Pourquoi il faut voter « non » à la Proposition 22 de la Californie (Extraits)
- Keith F. Eberl -
L'auteur Keith Eberl est un chauffeur de
covoiturage de Los Angeles et un organisateur de
Rideshare Drivers United (chauffeurs de
covoiturage unis), une association indépendante
formée et dirigée par les travailleurs qui
comprend 19 000 chauffeurs
californiens.
Les avocats d'Uber, Lyft
et DoorDash ont écrit l'initiative de bulletin de
vote Californie 2020 portant le nom de
Proposition 22. Contrairement à ce que
prétendent la campagne publicitaire trompeuse et
les messages intimidants des compagnies à
l'intention des travailleurs, la
Proposition 22 ne préserve pas
la flexibilité des chauffeurs et ne les
protège pas des politiciens. Ce que fait
la Proposition 22, par contre, c'est de
changer les lois actuelles pour permettre aux
compagnies de transférer leurs coûts aux
chauffeurs et réduire ou supprimer les droits, les
protections et les avantages sociaux des
chauffeurs. La Proposition 22 fera obstacle
aux efforts d'organisation des chauffeurs pour
qu'ils puissent collectivement négocier un
contrat. En outre, cette proposition empêchera les
gouvernements locaux d'adopter ou de consolider
des protections pour les chauffeurs, par exemple
pendant une crise comme la COVID-19, et fera en
sorte que ce sont les gouvernements qui devront
payer pour la santé et la sécurité de base des
chauffeurs.
J'en sais quelque chose. Je suis chauffeur de
covoiturage à temps plein depuis quatre ans, et je
suis un organisateur de Rideshare Drivers United
depuis trois ans. Rideshare Drivers United, basée
à Los Angeles, est une association indépendante,
créée et dirigée par les chauffeurs de
covoiturage, qui en comprend 19 000.
Notre but est de former un syndicat et de gagner
une voix au travail, un salaire équitable et la
dignité pour le travail que nous faisons. [...]
Dès le départ, le modèle d'affaires des
compagnies basées sur des applications repose sur
l'utilisation des chauffeurs comme s'ils étaient
des employés mais sur leur traitement comme des
entrepreneurs indépendants, ce qui permet aux
compagnies de rejeter leurs coûts sur les
chauffeurs. Voilà pourquoi nous avons vu et
entendu dans les nouvelles de nombreux cas de
recours collectifs contre Uber et Lyft pour leur
mauvaise classification de leurs chauffeurs en
tant qu'entrepreneurs indépendants.
En 2018, la Cour suprême de la Californie a
tranché en faveur des chauffeurs de camions qui
avaient intenté des poursuites contre la compagnie
Dynamex pour la même raison. La cour a eu recours
à ce qu'on appelle le « test ABC » utilisé
par le Massachussetts et le New Jersey pour
déterminer si les camionneurs sont en fait des
employés de la compagnie. Ainsi, la décision «
Dynamex » est devenue loi en Californie.
En 2019, ce test a été incorporé dans un
projet de loi de la Californie nommé « AB5 »
pour définir ce qu'est un entrepreneur
indépendant. [...]
Rien dans la Proposition 22 ne provient des
travailleurs ou de leurs représentants élus. En
fait, parce que les compagnies enfreignent les
lois salariales actuelles, Rideshare Drivers
United a élaboré un outil en ligne pour aider plus
de 5 000 chauffeurs californiens à
déposer des réclamations de salaires auprès de la
Commission du Travail de la Californie contre Uber
et Lyft pour des salaires non payés, des
remboursements de dépenses et des indemnisations
d'un total de 1, 3 milliards de dollars.
Cette action en justice a été appelée «
Application de l'AB5 par le peuple ». [...]
En juin de cette année, le procureur général de
la Californie a cherché à obtenir une injonction
des tribunaux pour forcer les compagnies à cesser
de mal classifier leurs travailleurs et à
respecter la loi. Dans la plus pure tradition
antisyndicale, Uber et Lyft ont plutôt commencé à
faire peur aux travailleurs et au public en
menaçant de fermer boutique en Californie si
l'injonction est accordée, et de mettre ainsi à
pied des dizaines de milliers de chauffeurs. Les
agences de nouvelles partout au pays se sont mises
à publier à la une des titres laissant entendre
que les services de covoiturage allaient
éventuellement fermer leurs portes. « Nous allons
devoir fermer l'usine ! », disaient les
patrons des compagnies. [...]
