Les dessous des tractations

En préparation au Budget 2020, le gouvernement Kenney a publié, le 3 février, une « synthèse de l'étude de rendement » des Services de santé de l'Alberta (SSA), commanditée par le cabinet comptable Ernst & Young (EY). Le rapport comprenait 57 recommandations et ce que le gouvernement a qualifié de « 72 économies possibles pour améliorer la qualité et la viabilité à long terme des services de santé ». En publiant le rapport, le gouvernement a déclaré qu'il l'acceptait, à l'exception de deux points importants : il n'y aura pas de fermetures d'hôpitaux dans les régions rurales ni de consolidation des centres de traumatologie.

Ernst & Young (EY) est un des maîtres dans l'art de vider les compagnies de leurs travailleurs actifs et à la retraite lorsque celles-ci se placent sous la protection de la faillite aux États-Unis et partout dans le monde et, par la suite, dans l'art d'effacer toutes preuves sur les lieux du crime. C'est une firme qui est notoire pour ses rapports et recommandations intéressés où on y affirme inévitablement qu'il y a toujours un avantage à privatiser et à céder le contrôle des services publics à des intérêts privés. Les firmes comme EY, qui développent couramment des partenariats public-privé et d'autres formes de privatisation, ne mentionnent jamais que les avantages reviennent à une infime minorité de parasites ultra riches, aux dépens des travailleurs qui produisent la valeur ajoutée et du peuple qui a besoin des services publics et y a droit.

Cette façon d'avoir recours à des cartels de comptables néolibéraux et de « panels » triés sur le volet pour produire les résultats escomptés, fait partie de la restructuration de l'État. De riches intérêts privés sont payés pour chanter les louanges des stratagèmes pour payer les riches, dont eux et leurs clients riches à craquer profitent. Le gouvernement albertain a concentré l'administration des soins de santé dans une seule autorité de santé, Services de santé de l'Alberta (SSA), mais de toute évidence, même SSA n'exerce aucun contrôle sur cette récente restructuration, alors qu'elle est réduite à mettre en oeuvre les décisions prises par les oligarques mondiaux et livrées par le biais de mécanismes tels que le rapport de EY.

Des firmes de consultants comme EY ne sont pas embauchées par les gouvernements pour améliorer le rendement ou les services de soins de santé. Leur rôle est de fournir des prétextes pour la restructuration de l'État et pour céder les services publics à des intérêts privés. Leurs « rapports » sont totalement prévisibles : recourir à la sous-traitance des services, attaquer les conditions de vie et de travail des travailleurs, réduire les services et imposer des frais d'usager supplémentaires. On dit des travailleurs qu'ils sont des « coûts » qui doivent être réduits au minimum afin de payer les riches, en détournant les fonds des soins de santé et en augmentant le montant du financement restant qui est payé aux parasites par le biais de contrats lucratifs. Quant aux tenants et aboutissants de ces contrats, ils ne sont jamais publiés, puisque le gouvernement maintient qu'il s'agit d'informations d'affaires privées.

Le financement des soins de santé provient de la portion de la valeur ajoutée créée par les travailleurs qui est réclamée par les gouvernements. La privatisation et la réduction du financement des soins de santé sont non seulement une attaque contre les travailleurs des soins de santé, mais aussi contre le niveau de vie de la classe ouvrière dans son ensemble. Dire qu'il s'agit d « épargnes » est un non-sens. Dire du facteur humain, des travailleurs qui dispensent les soins de santé et les services, qu'ils sont un « coût » est très irrationnel car sans eux, il n'y aurait pas de système de santé. Mais c'est ainsi que les riches perçoivent les choses tout ce qui ne se retrouve pas directement dans leurs poches est un « coût ».

La pandémie a montré plus que jamais les terribles conséquences du contrôle privé des résidences des soins aux aînés, où la majorité des décès dus à la COVID-19 ont eu lieu. De nombreuses études ont montré à quel point les maladies infectieuses augmentent lorsque l'entretien des hôpitaux est privatisé. Les communautés partout en Alberta se sont battues pour sortir les monopoles de l'alimentation des résidences de soins de longue durée pour que leurs êtres chers puissent avoir une alimentation nourrissante et culturellement appropriée. La conclusion qui est tirée, que pas un cent des soins de santé ne doit aller au profit privé, est sans appel. Mais les gouvernements n'assument aucune responsabilité pour les tragédies qui se produisent en raison de leur offensive antisociale, ni pour les épreuves vécues par la classe ouvrière. Jason Kenney déclare que le fait de contrôler la COVID-19 est une question de responsabilité individuelle, mais pas la sienne cependant à ce qu'il semble.

Une personne qui connaît bien le milieu de la santé a dit au Forum ouvrier : « EY ne connaît rien en soins de santé, il ne connaît rien de l'Alberta. À part cela, c'est un bon rapport. » Oublions les souffrances des patients et l'épuisement du personnel ; nous fournissons les chiffres et nous sommes bien payés pour le faire, tel est leur refrain. Ce n'est pas drôle du tout. La pandémie a montré à qui on peut faire confiance pour les prises de décision et à qui on ne peut pas faire confiance. Elle a montré que le gouvernement Kenney ne mérite aucune confiance, et qu'il en va de même pour les entreprises privées motivées par le profit maximum. Elle a montré que ce sont les travailleurs de la santé qui méritent notre confiance, qui savent ce qui est requis, qui luttent pour les conditions qui réussiront à contrôler la pandémie et qui sont tous les jours en première ligne pour s'occuper des gens. Qui décide est la question essentielle.


Cet article est paru dans

Numéro 70 - Numéro 70 - 15 octobre 2020

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Les dessous des tractations - Peggy Morton


    

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