Pourquoi il faut voter « non » à la Proposition 22 de la Californie (Extraits)

L'auteur Keith Eberl est un chauffeur de covoiturage de Los Angeles et un organisateur de Rideshare Drivers United (chauffeurs de covoiturage unis), une association indépendante formée et dirigée par les travailleurs qui comprend 19 000 chauffeurs californiens.

Les avocats d'Uber, Lyft et DoorDash ont écrit l'initiative de bulletin de vote Californie 2020 portant le nom de Proposition 22. Contrairement à ce que prétendent la campagne publicitaire trompeuse et les messages intimidants des compagnies à l'intention des travailleurs, la Proposition 22 ne préserve pas la flexibilité des chauffeurs et ne les protège pas des politiciens. Ce que fait la Proposition 22, par contre, c'est de changer les lois actuelles pour permettre aux compagnies de transférer leurs coûts aux chauffeurs et réduire ou supprimer les droits, les protections et les avantages sociaux des chauffeurs. La Proposition 22 fera obstacle aux efforts d'organisation des chauffeurs pour qu'ils puissent collectivement négocier un contrat. En outre, cette proposition empêchera les gouvernements locaux d'adopter ou de consolider des protections pour les chauffeurs, par exemple pendant une crise comme la COVID-19, et fera en sorte que ce sont les gouvernements qui devront payer pour la santé et la sécurité de base des chauffeurs.

J'en sais quelque chose. Je suis chauffeur de covoiturage à temps plein depuis quatre ans, et je suis un organisateur de Rideshare Drivers United depuis trois ans. Rideshare Drivers United, basée à Los Angeles, est une association indépendante, créée et dirigée par les chauffeurs de covoiturage, qui en comprend 19 000. Notre but est de former un syndicat et de gagner une voix au travail, un salaire équitable et la dignité pour le travail que nous faisons. [...]

Dès le départ, le modèle d'affaires des compagnies basées sur des applications repose sur l'utilisation des chauffeurs comme s'ils étaient des employés mais sur leur traitement comme des entrepreneurs indépendants, ce qui permet aux compagnies de rejeter leurs coûts sur les chauffeurs. Voilà pourquoi nous avons vu et entendu dans les nouvelles de nombreux cas de recours collectifs contre Uber et Lyft pour leur mauvaise classification de leurs chauffeurs en tant qu'entrepreneurs indépendants.

En 2018, la Cour suprême de la Californie a tranché en faveur des chauffeurs de camions qui avaient intenté des poursuites contre la compagnie Dynamex pour la même raison. La cour a eu recours à ce qu'on appelle le « test ABC » utilisé par le Massachussetts et le New Jersey pour déterminer si les camionneurs sont en fait des employés de la compagnie. Ainsi, la décision « Dynamex » est devenue loi en Californie. En 2019, ce test a été incorporé dans un projet de loi de la Californie nommé « AB5 » pour définir ce qu'est un entrepreneur indépendant. [...]

Rien dans la Proposition 22 ne provient des travailleurs ou de leurs représentants élus. En fait, parce que les compagnies enfreignent les lois salariales actuelles, Rideshare Drivers United a élaboré un outil en ligne pour aider plus de 5 000 chauffeurs californiens à déposer des réclamations de salaires auprès de la Commission du Travail de la Californie contre Uber et Lyft pour des salaires non payés, des remboursements de dépenses et des indemnisations d'un total de 1, 3 milliards de dollars. Cette action en justice a été appelée « Application de l'AB5 par le peuple ». [...]

En juin de cette année, le procureur général de la Californie a cherché à obtenir une injonction des tribunaux pour forcer les compagnies à cesser de mal classifier leurs travailleurs et à respecter la loi. Dans la plus pure tradition antisyndicale, Uber et Lyft ont plutôt commencé à faire peur aux travailleurs et au public en menaçant de fermer boutique en Californie si l'injonction est accordée, et de mettre ainsi à pied des dizaines de milliers de chauffeurs. Les agences de nouvelles partout au pays se sont mises à publier à la une des titres laissant entendre que les services de covoiturage allaient éventuellement fermer leurs portes. « Nous allons devoir fermer l'usine ! », disaient les patrons des compagnies. [...]