Entretemps, les compagnies ont lancé un blitz
massif de désinformation pour promouvoir leur
initiative de bulletin de vote. Des publicités
trompeuses paraissent dans tous les racoins des
médias de masse et électroniques imaginables, y
compris dans les applications mobiles des
passagers et des clients de livraisons. [...]
Ainsi, après avoir menacé de congédier tout le
monde et de quitter la ville, les patrons des
compagnies prennent maintenant d'assaut nos
applications mobiles de travail avec des messages
pop-up [...]. C'est ce qui se passe à chaque jour,
plusieurs fois par jour, dans notre espace de
travail, c'est-à-dire, nos applications mobiles.
[...] Ces patrons sans
visage tentent de semer la confusion parmi nous.
On nous présente le message : « La
Proposition 22, c'est le progrès. La Proposition
22 va garantir des revenus et des prestations
médicales ». Encore une fois, il n'y a aucune
interaction humaine, aucune explication de quoi il
s'agit vraiment, ni pourquoi ce n'est pas déjà ce
qui se passe, néanmoins on nous présente deux
boutons : l'un indique « Oui pour la
Proposition 22 » et l'autre, «
OK ».
Répandre la peur et la confusion parmi les
travailleurs est une tactique antisyndicale
classique. (Le 22 octobre, les chauffeurs
ont intenté une poursuite contre Uber pour avoir
violé une loi californienne qui interdit aux
employeurs d'essayer d'influencer les activités
politiques des employés en les menaçant de perte
d'emploi). [...]
La Proposition 22 accorderait aux compagnies de
covoiturage et de livraison une exemption d'AB5.
Elles ne seraient pas tenues de se conformer aux
lois du travail de la Californie (qu'elles
enfreignent depuis leur création) et donnerait le
feu vert aux entreprises pour établir une classe
permanente de travailleurs sans protection.
La Proposition 22 éliminerait ou réduirait
grandement les droits des chauffeurs de
covoiturage et des livreurs à un salaire minimum,
aux heures supplémentaires, au remboursement des
dépenses, aux soins de santé, aux congés de
maladie, à l'indemnisation en cas d'accident, aux
règlements de la sécurité, à l'anti-discrimination
et le droit de s'organiser. Les compagnies
pourraient toujours se servir de nous comme
employés en raison de la façon dont elles nous
contrôlent.
Examinons le volet des revenus et des assurances
médicales de la Proposition 22. Celle-ci élimine
les avantages sociaux de base d'un endroit de
travail et les remplace par une nouvelle «
garantie de revenus » réduite et un paiement
de « prestations médicales » conçus pour que
les compagnies ne soient pas tenues de payer pour
les dépenses comme elles devraient le faire en
vertu de la loi actuelle.
Côté salaire, la « garantie de revenus »
serait l'équivalent de 120 % du salaire
minimum (ce qui représente 15,60 dollars
en 2021 lorsque le salaire minimum en
Californie sera de 13 dollars), mais les
chauffeurs ne seraient payés que pour le « temps
travaillé ». Temps « travaillé » veut
dire le temps « à partir du moment où un chauffeur
de services par applications accepte une demande
de transport ou de livraison jusqu'au moment où le
chauffeur de services par applications mène à bien
cette demande de transport ou de livraison ».
Les chauffeurs ne seraient pas payés pour le temps
qu'ils ont attendu une demande de transport.
Puisque le modèle d'affaires de la compagnie est
basé entre autres sur la saturation de certaines
zones par un surplus de chauffeurs, les temps
d'attente peuvent représenter une grande partie de
chaque heure que le chauffeur passe sur la route,
y compris en faisant la file pendant 30
à 45 minutes à l'aéroport international de
Los Angeles.
