La Proposition 22 de la Californie

La démocratie impérialiste dans toute sa laideur en Californie

Le Centre ouvrier du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) consacre tout ce numéro de Forum ouvrier à la façon dont les compagnies de réseau Uber, Lyft, Instacart, Postmates et DoorDash s'y sont prises en Californie pour priver légalement les travailleurs de réseau de leur statut de travailleurs. Elles l'ont fait en utilisant la « Proposition 22 », qui a été adoptée le 3 novembre. L'objectif de la Proposition 22 est de donner aux compagnies de réseau l'autorité juridique pour surexploiter les travailleurs de réseau en toute impunité. Les entreprises de réseau agissent à l'échelle internationale et elles ont combiné leurs forces en cartels et en coalitions pour mettre de l'avant leurs intérêts privés étroits, refusant même de payer un salaire minimum et de payer leurs chauffeurs pour le travail qu'ils font. Sur la base de leur succès en Californie, elles ont maintenant clairement laissé entendre qu'elles vont étendre ces efforts. « À partir de maintenant, vous allez nous entendre demander avec plus de force de nouvelles lois comme la Proposition 22 », a dit le PDG d'Uber Dara Khosrowshahi.

Les chauffeurs des compagnies de réseau, communément appelés les travailleurs à la demande, sont déjà une section surexploitée de la classe ouvrière. Ils s'organisent depuis plusieurs années dans plusieurs pays, dont le Canada, pour défendre leurs droits. Ils ont notamment organisé des grèves contre Uber et Lyft le 25 mars 2019. Au mois de mai de la même année, les chauffeurs ont organisé des actions collectivement et tenu une journée d'action comprenant des grèves contre Uber dans au moins 10 villes des États-Unis et sur les cinq continents.

En Californie en particulier, les chauffeurs ont formé leurs propres organisations, dont Rideshare Drivers United (RDU). Le RDU a joué un grand rôle dans les actions de 2019 et comprend maintenant 19 000 membres. Des travailleurs ont pris l'initiative de se joindre à d'autres pour créer leurs propres réseaux et pages Facebook pour communiquer entre eux, aider à résoudre les problèmes et contrer les actions injustes des compagnies contre eux. Par exemple, un chauffeur de San Francisco a développé une liste de contacts de 4 000 chauffeurs qu'il connaît, ce qui est tout un accomplissement compte tenu du caractère transitoire du travail. Ces travailleurs, dont plusieurs sont des Yéménites et d'autres immigrants arrivés récemment, ont travaillé à renforcer leurs efforts collectifs pour défendre leurs droits.

Ces campagnes d'organisation ont fortement contribué à l'adoption par l'assemblée législative de la Californie de la Loi 5 (AB5), une loi de l'État qui classe les chauffeurs de covoiturage et les livreurs des compagnies de réseau comme des employés et non des « entrepreneurs indépendants ». L'AB5 place le fardeau de la preuve en ce qui concerne la classification des individus comme entrepreneurs indépendants sur l'entité qui engage. L'AB5 permet aux travailleurs classés comme employés de bénéficier des lois de la Californie relatives au salaire minimum, aux congés de maladie et aux prestations d'assurance-chômage et d'indemnisation des travailleurs, pour lesquels les employeurs paient des impôts sur la masse salariale.

L'AB5 a été adoptée comme loi le 18 septembre 2019 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Uber et Lyft ont répliqué en refusant d'obéir à la loi ou aux injonctions des tribunaux leur ordonnant de classer les travailleurs comme des employés. Les chauffeurs sont entrés en action et ont organisé des manifestations à San Francisco et à Los Angeles. Les compagnies ont formé leur propre cartel pour faire adopter leur propre loi, la Proposition 22, le 3 novembre par le biais d'un processus électoral corrompu. Elles ont engagé des avocats du « travail » pour écrire la Proposition 22 pour le référendum du 3 novembre, d'une manière qui favorise spécifiquement leurs intérêts privés au détriment de l'intérêt des travailleurs. La Proposition 22 souligne clairement quelle est la cible de la loi :

« Nonobstant toute autre disposition de la loi, incluant, sans toutefois s'y limiter, le Code du travail, le Code de l'assurance-chômage, et toute ordonnance, réglementation ou opinions du département des Relations industrielles, ou tout conseil, division ou commission au sein du département des Relations industrielles, un chauffeur des services par applications est un entrepreneur indépendant et non un employé ou un agent en ce qui concerne la relation du chauffeur des services par application avec une compagnie de réseau. »

Les compagnies de réseau revendiquent le droit de forcer les travailleurs à signer individuellement un contrat avec la compagnie avant de vendre leur capacité de travailler à la compagnie et de commencer à travailler.

