Nouvelle vague d'éclosions à
l'abattoir
d'Olymel à Vallée-Jonction au Québec
Les propositions des travailleurs doivent être au centre des solutions pour freiner la COVID-19
- Normand Chouinard -
Les travailleurs de Vallée-Jonction manifestent
contre
la suppression de la prime liée à la pandémie, le
23 juin 2020.
Comment résoudre de manière pratique le problème
d'engager la vaste majorité des travailleurs dans
la discussion et les
prises de décision pour lutter contre la pandémie
est clé en ce moment.
L'Institut national de santé publique du Québec et
son directeur le
docteur Horacio Arruda ont déclaré, le 20
octobre dernier, que les
éclosions actuelles de la deuxième vague de la
pandémie au Québec
proviennent à 46 % des endroits de
travail. Il va sans dire
que les travailleurs ont un grand rôle à jouer
pour faire face à la
situation.
Cette tâche semble aller de soi, mais elle se
heurte à
beaucoup d'obstacles de part et d'autre. La raison
en est que les
formes actuelles d'autorités publiques empêchent
la participation des
travailleurs dans les prises de décision et la
recherche de solutions.
L'exemple de l'usine d'abattage et de découpe de
porcs
d'Olymel à Vallée-Jonction est révélateur à cet
égard. Au début de la
pandémie, cette usine avait connu une vague
importante de COVID-19 à
l'intérieur de ses murs. Il s'en est suivi une
panoplie de mesures
sanitaires et la création d'un protocole précis
pour ce genre
d'industrie. L'Institut national de santé
publique, la CNESST
(Commission des normes, de l'équité, de la santé
et de la sécurité du
travail), la direction d'Olymel et jusqu'à un
certain point les élus
municipaux, québécois et fédéraux ont participé à
la discussion et aux
décisions concernant les directives à prendre. On
se souvient que le
Syndicat des travailleurs d'Olymel Vallée-Jonction
affilié à la CSN n'a
pas été entendu à sa juste mesure en tant que
représentant de plus
de 800 travailleurs de la production. Le
syndicat avait notamment
proposé plusieurs mesures de distanciation sociale
sur les lignes de
production et la compagnie n'a rien fait à ce
sujet.
L'application du protocole et le suivi des
directives
sanitaires devaient diminuer le risque de
contagion dans l'usine.
Or,
nous avons appris récemment qu'une deuxième vague
importante d'éclosion
de la COVID- 19 soulève de nouveau le
problème de comment freiner
la contagion dans une industrie très à risque et
très essentielle en
même temps, celle de l'industrie agro-alimentaire.
Jusqu'à maintenant,
il y aurait au moins 114 cas positifs à la
COVID-19 dans cette
usine dont malheureusement le décès d'un ouvrier.
À la suite de cette nouvelle éclosion, les mêmes
autorités qui étaient
là ce printemps se sont de nouveau rencontrées
d'urgence pour faire le
suivi de la situation. La direction régionale de
santé publique (DRSP)
de Chaudière-Appalaches a pris la décision de
tester la presque
totalité des employés.
La haute direction d'Olymel a rejeté la
proposition
syndicale de fermer l'usine pour deux semaines,
prétextant son
obligation de respecter les contrats de ses
clients et la nécessité
d'éviter une surcharge de porcs vivants qui ne
peuvent être abattus
avec la fermeture de l'usine. C'est un problème
qui est survenu ce
printemps lors de la fermeture complète de son
usine à Yamachiche.
Mentionnons également que la DRSP et la CNESST
n'ont pas non plus
recommandé la fermeture de l'usine, ce qui, selon
les informations
recueillies par Forum ouvrier, a créé
beaucoup de mécontentement
parmi les travailleurs.
Selon le président du Syndicat des travailleurs
d'Olymel
Vallée-Jonction affilié à la CSN, Martin Maurice,
le relâchement des
mesures sanitaires l'été dernier de la part de
l'entreprise a pu
faciliter cette nouvelle vague d'éclosions : «
Nous tenons à
transmettre nos condoléances à la famille et aux
proches de notre
défunt collègue. Pour nous, un seul décès en est
un de trop »,
a-t-il dit sur le site Web du syndicat. « Dès la
première vague de la
pandémie, nous avons revendiqué des mesures de
protection afin de
protéger adéquatement l'ensemble des travailleuses
et des travailleurs
de l'usine. Or, l'été dernier, nous avons
interpellé l'employeur en
lien avec le relâchement de certaines mesures
sanitaires qui avaient
été mises en place afin de prévenir toute
éclosion. Le retour en force
des heures supplémentaires et l'annulation de la
période tampon
de 10 minutes entre les quarts de travail
sont deux exemples
concrets de ce relâchement. Aussi, plusieurs
sous-traitants travaillent
à l'usine et nous ne savons même pas s'ils
respectent les mesures de
protection qui sont de mise concernant les
déplacements d'un lieu de
travail à un autre ». Il a dit également que
le manque de
formation de certains travailleurs a pu contribuer
à l'éclosion.
Bien que les
travailleurs de Vallée-Jonction considèrent
que les autorités engagées dans la lutte contre la
pandémie ont chacune
un rôle à jouer, ils n'acceptent pas d'être
écartés ou de ne servir
qu'à des fins de consultation. Ils savent très
bien qu'à la fin de la
journée, leurs propositions vont vraisemblablement
être rejetées, comme
ce fut réellement le cas depuis le début de la
pandémie. Les
travailleurs de Vallée-Jonction sont engagés dans
la bataille pour
décider qui va devenir la force dirigeante dans
les prises de décision
qui les concernent et ça va plus loin qu'une
simple consultation. Ils
veulent participer aux grandes décisions reliées
directement à la
production notamment les cadences de travail,
l'organisation même de la
production sur les lignes, la procédure
sécuritaire de transport en
autobus des travailleurs étrangers temporaires, la
mouvance des
travailleurs entre départements, le temps
supplémentaire et les
horaires. Ce faisant, ils refusent de simplement
subir les décisions
prises par d'autres autorités et veulent
s'affirmer en tant que
nouvelle autorité décisionnelle sur laquelle il
faut compter pour
trouver les solutions aux problèmes causés par la
pandémie. Plus les
travailleurs s'engageront dans la discussion et
dans les prises de
décision, plus influente sera leur autorité.
Les travailleurs sont en train d'apprendre, dans
leur
lutte pour leur sécurité et par leurs relations et
interactions
quotidiennes dans le processus de production, à
devenir des preneurs de
décision.
Cette lutte fait rage dans plusieurs endroits de
travail
au Québec et au Canada dans le contexte de la
lutte contre la pandémie.
C'est précisément cette bataille que veulent
endiguer les anciennes
formes d'autorité en empêchant les travailleurs de
devenir une nouvelle
autorité publique.
(Photos : FO, Conseil central
du
Québec Chaudière-Appalaches - CSN)
Cet article est paru dans
Numéro 74 - Numéro 74 - 29 octobre 2020
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Nouvelle vague d'éclosions à
l'abattoir
d'Olymel à Vallée-Jonction au Québec: Les propositions des travailleurs doivent être au centre des solutions pour freiner la COVID-19 - Normand Chouinard
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