Entretemps, les compagnies ont lancé un blitz massif de désinformation pour promouvoir leur initiative de bulletin de vote. Des publicités trompeuses paraissent dans tous les racoins des médias de masse et électroniques imaginables, y compris dans les applications mobiles des passagers et des clients de livraisons. [...]

Ainsi, après avoir menacé de congédier tout le monde et de quitter la ville, les patrons des compagnies prennent maintenant d'assaut nos applications mobiles de travail avec des messages pop-up [...]. C'est ce qui se passe à chaque jour, plusieurs fois par jour, dans notre espace de travail, c'est-à-dire, nos applications mobiles.

[...] Ces patrons sans visage tentent de semer la confusion parmi nous. On nous présente le message : « La Proposition 22, c'est le progrès. La Proposition 22 va garantir des revenus et des prestations médicales ». Encore une fois, il n'y a aucune interaction humaine, aucune explication de quoi il s'agit vraiment, ni pourquoi ce n'est pas déjà ce qui se passe, néanmoins on nous présente deux boutons : l'un indique « Oui pour la Proposition 22 » et l'autre, « OK ».

Répandre la peur et la confusion parmi les travailleurs est une tactique antisyndicale classique. (Le 22 octobre, les chauffeurs ont intenté une poursuite contre Uber pour avoir violé une loi californienne qui interdit aux employeurs d'essayer d'influencer les activités politiques des employés en les menaçant de perte d'emploi). [...]

La Proposition 22 accorderait aux compagnies de covoiturage et de livraison une exemption d'AB5. Elles ne seraient pas tenues de se conformer aux lois du travail de la Californie (qu'elles enfreignent depuis leur création) et donnerait le feu vert aux entreprises pour établir une classe permanente de travailleurs sans protection.

La Proposition 22 éliminerait ou réduirait grandement les droits des chauffeurs de covoiturage et des livreurs à un salaire minimum, aux heures supplémentaires, au remboursement des dépenses, aux soins de santé, aux congés de maladie, à l'indemnisation en cas d'accident, aux règlements de la sécurité, à l'anti-discrimination et le droit de s'organiser. Les compagnies pourraient toujours se servir de nous comme employés en raison de la façon dont elles nous contrôlent.

Examinons le volet des revenus et des assurances médicales de la Proposition 22. Celle-ci élimine les avantages sociaux de base d'un endroit de travail et les remplace par une nouvelle « garantie de revenus » réduite et un paiement de « prestations médicales » conçus pour que les compagnies ne soient pas tenues de payer pour les dépenses comme elles devraient le faire en vertu de la loi actuelle.

Côté salaire, la « garantie de revenus » serait l'équivalent de 120 % du salaire minimum (ce qui représente 15,60 dollars en 2021 lorsque le salaire minimum en Californie sera de 13 dollars), mais les chauffeurs ne seraient payés que pour le « temps travaillé ». Temps « travaillé » veut dire le temps « à partir du moment où un chauffeur de services par applications accepte une demande de transport ou de livraison jusqu'au moment où le chauffeur de services par applications mène à bien cette demande de transport ou de livraison ». Les chauffeurs ne seraient pas payés pour le temps qu'ils ont attendu une demande de transport. Puisque le modèle d'affaires de la compagnie est basé entre autres sur la saturation de certaines zones par un surplus de chauffeurs, les temps d'attente peuvent représenter une grande partie de chaque heure que le chauffeur passe sur la route, y compris en faisant la file pendant 30 à 45 minutes à l'aéroport international de Los Angeles.