« L'indemnisation par mille pour les dépenses du
véhicule » en vertu de la Proposition 22
serait de 30 cents par « mille
travaillé ». [...]
Si les chauffeurs sont dans des zones urbaines
densément peuplées qui sont saturées par d'autres
chauffeurs et ont peu d'endroits où ils peuvent
s'arrêter de façon légale comme dans le
centre-ville de Los Angeles pendant une journée de
semaine, les chauffeurs pourraient se retrouver
constamment sur la route sans avoir de passagers
ou de colis à prendre et à livrer. Ils ne seront
pas indemnisés pour les milles qu'ils auront
roulés sans passagers ni livraisons à faire, même
s'ils sont en attente d'une course.
En vertu de la loi actuelle, cependant, les
travailleurs doivent être remboursés pour le
millage à un taux de remboursement établi selon
les normes de l'IRS, qui en 2020 était
calculé à 57,5 cents par mille, le calcul du
remboursement ne se limitant pas aux « milles
travaillés ».
Les chauffeurs savent aussi d'expérience que les
compagnies ne les indemniseront pas pour les temps
d'arrêt, par exemple pour le nettoyage après un
voyage, pour rédiger un rapport d'urgence dans
l'application mobile ou pour répondre à une erreur
de la compagnie ou à une fausse plainte contre
nous ayant occasionné une perte de revenu, une
suspension ou un congédiement injustifié.
Dans son évaluation salariale de l'initiative de
bulletin de vote, le Centre du Travail de
l'Université de Berkeley affirme que « ayant
constaté de nombreuses failles dans l'initiative,
la garantie de revenu pour les chauffeurs d'Uber
et de Lyft est estimée être l'équivalent d'un
salaire de 5,64 dollars de l'heure ».
Les auteurs disent : « Le fait de ne pas
rémunérer le temps au travail mais seulement le
temps travaillé serait l'équivalent d'un
restaurant fast-food ou un magasin au détail qui
dirait qu'il rémunéra la caissière seulement s'il
y a un client à la caisse. Nous avons des lois du
travail et de l'emploi pour précisément protéger
les travailleurs de ce genre
d'exploitation ». Ce qui veut dire qu'avec la
Proposition 22, les travailleurs devront
travailler des quarts de travail plus longs
seulement pour gagner un salaire qui permet de
subsister, travaillant plus de 40 heures par
semaine sans paiement d'heures supplémentaires.
Regardons le problème à la base, comme moi je le
fais en tant que chauffeur. Combien est-ce que je
gagnerai pour un voyage de l'aéroport de Los
Angeles (LAX) à San Clemente la nuit ? Une
recherche google nous indique que pour se rendre à
San Clemente, c'est 65 milles, et le voyage
est d'une durée d'une heure quand il n'y a pas de
circulation. Je sais d'expérience que la
rémunération d'une course Uber X comme celle-là
est d'environ 52 dollars. (Pas mal faible
considérant la distance parcourue).
Le montant exact du tarif serait de 51,65
dollars parce que le tarif d'Uber X à Los Angeles
est de 0,60 dollars par mille et 0,21
dollars par minute (soit 12,60 dollars de
l'heure) pour le temps qu'un passager passe dans
le véhicule.
Si la Proposition 22 est adoptée et que nous
sommes en 2021, ce même tarif sera
de 0,30 dollars par « mille travaillé »
et de 15,60 dollars par « heure
travaillée » (ou 0,26 dollars par «
minute travaillée »). Rappelons que le «
temps travaillé » est compté à partir du
moment que j'accepte une demande de passager
jusqu'à ce que je le débarque.
Maintenant, je travaille presque toujours à
l'aéroport de Los Angeles... Pour les buts de
l'exercice, disons que je voyage environ un mille
de mon point de départ et qu'il s'écoulera
environ 10 minutes avant que mon passager
n'entre dans le véhicule, s'il attend sur le
trottoir. Aux tarifs de la Proposition 22,
cette étape me donne 2,90 dollars. Pour
l'étape où j'ai un passager dans le véhicule et
que je le conduis jusqu'à San Clemente selon les
tarifs de la Proposition 22, je serai
payé 35,10 dollars. Ainsi le tarif total pour
le même voyage de l'aéroport de San Angeles à San
Clemente selon les tarifs de la
Proposition 22 est de 38 dollars, un montant
inférieur de 13,60 dollars aux tarifs actuels
d'Uber X.
