Le projet de loi du gouvernement
de
l'Ontario sur les soins de longue durée
Le gouvernement Ford protège de toute poursuite judiciaire les exploitants de centres de soins de longue durée
- Steve Rutchinski -
Les responsables du bilan déplorable de
transmission de
la COVID-19 et des décès dans les centres de soins
de longue durée
(SLD) de l'Ontario ont reçu un sauf-conduit pour
ne pas se retrouver en
prison. Le projet de loi 218 de l'Ontario, Loi de 2020
visant à soutenir la
relance en Ontario et sur les élections
municipales[1],
interdit à quiconque d'intenter une
poursuite en justice contre ceux dont les actions
ou les inactions ont
entraîné le taux élevé de mortalité des personnes
âgées dû à la
COVID-19 dans les établissements de SLD de
l'Ontario, à moins qu'une
négligence grave puisse être prouvée. Le projet de
loi a été renvoyé
le 27 octobre au Comité permanent de la
justice après la deuxième
lecture. De nombreux avis juridiques ont déjà été
donnés et il est
généralement admis que la « négligence
grave » est un critère très
élevé à satisfaire.
L'Annexe 1 du projet de loi, intitulé
Immunité, «
prévoit qu'aucune cause d'action contre une
personne ne résulte
directement ou indirectement de l'infection ou
l'exposition réelle ou
éventuelle d'un particulier au coronavirus
(COVID-19) le 17
mars 2020 ou après cette date par suite
directe ou indirecte d'un
acte ou d'une omission de la personne si les
conditions suivantes sont
réunies :
« a) au moment pertinent, la personne a agi ou a
fait un
effort de bonne foi pour agir conformément à ce
qui suit :
« (i) les orientations en matière de santé
publique
relatives au coronavirus (COVID-19) qui
s'appliquaient à la personne;
« (ii) une règle de droit fédérale, provinciale
ou
municipale relative au coronavirus (COVID-19) qui
s'appliquait à la
personne;
« b) l'acte ou l'omission de la personne ne
constitue
pas une négligence grave. »
Pour que l'impunité soit on ne peut plus claire,
le
projet de loi spécifie que tout « 'effort de bonne
foi' s'entend
notamment d'un effort honnête, qu'il soit
raisonnable ou non ». (notre
souligné)
Le projet de loi s'assure aussi :
- d'empêcher toute poursuite judiciaire
future : «
Sont irrecevables les instances qui sont
introduites ou poursuivies
contre une personne et qui, directement ou
indirectement, se fondent
sur quoi que ce soit qui est visé au paragraphe
(1) ou s'y
rapportent. »
- de rejeter les procédures en cours : « Les
instances visées au paragraphe (4) qui ont été
introduites avant le
jour de l'entrée en vigueur de la présente loi
sont réputées avoir été
rejetées, sans dépens, ce jour-là. »
- d'interdire l'indemnité : « Nul n'a droit
à une
indemnité ou à toute autre réparation ou mesure de
redressement pour
l'extinction ou la cessation de droits prévus par
la présente
loi. »
Toutefois
le
projet de loi n'a apparemment aucun effet sur la Loi
sur la
sécurité professionnelle et l'assurance contre
les accidents du travail :
«
La présente loi n'a pas pour effet de porter
atteinte à la compétence
exclusive du Tribunal d'appel de la sécurité
professionnelle et de
l'assurance contre les accidents du travail pour
décider une question
visée au paragraphe 31 (1) de la Loi
de 1997 sur la
sécurité professionnelle et l'assurance contre
les accidents du travail. »
Le bilan du Canada en matière d'infections et de
décès
liés à la COVID-19 dans les établissements de
soins de longue durée, en
particulier les entreprises privées pour le profit
de SLD, est affreux.
En juin, alors que la première vague s'installait,
les résidents de
centres de soins de longue durée
représentaient 81 % de tous
les décès déclarés liés à la COVID-19 au Canada,
comparativement à une
moyenne de 38 % dans les autres pays de
l'OCDE. Au Canada,
plus de 9 650 membres du personnel de
SLD ont été infectés
par la COVID-19, ce qui représente plus
de 10 % du total des
cas au pays[2].
La Coalition ontarienne de la santé (COS)
rapporte qu'au
moins deux douzaines de poursuites en justice ont
été intentées en
raison des conditions dans les établissements de
soins de longue durée
et des réponses face à la propagation du virus, au
cours de la première
vague de la COVID-19. La COS a une liste des
poursuites en cours devant
les tribunaux dans la section Note d'information
de son site Web[3].
Un de ces cas est un recours collectif « contre
les
résidences pour retraités Chartwell et les
établissements de soins de
longue durée pour leurs échecs allégués dans la
planification
d'éclosions, les précautions et la réponse face à
la COVID-19,
entraînant des décès évitables de résidents et des
souffrances inutiles
pour les membres de leur famille [...] déposé au
nom de toutes les
personnes qui vivent ou ont vécu dans une maison
Chartwell du 10
janvier 2020 à la fin de la date de la
pandémie, qui est
actuellement inconnue ».
Soixante-dix-sept
personnes
sont mortes dans quatre établissements Chartwell
lors de la
première vague. En date du 25 octobre, neuf
autres résidents sont
décédés dans une résidence Chartwell jusqu'à
présent, depuis le début
de la deuxième vague, et au moins 16 membres
du personnel ont
contracté la COVID-19 dans diverses résidences
Chartwell depuis la
deuxième vague des éclosions. Chartwell exploite
onze établissements de
SLD en Ontario.
Accorder une protection contre les poursuites
devant les
tribunaux contre les responsables de ce qui est
une honte nationale et
considéré par plusieurs comme un crime pur et
simple est scandaleux.
Les riches ont le pouvoir d'agir, ou de ne pas
agir, en toute impunité.
Avons-nous besoin de preuves plus claires que
cette démocratie est une
démocratie des riches et pour les riches ?
Ces journées ne seront
pas oubliées et le moment viendra où les
responsables devront rendre
des comptes !
Notes
1. Projet
de
loi 218, 2020 : Loi édictant
la Loi de 2020
visant à soutenir la relance en Ontario
concernant certaines instances
liées au coronavirus (COVID-19) modifiant la
Loi de 1996 sur les
municipalités et abrogeant un règlement.
2. « La
pandémie dans le secteur
des soins de longue durée : comment le
Canada se compare-t-il aux
autres pays ? », Institut canadien
d'information sur la
santé, Ottawa, Ontario : ICIS, Analyse
éclair, 2020.
3. «
Briefing Note : COVID-19
in Long-Term Care Litigation & Legal
Actions », La Coalition
ontarienne de la santé.
(Photos : FO, UIES, Unifor)
Cet article est paru dans
Numéro 74 - Numéro 74 - 29 octobre 2020
Lien de l'article:
Le projet de loi du gouvernement
de
l'Ontario sur les soins de longue durée: Le gouvernement Ford protège de toute poursuite judiciaire les exploitants de centres de soins de longue durée - Steve Rutchinski
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