« L'indemnisation par mille pour les dépenses du véhicule » en vertu de la Proposition 22 serait de 30 cents par « mille travaillé ». [...]

Si les chauffeurs sont dans des zones urbaines densément peuplées qui sont saturées par d'autres chauffeurs et ont peu d'endroits où ils peuvent s'arrêter de façon légale comme dans le centre-ville de Los Angeles pendant une journée de semaine, les chauffeurs pourraient se retrouver constamment sur la route sans avoir de passagers ou de colis à prendre et à livrer. Ils ne seront pas indemnisés pour les milles qu'ils auront roulés sans passagers ni livraisons à faire, même s'ils sont en attente d'une course.

En vertu de la loi actuelle, cependant, les travailleurs doivent être remboursés pour le millage à un taux de remboursement établi selon les normes de l'IRS, qui en 2020 était calculé à 57,5 cents par mille, le calcul du remboursement ne se limitant pas aux « milles travaillés ».

Les chauffeurs savent aussi d'expérience que les compagnies ne les indemniseront pas pour les temps d'arrêt, par exemple pour le nettoyage après un voyage, pour rédiger un rapport d'urgence dans l'application mobile ou pour répondre à une erreur de la compagnie ou à une fausse plainte contre nous ayant occasionné une perte de revenu, une suspension ou un congédiement injustifié.

Dans son évaluation salariale de l'initiative de bulletin de vote, le Centre du Travail de l'Université de Berkeley affirme que « ayant constaté de nombreuses failles dans l'initiative, la garantie de revenu pour les chauffeurs d'Uber et de Lyft est estimée être l'équivalent d'un salaire de 5,64 dollars de l'heure ». Les auteurs disent : « Le fait de ne pas rémunérer le temps au travail mais seulement le temps travaillé serait l'équivalent d'un restaurant fast-food ou un magasin au détail qui dirait qu'il rémunéra la caissière seulement s'il y a un client à la caisse. Nous avons des lois du travail et de l'emploi pour précisément protéger les travailleurs de ce genre d'exploitation ». Ce qui veut dire qu'avec la Proposition 22, les travailleurs devront travailler des quarts de travail plus longs seulement pour gagner un salaire qui permet de subsister, travaillant plus de 40 heures par semaine sans paiement d'heures supplémentaires.

Regardons le problème à la base, comme moi je le fais en tant que chauffeur. Combien est-ce que je gagnerai pour un voyage de l'aéroport de Los Angeles (LAX) à San Clemente la nuit ? Une recherche google nous indique que pour se rendre à San Clemente, c'est 65 milles, et le voyage est d'une durée d'une heure quand il n'y a pas de circulation. Je sais d'expérience que la rémunération d'une course Uber X comme celle-là est d'environ 52 dollars. (Pas mal faible considérant la distance parcourue).

Le montant exact du tarif serait de 51,65 dollars parce que le tarif d'Uber X à Los Angeles est de 0,60 dollars par mille et 0,21 dollars par minute (soit 12,60 dollars de l'heure) pour le temps qu'un passager passe dans le véhicule.

Si la Proposition 22 est adoptée et que nous sommes en 2021, ce même tarif sera de 0,30 dollars par « mille travaillé » et de 15,60 dollars par « heure travaillée » (ou 0,26 dollars par « minute travaillée »). Rappelons que le « temps travaillé » est compté à partir du moment que j'accepte une demande de passager jusqu'à ce que je le débarque.

Maintenant, je travaille presque toujours à l'aéroport de Los Angeles... Pour les buts de l'exercice, disons que je voyage environ un mille de mon point de départ et qu'il s'écoulera environ 10 minutes avant que mon passager n'entre dans le véhicule, s'il attend sur le trottoir. Aux tarifs de la Proposition 22, cette étape me donne 2,90 dollars. Pour l'étape où j'ai un passager dans le véhicule et que je le conduis jusqu'à San Clemente selon les tarifs de la Proposition 22, je serai payé 35,10 dollars. Ainsi le tarif total pour le même voyage de l'aéroport de San Angeles à San Clemente selon les tarifs de la Proposition 22 est de 38 dollars, un montant inférieur de 13,60 dollars aux tarifs actuels d'Uber X.