En vertu de la loi actuelle, les chauffeurs ont
le droit d'être indemnisés pour tout le temps au
travail, d'être remboursés pour le millage lié au
travail à plus du double du tarif de la
Proposition 22, et d'être remboursés pour les
dépenses liées au travail. En tant qu'employés,
nous avons le droit d'organiser et de négocier un
contrat pour obtenir plus que le strict minimum.
Si la Proposition 22 est adoptée, les
compagnies d'applications remplaceraient les
assurances médicales par leur « prestation
médicale » inférieure conçue pour que les
compagnies épargnent de l'argent aux dépens de la
santé et de la sécurité de leurs travailleurs.
Après avoir soigneusement examiné le langage
compliqué de la Proposition 22 sur ses
avantages sociaux liés à la santé, nous trouvons
que les compagnies ont fixé la prestation optimale
qu'elles verseront à un travailleur à
seulement 82 % de la « prime mensuelle
moyenne de l'État versé à un individu par un
régime assuré d'assurance de santé bronze de la
Californie. »
La Californie couverte, c'est là qu'il faut
magasiner pour l'« Obamacare ». Les régimes
d'assurances les moins dispendieux sont ceux de
l'option bronze, où se trouvent les régimes ayant
les primes les plus basses, mais les franchises
les plus élevées et les moins bonnes couvertures.
Il existe 12 régimes du niveau bronze, mais
qui vous êtes et où se trouve votre lieu de
domicile peuvent avoir un effet considérable sur
votre prime. Donc, comment calculer la moyenne
pour l'ensemble des 12 régimes du niveau
bronze ? Quelqu'un va devoir y voir en
Californie couverte puisque la Proposition 22
va exiger qu'elle les publie. Jusqu'à ce que cela
se produise, nous ne savons pas pour quoi nous
votons.
Autrement, il y a deux options pour lesquelles il
faut travailler pour y avoir accès :
soit 41 % de cette moyenne de l'option
bronze, ou 82 % de cette moyenne de
l'option bronze. Celle à laquelle on a droit
dépend si une personne maintient une moyenne d'au
moins 15 « heures travaillées » ou d'au
moins 25 « heures travaillées » par
semaine, pendant trois mois, respectivement. Si
vous ne répondez à aucun des deux critères, vous
ne recevez rien. Ces régimes vous sont payés sur
une base trimestrielle. Vous pouvez obtenir une
subvention de plus d'une compagnie, mais il n'y a
pas de disposition permettant de rassembler les
heures de chacune d'elles pour atteindre 15
heures ou 25 heures de « temps
travaillé ».
Les autres conditions sont : vous devez
obtenir et montrer des preuves de votre propre
assurance dont vous êtes le titulaire officiel
(pas nécessairement par le biais de Californie
couverte, semblerait-il), cette assurance ne peut
pas être offerte par un employeur, et elle ne peut
être ni Medicare ni Medicaid Les auteurs de «
Rigging the Gig » ont trouvé que « comme
l'ont montré de récentes études (financées par
l'industrie), les chauffeurs passent
jusqu'à 37 % de leur temps connectés à
leur application mobile de transport, mais sans
passagers ». Ce qui veut dire que la plupart
des chauffeurs auraient besoin de rajouter un
autre 37 % de temps connecté à leur
application – plus de 39 heures par
semaine – afin d'être admissibles aux
avantages du 82 %.
Ainsi, vous allez vous engager envers un régime
d'assurance qu'elles vous aideront à payer si vous
travaillez suffisamment d'heures (dont plusieurs
non payées), mais vous devez le payer vous-mêmes
jusqu'à ce que vous obteniez votre paiement
trimestriel de leur part – s'il y en a un. Et
que Dieu vous aide si vous décidez de partir en
vacances ou que votre auto est en panne pour
quelques jours ou que vous avez une urgence
familiale ou que vous avez été blessé et êtes
incapable de travailler. Non seulement vous
n'aurez aucune paie de vacances, aucun
remboursement pour vos dépenses de réparation, ou
pour un congé de deuil ou de maladie, vous
pourriez aussi perdre vos paiements de primes, pas
seulement pendant un mois mais pour tout le
trimestre.
