne, nous voulons
dire les travailleurs de la fonction publique et
j'inclus les travailleurs du secteur privé comme
ceux des épiceries, du commerce au détail et
d'autres qui font un travail phénoménal. Si on
peut avoir un salaire de base pour tous qui est
décent, c'est un peu comme la marée montante qui
fait lever tous les bateaux.
La situation ne peut plus durer comme elle est.
Nous avons des crises de rétention et de
recrutement dans presque tous les domaines des
services publics. Le gouvernement du
Nouveau-Brunswick ne reconnaît pas ce problème et
ce n'est pas son désir de le résoudre non plus.
Ce n'est pas un problème nouveau dans les
Maritimes. Beaucoup de gens qui ont voulu
améliorer leurs conditions de travail ont quitté
la province. Le Nouveau-Brunswick a même
enregistré des baisses de population dans les
dernières années. Les gens en âge de travailler
quittent en grand nombre, ceux qui restent sont
les gens plus âgés qui ont besoin de soins, mais
il y a moins de gens en âge de travailler qui
restent parce qu'ils ont voulu se faire une vie
ailleurs.
Les choses ont beaucoup
changé dans le secteur public. Avant, dans les
années 1970-1980, un travailleur voulait
finir sa carrière dans la fonction publique, avec
une bonne pension, un bon emploi, un bon salaire.
Cela comprend les travailleurs des métiers, comme
les soudeurs et autres. Les gens faisaient tout ce
qu'ils pouvaient pour avoir un emploi dans le
secteur public. Maintenant, c'est l'inverse. Le
secteur privé veut que la province s'occupe des
coûts de formation, qu'elle ramasse les jeunes qui
sortent des écoles et des collèges communautaires,
qui font leurs années d'apprentissage puis
finissent par se retrouver dans le secteur privé.
Les grands géants corporatifs comme Irving ont
fait beaucoup de pression sur le gouvernement
provincial pour inverser le rapport de force, pour
faire en sorte que ce soit le secteur privé qui
ramasse les travailleurs formés à même les fonds
publics. C'est une forme d'externalisation des
coûts de main-d'oeuvre des grandes entreprises.
Je pense que c'est un sujet de grande fierté de
travailler pour le secteur public. Mais les
conditions de travail et les salaires ont reculé.
Les travailleurs méritent de meilleurs salaires et
de meilleures conditions de travail. C'est ça la
question. Le SCFP-NB a dit très clairement au
premier ministre que nous ne sommes pas d'accord
avec le gel salarial et les restrictions
salariales que le gouvernement Higgs veut imposer
aux travailleurs du secteur public.
(Photos : FO)
Cet article est paru dans
Numéro 84 - Numéro 84 - 15 décembre 2020
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