En vertu de la loi actuelle, les chauffeurs ont le droit d'être indemnisés pour tout le temps au travail, d'être remboursés pour le millage lié au travail à plus du double du tarif de la Proposition 22, et d'être remboursés pour les dépenses liées au travail. En tant qu'employés, nous avons le droit d'organiser et de négocier un contrat pour obtenir plus que le strict minimum.

Si la Proposition 22 est adoptée, les compagnies d'applications remplaceraient les assurances médicales par leur « prestation médicale » inférieure conçue pour que les compagnies épargnent de l'argent aux dépens de la santé et de la sécurité de leurs travailleurs. Après avoir soigneusement examiné le langage compliqué de la Proposition 22 sur ses avantages sociaux liés à la santé, nous trouvons que les compagnies ont fixé la prestation optimale qu'elles verseront à un travailleur à seulement 82 % de la « prime mensuelle moyenne de l'État versé à un individu par un régime assuré d'assurance de santé bronze de la Californie. »

La Californie couverte, c'est là qu'il faut magasiner pour l'« Obamacare ». Les régimes d'assurances les moins dispendieux sont ceux de l'option bronze, où se trouvent les régimes ayant les primes les plus basses, mais les franchises les plus élevées et les moins bonnes couvertures. Il existe 12 régimes du niveau bronze, mais qui vous êtes et où se trouve votre lieu de domicile peuvent avoir un effet considérable sur votre prime. Donc, comment calculer la moyenne pour l'ensemble des 12 régimes du niveau bronze ? Quelqu'un va devoir y voir en Californie couverte puisque la Proposition 22 va exiger qu'elle les publie. Jusqu'à ce que cela se produise, nous ne savons pas pour quoi nous votons.

Autrement, il y a deux options pour lesquelles il faut travailler pour y avoir accès : soit 41 % de cette moyenne de l'option bronze, ou 82 % de cette moyenne de l'option bronze. Celle à laquelle on a droit dépend si une personne maintient une moyenne d'au moins 15 « heures travaillées » ou d'au moins 25 « heures travaillées » par semaine, pendant trois mois, respectivement. Si vous ne répondez à aucun des deux critères, vous ne recevez rien. Ces régimes vous sont payés sur une base trimestrielle. Vous pouvez obtenir une subvention de plus d'une compagnie, mais il n'y a pas de disposition permettant de rassembler les heures de chacune d'elles pour atteindre 15 heures ou 25 heures de « temps travaillé ».

Les autres conditions sont : vous devez obtenir et montrer des preuves de votre propre assurance dont vous êtes le titulaire officiel (pas nécessairement par le biais de Californie couverte, semblerait-il), cette assurance ne peut pas être offerte par un employeur, et elle ne peut être ni Medicare ni Medicaid Les auteurs de « Rigging the Gig » ont trouvé que « comme l'ont montré de récentes études (financées par l'industrie), les chauffeurs passent jusqu'à 37 % de leur temps connectés à leur application mobile de transport, mais sans passagers ». Ce qui veut dire que la plupart des chauffeurs auraient besoin de rajouter un autre 37 % de temps connecté à leur application – plus de 39 heures par semaine – afin d'être admissibles aux avantages du 82 %.

Ainsi, vous allez vous engager envers un régime d'assurance qu'elles vous aideront à payer si vous travaillez suffisamment d'heures (dont plusieurs non payées), mais vous devez le payer vous-mêmes jusqu'à ce que vous obteniez votre paiement trimestriel de leur part – s'il y en a un. Et que Dieu vous aide si vous décidez de partir en vacances ou que votre auto est en panne pour quelques jours ou que vous avez une urgence familiale ou que vous avez été blessé et êtes incapable de travailler. Non seulement vous n'aurez aucune paie de vacances, aucun remboursement pour vos dépenses de réparation, ou pour un congé de deuil ou de maladie, vous pourriez aussi perdre vos paiements de primes, pas seulement pendant un mois mais pour tout le trimestre.