Si j'examine la « prestation médicale » de
la Proposition 22 en tant que chauffeur ayant de
l'expérience, je vois tout de suite un autre
problème. Je suis habitué aux primes incitatives
basées sur le rendement d'Uber et de Lyft, et je
suis aussi habitué aux circonstances que je ne
peux contrôler qui font en sorte que je les rate.
Je me souviens très bien avoir été sur la route
à 3 h du matin un lundi à la recherche de
seulement deux autres tarifs de Los Angeles avant
4 h pour obtenir une grosse prime, et d'avoir
obtenu un passager à l'autre bout d'Orange County.
Ou pire encore, savoir que j'ai en effet mérité
une prime, mais que quelqu'un au centre des
répartiteurs a refusé de me la donner en raison
d'un écart entre la distance indiquée dans
l'application et celle de leurs GPS. Et nous
allons maintenant jouer ce jeu avec mon régime
médical ? Je ne crois pas. J'ai arrêté de
courir après les primes il y a longtemps parce
qu'elles sont imprévisibles et qu'on ne peut
compter sur elles comme source de revenu.
Et voilà la conception des assurances médicales
entretenue par Uber, Lyft, Door Dash, Instacart et
Postmate. Ce qui revient à dire :
croisez-vous les doigts et faites votre possible.
Ce ne sont pas des règlements pour un nouveau
programme qu'elles mettent de l'avant. C'est ce
qu'elles tentent de mettre dans la loi. Leur
message : « Si vous voulez une bonne
assurance-maladie, allez plutôt du côté des
régimes financés par les contribuables de
Californie couverte. »
Si vous connaissez le terme « avantages sociaux
portables », c'est ce qui attend les employés
qui auront perdu leur statut d'employé pour passer
à celui que la Proposition 22 va créer, et qu'on
appelle parfois un « travailleur dépendant ».
Voilà l'avenir du travail.
Gardez tout cela à l'esprit pendant que vous
poursuivez la lecture.
La crise de la COVID-19 a mis en lumière les
injustices auxquelles sont confrontées les
communautés de couleur et immigrantes lorsqu'il
s'agit de soins de santé, en particulier pour les
travailleurs de covoiturage et de livraison
d'aliments des services d'applications qui forment
la majorité de cette main-d' oeuvre. Dans un
rapport de mai 2018 publié par le Centre du
Travail d'UCLA, des 260 chauffeurs de
covoiturage interrogés dans les alentours de Los
Angeles, 38 % étaient
latinos, 23 % noirs, et 35 %
nés à l'étranger. Deux ans plus tard, une
description de la main-d'oeuvre de covoiturage à
San Francisco a paru dans une étude publiée par
l'Institut UC de Santa Cruz pour la transformation
sociale. Dans son sondage auprès de 643
travailleurs de covoiturage, 29 %
étaient asiatiques, 23 % étaient
hispaniques, 12 % étaient
noirs, 13 % se sont identifiés comme
étant multiraciaux ou autres, et 56 %
étaient nés à l'étranger.
Le Centre pour le contrôle des maladies constate
que les victimes de la COVID-19 sont plus
nombreuses dans ces communautés parce qu'elles ont
moins accès aux soins de santé, aux congés de
maladie, à des environnements de travail
sécuritaires et à des indemnisations en cas
d'accident de travail. La Californie,
malheureusement, est un sujet d'étude potentiel.
