Les travailleurs de la santé du
Québec s'opposent aux arrêtés ministériels
Un profond besoin objectif de nouveaux arrangements
- Pierre Soublière -
Manifestation devant l'hôpital de Gatineau
contre les décrets ministériels, le 6
novembre 2020
Depuis quelques semaines au Québec, en
particulier face à la deuxième vague de la
pandémie et au refus du gouvernement de mobiliser
le peuple pour surmonter les problèmes, le fossé
se creuse entre l'autorité et la légitimité du
gouvernement et les conditions engendrées par les
forces productives modernes d'une économie
hautement socialisée.
D'abord les travailleurs de la santé font de plus
en plus connaître leur mécontentement et mettent
de plus en plus de l'avant les solutions qui vont
leur permettre d'assurer leur propre protection
ainsi que celle des patients et résidents dont ils
ont la responsabilité. Le mot d'ordre
incontournable d'améliorer les conditions de
travail se fait de plus en plus entendre. Ces
améliorations ne sont pas des idées vagues, mais
se traduisent par des mesures très précises en
termes de ratios personnel/patients, d'horaires
fixes, etc. Se rajoutent à ces mesures une
préoccupation générale croissante pour le sort de
nos aînés, et une des questions qui est soulevée
est pourquoi le sort de nos êtres aimés est remis
entre les mains d'entreprises privées dont la
seule raison d'être est le profit. Il y a aussi un
consensus à l'effet que la capacité de vaincre le
coronavirus a été sapée par des décennies de
compressions et de désinvestissement, de
privatisation et de réformes en santé qui ont
rendu le système de soins de santé de plus en plus
inaccessible, et surtout pas assez solide pour
surmonter des crises telles que la présente
pandémie.
Face aux propositions de
la part des travailleurs, mais aussi de diverses
sections du peuple, la réponse du gouvernement,
qui est toujours initialement de montrer un
semblant d'« empathie », est de poursuivre
comme si de rien n'était, suivant son propre ordre
du jour en l'imposant par décrets, arrêtés
ministériels et en proférant des menaces. Ces
arrêtés ministériels en soins de santé ont aggravé
la situation déjà précaire en santé, parce qu'ils
ouvrent la porte aux employeurs qui continuent
d'abuser des conditions de travail des employés,
avec des conséquences dangereuses à la fois pour
ces derniers et pour les personnes qu'ils
soignent. Dans certaines résidences pour aînés où
il y a eu des éclosions, on annonce qu'une des
mesures prises a été d'embaucher des gardiens de
sécurité pour faire des tournées et voir à ce que
tout le monde « respecte les
consignes » !
Lorsque le gouvernement du Québec a annoncé la
fermeture à nouveau des centres de conditionnement
physique, des restaurants et cinémas, plusieurs
ont soulevé que lorsqu'ils ont réouvert à la suite
de la première vague, ils avaient respecté à la
lettre les directives des organismes de santé
publique, et qu'une nouvelle fermeture allait
possiblement les pousser à la faillite. Le
gouvernement Legault, qui comme ses prédécesseurs
ne jure que par les PME et comment il est là pour
eux, a fait la sourde oreille. Une association qui
représente 200 centres de conditionnement
physique du Québec a fait une sortie dans les
médias, disant très clairement comment leurs
services contribuaient à la santé physique et
mentale de la population, comment ils n'avaient
été la source d'aucune éclosion en mettant en
place les mesures appropriées. Lorsque les
porte-paroles ont laissé entendre qu'ils
contreviendraient peut-être à la directive du
gouvernement en restant ouverts, le gouvernement
Legault a menacé d'imposer une amende salée à
quiconque se pointerait à un de ces centres.
Une association de 700 médecins, portant le
nom de Regroupement québécois pour une
décentralisation du système de santé, se dit
freinée par les administrations locales dans leurs
efforts pour « mettre en place des mesures et des
solutions concrètes pour freiner la pandémie dans
les milieux de soins ». Elle soulève que
l'autonomie du personnel sur le terrain est encore
plus essentielle en cette deuxième vague parce que
le réseau doit désormais soigner autant les
patients atteints de la COVID-19 que ceux qui
doivent être traités pour un cancer ou un
infarctus, en pleine pénurie de personnel. La
première démarche du regroupement pour parler au
gouvernement a été tentée en juin, et encore
récemment, le gouvernement Legault a fait savoir
qu'il refusait de les rencontrer.
Aussi, récemment, dans une lettre ouverte, le
maire de la ville de Gatineau a soulevé le point
suivant : « Il est clair que du seul point de
vue de la santé publique, nous devrions être en
zone orange, même orange pâle...Qu'est-ce qui
cloche ? Ce qui cloche, c'est la fragilité de
notre réseau de la santé, l'autre critère pour
déterminer les zones, celui dont on parle peu. Les
directions de la santé publique en Outaouais et au
national sont très claires : si ce n'était de
la faiblesse du réseau de la santé en Outaouais,
du nombre de lits disponibles, du nombre
d'infirmières disponibles, du nombre de médecins
disponibles, nous serions en zone orange. Nous
sommes, encore aujourd'hui, victimes de décennies
de négligence en matière d'investissement en
santé. » Le maire poursuit en disant que,
n'eut été de cette injustice, « nous pourrions
briser l'isolement qui nous pèse, nos aînés
souffriraient moins, nous perdrions moins
d'emplois, car l'essentiel de nos pertes se fait
dans les domaines qui seraient ouverts en zone
orange. »
La société a un urgent besoin de nouveaux
arrangements qui font en sorte que toutes les
sections du peuple, en commençant par les
travailleurs, sont mises à contribution pour
surmonter autant les problèmes qui sévissent
présentement qu'en tout temps. Des nouvelles
formes sont nécessaires pour répondre à ce besoin
de résoudre les problèmes sociaux, en tenant
compte des intérêts individuels et collectifs et
ceux de la société dans son ensemble dans un
mouvement démocratique. Les tentatives de
criminaliser les revendications, opinions et
propositions du peuple font partie du problème et
constituent un obstacle majeur à l'avancement
démocratique de la société.
Cet article est paru dans
Numéro 81 - Numéro 81 - 1er décembre 2020
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Les travailleurs de la santé du
Québec s'opposent aux arrêtés ministériels: Un profond besoin objectif de nouveaux arrangements - Pierre Soublière
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