Si j'examine la « prestation médicale » de la Proposition 22 en tant que chauffeur ayant de l'expérience, je vois tout de suite un autre problème. Je suis habitué aux primes incitatives basées sur le rendement d'Uber et de Lyft, et je suis aussi habitué aux circonstances que je ne peux contrôler qui font en sorte que je les rate. Je me souviens très bien avoir été sur la route à 3 h du matin un lundi à la recherche de seulement deux autres tarifs de Los Angeles avant 4 h pour obtenir une grosse prime, et d'avoir obtenu un passager à l'autre bout d'Orange County. Ou pire encore, savoir que j'ai en effet mérité une prime, mais que quelqu'un au centre des répartiteurs a refusé de me la donner en raison d'un écart entre la distance indiquée dans l'application et celle de leurs GPS. Et nous allons maintenant jouer ce jeu avec mon régime médical ? Je ne crois pas. J'ai arrêté de courir après les primes il y a longtemps parce qu'elles sont imprévisibles et qu'on ne peut compter sur elles comme source de revenu.

Et voilà la conception des assurances médicales entretenue par Uber, Lyft, Door Dash, Instacart et Postmate. Ce qui revient à dire : croisez-vous les doigts et faites votre possible. Ce ne sont pas des règlements pour un nouveau programme qu'elles mettent de l'avant. C'est ce qu'elles tentent de mettre dans la loi. Leur message : « Si vous voulez une bonne assurance-maladie, allez plutôt du côté des régimes financés par les contribuables de Californie couverte. »

Si vous connaissez le terme « avantages sociaux portables », c'est ce qui attend les employés qui auront perdu leur statut d'employé pour passer à celui que la Proposition 22 va créer, et qu'on appelle parfois un « travailleur dépendant ».

Voilà l'avenir du travail.

Gardez tout cela à l'esprit pendant que vous poursuivez la lecture.

La crise de la COVID-19 a mis en lumière les injustices auxquelles sont confrontées les communautés de couleur et immigrantes lorsqu'il s'agit de soins de santé, en particulier pour les travailleurs de covoiturage et de livraison d'aliments des services d'applications qui forment la majorité de cette main-d' oeuvre. Dans un rapport de mai 2018 publié par le Centre du Travail d'UCLA, des 260 chauffeurs de covoiturage interrogés dans les alentours de Los Angeles, 38 % étaient latinos, 23 % noirs, et 35 % nés à l'étranger. Deux ans plus tard, une description de la main-d'oeuvre de covoiturage à San Francisco a paru dans une étude publiée par l'Institut UC de Santa Cruz pour la transformation sociale. Dans son sondage auprès de 643 travailleurs de covoiturage, 29 % étaient asiatiques, 23 % étaient hispaniques, 12 % étaient noirs, 13 % se sont identifiés comme étant multiraciaux ou autres, et 56 % étaient nés à l'étranger.

Le Centre pour le contrôle des maladies constate que les victimes de la COVID-19 sont plus nombreuses dans ces communautés parce qu'elles ont moins accès aux soins de santé, aux congés de maladie, à des environnements de travail sécuritaires et à des indemnisations en cas d'accident de travail. La Californie, malheureusement, est un sujet d'étude potentiel. Dans un article du 15 juillet, le Los Angeles Times a publié une analyse de données à l'échelle de l'État selon lesquelles « pour chaque 10 000 résidents latinos, 767 ont eu un résultat positif à la COVID-19. La communauté noire a aussi été frappée très durement : pour chaque 100 000 résidents noirs, 396 ont eu un résultat positif à la COVID-19. En comparaison, 261 de chaque 1000 résidents blancs ont confirmé des infections ». Les représentants du comté de Los Angeles sont cités : « Les raisons sous-jacentes pour expliquer pourquoi les communautés de couleur sont frappées de façon disproportionnée par des éclosions plus fortes de COVID sont aussi liées aux problèmes structurels et systémiques de longue date, y compris le racisme et les désinvestissements historiques, que le comté de Los Angeles cherche à régler et à mitiger dans cette pandémie. » [...]