Dans un article du 15 juillet, le Los
Angeles Times a publié une analyse de
données à l'échelle de l'État selon lesquelles «
pour chaque 10 000 résidents
latinos, 767 ont eu un résultat positif à la
COVID-19. La communauté noire a aussi été frappée
très durement : pour chaque 100 000
résidents noirs, 396 ont eu un résultat
positif à la COVID-19. En comparaison, 261 de
chaque 1000 résidents blancs ont confirmé des
infections ». Les représentants du comté de
Los Angeles sont cités : « Les raisons
sous-jacentes pour expliquer pourquoi les
communautés de couleur sont frappées de façon
disproportionnée par des éclosions plus fortes de
COVID sont aussi liées aux problèmes structurels
et systémiques de longue date, y compris le
racisme et les désinvestissements historiques, que
le comté de Los Angeles cherche à régler et à
mitiger dans cette pandémie. » [...]
Entretemps, les chauffeurs qui ne sont pas
admissibles aux prestations de chômage ou qui ont
encore besoin de travailler et continuent de
conduire ont été forcés de mettre leur santé et
celle de leurs familles en danger afin de gagner
leur vie. C'est un choix qu'aucun travailleur ne
devrait être obligé de faire. Rideshare Drivers
United a perdu un de ses propres activistes à San
Diego à la COVID-19 de cette façon, et 28
autres membres ont rapporté dans un sondage
interne avoir été malades. [...]
Dans les premières semaines de la crise, les
compagnies n'ont pas tout de suite fourni
l'équipement de protection requis pendant la
pandémie, y compris les masques, les produits pour
les mains, les désinfectants et les partitions
entre les chauffeurs et les passagers. [...]
Le chômage
La crise de la COVID-19 a montré l'importance de
l'assurance-chômage pour les chauffeurs de
covoiturage et de livraison des services
d'applications. Depuis le début de l'année, la
vaste majorité des chauffeurs de covoiturage se
sont retrouvés sans travail en raison de la chute
soudaine de la demande pour leurs services et des
risques pour la santé s'ils continuaient de
conduire. [...]
Peu de temps après que la crise de la COVID-19
ait commencé, il est devenu évident pour les
législateurs à Washington qu'un ensemble de lois
de sauvetage était nécessaire et devait rendre de
l'argent disponible aux gens qui avaient perdu
leur travail. À ce moment-là, Khosrowshahi (le PDG
d'Uber) a fait du lobbying auprès du Congrès pour
que celui-ci fournisse une quelconque aide aux
travailleurs de covoiturage et de livraison.
Éventuellement, cette aide a pris la forme de ce
qu'on appelle l'Assistance pour les sans-emploi en
raison de la pandémie (PUA), une forme
d'assurance-chômage financée par le fédéral visant
à fournir le plus vite possible de l'argent aux
travailleurs au chômage ayant perdu leur revenu.
La prestation pour sans-emploi PUA que
Khosrowshahi a « obtenue » pour ses
chauffeurs après un lobbying intensif est calculée
à partir du revenu net d'un travailleur, tandis
qu'en Californie la prestation d'assurance-chômage
est calculée à partir des revenus bruts. En raison
des coûts élevés des dépenses des chauffeurs de
covoiturage et de livraisons (dépenses que les
compagnies sont censées rembourser mais ne le font
pas), notre revenu net est de beaucoup inférieur à
notre revenu brut. C'est donc dire que notre
prestation fédérale de PUA est de beaucoup
inférieure à notre prestation d'assurance-chômage
fournie par l'État. [...]
Si les chauffeurs de covoiturage et de livraison
des services d'applications demandaient la
prestation de PUA fédérale, rapide et payée par
les contribuables, et non la prestation
d'assurance-chômage de l'État appuyée par
l'employeur, Uber ne serait pas obligé de
contribuer aux fonds d'assurance-chômage de
l'État, même en sachant, comme Khosrowshahi le
savait, que ses travailleurs dans les États comme
la Californie obtiendraient moins d'argent. Ces
efforts n'ont pas porté fruit à New York, ni
ultimement, en Californie, où Rideshare Drivers
United a non seulement oeuvré pour aider des
milliers de chauffeurs à se retrouver dans un
système d'assurance-chômage surchargé pour qu'ils
puissent obtenir leurs prestations
d'assurance-chômage, mais s'est aussi entretenu
avec le milieu syndical pour apporter des réformes
au niveau du département du Travail de l'État.
Cliquer pour agrandir.