La Proposition 22 se lit : « Une compagnie de réseau et un chauffeur des services par applications signeront un contrat avant que le chauffeur ait accès à l'application ou à la plateforme en ligne de la compagnie de réseau. » Le contrat nie aux travailleurs contractuels le droit de réclamer leurs droits individuellement en dehors de ce que le contrat comprend ou de s'unir à d'autres travailleurs assujettis au contrat pour défendre leurs droits collectivement.

Pour consolider la tyrannie ayant force de loi et nier toute possibilité qu'elle soit renversée, la Proposition 22 comprend ceci à sa sous-section (a) :

« Après la date de l'entrée en vigueur de ce chapitre, la législature [de la Californie] peut modifier ce chapitre par une loi adoptée par chaque chambre de la législature par un vote par appel nominal inscrit au journal officiel par lequel les sept huitièmes des membres se déclarent en accord [avec la modification]. » (notre souligné)

Pour confirmer clairement que toute modification à la loi est interdite, la Proposition 22 indique :
« Aucune loi adoptée après le 29 octobre 2019 mais avant l'entrée en vigueur de ce chapitre, qui constituerait une modification de ce chapitre, ne sera effective après l'entrée en vigueur de ce chapitre à moins que la loi ne soit adoptée conformément aux exigences de la sous-section (a).

Autrement dit, toute modification ou altération du principe fondamental de la Proposition 22, que les travailleurs de réseau ne sont pas réellement des employés et doivent accepter les conditions d'emploi définies par la loi requiert que « sept huitièmes des membres se déclarent en accord ». La Proposition 22 exempte les entreprises de réseau de l'AB5 qui requiert que les compagnies accordent le statut d'employés à leurs travailleurs par le biais d'un « test ABC ». En vertu du test, un travailleur est déclaré employé au lieu d'entrepreneur indépendant « si son travail fait partie de l'activité principale de la compagnie, si les patrons dirigent la façon dont le travail est accompli ou si le travailleur n'a pas établi un commerce ou une entreprise indépendants ».

Les chauffeurs ont mené un vaste travail d'organisation contre la Proposition 22 et contre les mensonges et la désinformation répandus par les compagnies qui prétendent que la loi bénéficie aux travailleurs. Ils ont organisé des manifestations pour appeler les gens a voter non, ont mobilisé plus de personnes dans le travail d'organisation et sensibilisé le public avec du matériel d'information.

Ils revendiquent notamment l'établissement d'un salaire horaire minimum égal aux 27,86 dollars de l'heure de la ville de New York, avant les dépenses liées au travail, le droit de s'organiser sans représailles et la reconnaissance du droit des organisations indépendantes de chauffeurs de négocier au nom des travailleurs. Démontrant leurs préoccupations pour le public et l'environnement, ils ont aussi demandé que les réseaux inscrivent sur le reçu des passagers la ventilation des frais chargés par Uber ou Lyft et établissent des normes d'émission pour tous les nouveaux véhicules ajoutés à la plateforme. C'est ainsi que les conducteurs visent à assumer leur responsabilité de défendre leurs intérêts et ceux du public. Par contre, les entreprises de réseaux luttent pour le contraire et refusent notamment de fournir une protection contre la COVID-19.

La Proposition 22 est un moyen pour criminaliser les efforts d'organisation tout en assurant un afflux constant de travailleurs vulnérables à exploiter. Son objectif d'inscrire dans la loi que les compagnies n'ont aucune responsabilité sociale ne sera pas accepté par les travailleurs qui vont le combattre de toutes leurs forces. Le mouvement ouvrier aux États-Unis, au Canada et à l'échelle internationale lutte pour la justice et pour des arrangements modernes qui affirment les droits de tous. Le mouvement ouvrier ne reconnaît pas la définition de droits que la classe dominante corrompue dit être légale, laquelle est en violation du mot « droits » et de la conception de la primauté du droit. Un droit est une question de faire les réclamations que les humains doivent faire afin d'affirmer leur humanité. S'il n'est même pas perçu comme étant juste, il sera défié.

Le fait que la coalition des compagnies de réseau Uber, Lyft, Instacart, Postmates et DoorDash se soit liguée en Californie pour écrire et adopter une loi pour bloquer les efforts pour s'organiser et assurer un afflux constant de travailleurs vulnérables montre qu'ils vont agir de manière semblable au Canada où les oligopoles agissent déjà pour obtenir des lois qui sont en leur faveur dans les parlements et les législatures. Les travailleurs établissent un exemple en intensifiant leur résistance et en s'organisant encore plus pour rejeter les actions des intérêts privés étroits comme Uber et Lyft. Ils prennent en main leur responsabilité sociale de défendre les droits de tous et luttent pour donner une nouvelle direction au pays.

Forum ouvrier est à la disposition des efforts d'organisation de tous les travailleurs à la demande.

(Photos : Rideshare Drivers United, Gig Workers Rising, Mobilre Workers Alliance)


Cet article est paru dans

Numéro 82 - Numéro 82 - 3 décembre 2020

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