Entretemps, les chauffeurs qui ne sont pas admissibles aux prestations de chômage ou qui ont encore besoin de travailler et continuent de conduire ont été forcés de mettre leur santé et celle de leurs familles en danger afin de gagner leur vie. C'est un choix qu'aucun travailleur ne devrait être obligé de faire. Rideshare Drivers United a perdu un de ses propres activistes à San Diego à la COVID-19 de cette façon, et 28 autres membres ont rapporté dans un sondage interne avoir été malades. [...]

Dans les premières semaines de la crise, les compagnies n'ont pas tout de suite fourni l'équipement de protection requis pendant la pandémie, y compris les masques, les produits pour les mains, les désinfectants et les partitions entre les chauffeurs et les passagers. [...]

Le chômage

La crise de la COVID-19 a montré l'importance de l'assurance-chômage pour les chauffeurs de covoiturage et de livraison des services d'applications. Depuis le début de l'année, la vaste majorité des chauffeurs de covoiturage se sont retrouvés sans travail en raison de la chute soudaine de la demande pour leurs services et des risques pour la santé s'ils continuaient de conduire. [...]

Peu de temps après que la crise de la COVID-19 ait commencé, il est devenu évident pour les législateurs à Washington qu'un ensemble de lois de sauvetage était nécessaire et devait rendre de l'argent disponible aux gens qui avaient perdu leur travail. À ce moment-là, Khosrowshahi (le PDG d'Uber) a fait du lobbying auprès du Congrès pour que celui-ci fournisse une quelconque aide aux travailleurs de covoiturage et de livraison. Éventuellement, cette aide a pris la forme de ce qu'on appelle l'Assistance pour les sans-emploi en raison de la pandémie (PUA), une forme d'assurance-chômage financée par le fédéral visant à fournir le plus vite possible de l'argent aux travailleurs au chômage ayant perdu leur revenu.

La prestation pour sans-emploi PUA que Khosrowshahi a « obtenue » pour ses chauffeurs après un lobbying intensif est calculée à partir du revenu net d'un travailleur, tandis qu'en Californie la prestation d'assurance-chômage est calculée à partir des revenus bruts. En raison des coûts élevés des dépenses des chauffeurs de covoiturage et de livraisons (dépenses que les compagnies sont censées rembourser mais ne le font pas), notre revenu net est de beaucoup inférieur à notre revenu brut. C'est donc dire que notre prestation fédérale de PUA est de beaucoup inférieure à notre prestation d'assurance-chômage fournie par l'État. [...]

Si les chauffeurs de covoiturage et de livraison des services d'applications demandaient la prestation de PUA fédérale, rapide et payée par les contribuables, et non la prestation d'assurance-chômage de l'État appuyée par l'employeur, Uber ne serait pas obligé de contribuer aux fonds d'assurance-chômage de l'État, même en sachant, comme Khosrowshahi le savait, que ses travailleurs dans les États comme la Californie obtiendraient moins d'argent. Ces efforts n'ont pas porté fruit à New York, ni ultimement, en Californie, où Rideshare Drivers United a non seulement oeuvré pour aider des milliers de chauffeurs à se retrouver dans un système d'assurance-chômage surchargé pour qu'ils puissent obtenir leurs prestations d'assurance-chômage, mais s'est aussi entretenu avec le milieu syndical pour apporter des réformes au niveau du département du Travail de l'État.