De graves menaces
Un vote pour le « Oui » à la Proposition 22
créerait une sous-classe permanente de
travailleurs en Californie et créerait un
précédent désastreux pour les travailleurs
partout.
Si elle était adoptée, la Proposition 22
infecterait d'autres industries et les compagnies
milliardaires seraient encouragées à financer
leurs propres initiatives en prenant comme modèle
la Proposition 22 et en créant de nouvelles
classifications pour leurs propres travailleurs.
Ainsi, les compagnies contourneraient la
législation du travail et augmenteraient leurs
profits en refilant les coûts à leurs
travailleurs.
Dans un article d'opinion du 10 août du New
York
Times, le PDG d'Uber Dara Khosrowshahi a
parlé de sa vision de l'avenir du travail,
prétendant que les législations du travail étaient
désuètes et injustes envers ses travailleurs, et
qu'il devait y avoir une « troisième voie »
ou une nouvelle catégorie de travailleurs. Il a eu
l'audace de parler au nom des besoins de ses
propres travailleurs alors qu'il est à la tête
d'une compagnie basée sur une technologie visant à
les exploiter. Ce n'est pas la seule voix qui
propage ce message, puisque Khosrowshahi a été le
coauteur d'un article d'opinion semblable l'année
dernière avec les cofondateurs de Lyft, Logan
Green et John Zimmer.
Cette façon malhonnête et tordue de présenter les
travailleurs comme des victimes de législations du
travail périmées a été répétée par des politiciens
et dans des éditoriaux des principales agences
médiatiques du monde des affaires dans le
Nord-Est. Un professeur au Stern School of
Business de l'Université de New York et un
analyste pour MKM Partners ont été de passage à la
télévision Bloomberg le 11 août (voir
à 1:08:00) et le 20 août (à 1:50:15),
respectivement. Les deux ont répété les principaux
points que Khosrowshahi avait faits dans son
article, et ils ont blâmé le monde politique pour
les problèmes d'Uber et de Lyft, mais pas les
compagnies elles-mêmes qui enfreignent la loi. Les
deux invités ont ignoré ou fermé les yeux sur
l'influence des travailleurs des compagnies de
coivoiturage (et de Rideshare Drivers United) sur
le cours des événements. [...]
Récapitulatif
Uber, Lyft, DoorDash, Instacart et Postmates
tentent de miner les gains que les travailleurs
des États-Unis ont faits au cours de 150 ans
de lutte pour l'autodétermination et les droits et
les protections que nous avons aujourd'hui. Il
faut arrêter ces compagnies maintenant.
Un vote pour le « Oui » à la Proposition 22
permettra à des compagnies milliardaires
délinquantes de covoiturage et de livraison
d'augmenter leurs profits en changeant les
règlements pour qu'ils s'adaptent à leurs modèles
d'affaires défaillants et basés sur
l'exploitation. La Proposition 22, si elle est
adoptée, ne pourra être amendée ou abrogée que par
un vote de 7/8 à la législature
californienne.
D'autres pays ont déjà commencé à traduire ces
compagnies hors-la-loi en justice en déclarant que
leurs travailleurs ont des droits en tant
qu'employés. Les Californiens doivent participer
en votant NON à la Proposition 22 et en
établissant un exemple que le reste du pays peut
émuler.
Rideshare Drivers United appelle tous les
électeurs de la Californie à VOTER NON à la
Proposition 22, à être solidaires avec les
travailleurs de covoiturage, à forcer ces
compagnies technologiques géantes à rendre des
comptes, et à nous aider à conserver les droits,
la dignité et le respect que nous méritons.
L'avenir des travailleurs en dépend.
Pour de plus amples informations, visiter :
drivers-united.org et
NoOnCAprop22.com
Pour le texte intégral de l'article (en anglais),
cliquer
ici.
Cet article est paru dans
Numéro 82 - Numéro 82 - 3 décembre 2020
Lien de l'article:
Pourquoi il faut voter « non » à la Proposition 22 de la Californie (Extraits) - Keith F. Eberl
Site Web: www.pccml.ca
Email: redaction@cpcml.ca
|