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De graves menaces

Un vote pour le « Oui » à la Proposition 22 créerait une sous-classe permanente de travailleurs en Californie et créerait un précédent désastreux pour les travailleurs partout.

Si elle était adoptée, la Proposition 22 infecterait d'autres industries et les compagnies milliardaires seraient encouragées à financer leurs propres initiatives en prenant comme modèle la Proposition 22 et en créant de nouvelles classifications pour leurs propres travailleurs. Ainsi, les compagnies contourneraient la législation du travail et augmenteraient leurs profits en refilant les coûts à leurs travailleurs.

Dans un article d'opinion du 10 août du New York Times, le PDG d'Uber Dara Khosrowshahi a parlé de sa vision de l'avenir du travail, prétendant que les législations du travail étaient désuètes et injustes envers ses travailleurs, et qu'il devait y avoir une « troisième voie » ou une nouvelle catégorie de travailleurs. Il a eu l'audace de parler au nom des besoins de ses propres travailleurs alors qu'il est à la tête d'une compagnie basée sur une technologie visant à les exploiter. Ce n'est pas la seule voix qui propage ce message, puisque Khosrowshahi a été le coauteur d'un article d'opinion semblable l'année dernière avec les cofondateurs de Lyft, Logan Green et John Zimmer.

Cette façon malhonnête et tordue de présenter les travailleurs comme des victimes de législations du travail périmées a été répétée par des politiciens et dans des éditoriaux des principales agences médiatiques du monde des affaires dans le Nord-Est. Un professeur au Stern School of Business de l'Université de New York et un analyste pour MKM Partners ont été de passage à la télévision Bloomberg le 11 août (voir à 1:08:00) et le 20 août (à 1:50:15), respectivement. Les deux ont répété les principaux points que Khosrowshahi avait faits dans son article, et ils ont blâmé le monde politique pour les problèmes d'Uber et de Lyft, mais pas les compagnies elles-mêmes qui enfreignent la loi. Les deux invités ont ignoré ou fermé les yeux sur l'influence des travailleurs des compagnies de coivoiturage (et de Rideshare Drivers United) sur le cours des événements. [...]

Récapitulatif

Uber, Lyft, DoorDash, Instacart et Postmates tentent de miner les gains que les travailleurs des États-Unis ont faits au cours de 150 ans de lutte pour l'autodétermination et les droits et les protections que nous avons aujourd'hui. Il faut arrêter ces compagnies maintenant.

Un vote pour le « Oui » à la Proposition 22 permettra à des compagnies milliardaires délinquantes de covoiturage et de livraison d'augmenter leurs profits en changeant les règlements pour qu'ils s'adaptent à leurs modèles d'affaires défaillants et basés sur l'exploitation. La Proposition 22, si elle est adoptée, ne pourra être amendée ou abrogée que par un vote de 7/8 à la législature californienne.

D'autres pays ont déjà commencé à traduire ces compagnies hors-la-loi en justice en déclarant que leurs travailleurs ont des droits en tant qu'employés. Les Californiens doivent participer en votant NON à la Proposition 22 et en établissant un exemple que le reste du pays peut émuler.

Rideshare Drivers United appelle tous les électeurs de la Californie à VOTER NON à la Proposition 22, à être solidaires avec les travailleurs de covoiturage, à forcer ces compagnies technologiques géantes à rendre des comptes, et à nous aider à conserver les droits, la dignité et le respect que nous méritons.

L'avenir des travailleurs en dépend.

Pour de plus amples informations, visiter : drivers-united.org et NoOnCAprop22.com

Pour le texte intégral de l'article (en anglais), cliquer ici.

(25 octobre 2020. Photos : Gig Workers Rising, GDU)


Cet article est paru dans

Numéro 82 - Numéro 82 - 3 décembre 2020

Lien de l'article:
Pourquoi il faut voter « non » à la Proposition 22 de la Californie (Extraits) - Keith F. Eberl


    

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