La Commission des relations de travail de l'Ontario rejette
la plainte des enseignants

Les syndicats d'enseignants luttent pour le droit de participer à la décision des mesures à prendre contre la COVID-19

Le 1er octobre, le président de la Commission des relations de travail de l'Ontario (CRTO) a rejeté la plainte en santé et sécurité des syndicats qui représentent les enseignants et les travailleurs en éducation au sujet de la réouverture des écoles pendant la pandémie.[1] Le rejet repose sur des motifs de champ de compétence et la Commission a même refusé d'entendre la preuve des syndicats. Le président de la Commission a déclaré que la compétence de la Commission est limitée aux appels d'une ordonnance rendue par un inspecteur en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) et qu'aucune ordonnance n'ayant été rendue par un inspecteur, la Commission n'a pas la compétence pour entendre l'appel.

À la fin du mois d'août, des représentants des quatre principaux syndicats de l'Ontario représentant les enseignants et les travailleurs en éducation ont demandé au ministre du Travail d'émettre des ordonnances exigeant que le ministère de l'Éducation établisse des normes concernant la distanciation physique, les groupes d'élèves, la ventilation et le transport pour garantir une réouverture sécuritaire des écoles. Suite au refus du ministère du Travail de répondre à leurs demandes, l'Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO), la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'élémentaire de l'Ontario (FEO), l'Ontario English Catholic Teachers 'Association (OECTA), et la Fédération des enseignantes et des enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO) ont annoncé, le 31 août, qu'elles déposaient des plaintes auprès de la Commission des relations de travail de l'Ontario (CRTO). Les plaintes soutiennent que le « Guide relatif à la réouverture des écoles de l'Ontario » du ministère de l'Éducation ne prend pas toutes les précautions raisonnables pour protéger les travailleurs, comme l'exige l'alinéa 25 (2) h) de la LSST. Cet article de la loi stipule qu'un employeur doit prendre « toutes les précautions raisonnables dans les circonstances pour assurer la protection du travailleur ».

Bien que la CRTO ait refusé d'entendre la preuve des syndicats en alléguant qu'elle n'a pas la compétence pour le faire, le président de la CRTO, dans sa décision, fait la leçon aux syndicats en affirmant que le ministère de l'Éducation n'était pas d'accord avec les propositions des syndicats faites au Groupe de travail provincial en santé et sécurité, l'organisme mandaté pour « examiner les questions de santé et de sécurité avec une application à l'échelle du système et faire des recommandations au ministère de l'Éducation et au ministère du Travail », ou faites dans tout autre forum.

Il déclare également qu'en ce qui concerne le guide du ministère de l'Éducation mis à la disposition des écoles et des conseils scolaires, le ministère ne l'a pas présenté comme un document qui devait être conforme aux exigences de la LSST. Le président de la Commission dit aussi que la LSST n'a jamais été conçue pour régler les problèmes à l'échelle du système ou de la province.

Les normes que revendiquent les syndicats

Les normes provinciales revendiquées par les syndicats comprennent :

- que la taille des classes soit fixée de 15 à 20 élèves, partout où une distanciation de deux mètres ne peut pas être maintenue dans une classe donnée;

- que les cohortes pour les contacts étudiants/membres du personnel soient fixées à 50 et s'appliquent non seulement aux étudiants mais aussi au personnel;

- que les « normes de réouverture des écoles et universités » de la Société américaine des ingénieurs en chauffage, réfrigération et climatisation (ASHRAE) soient adoptées comme les normes minimales pour la ventilation dans les écoles et les autres établissements d'enseignement;

- que les normes de transport et d'autobus de l'Association de santé et sécurité des services publics (PSHSA) de l'Ontario soient adoptées comme normes minimales pour le transport scolaire et les autres formes de transport des élèves;

- que tous les élèves soient tenus de porter des masques non médicaux en tout temps pendant la journée scolaire, sous réserve d'exceptions raisonnables pour accommoder des situations médicales, car le port du masque est fondamental pour la sécurité durant cette pandémie, et

- que toutes les normes ordonnées par le ministère du Travail concernant la COVID-19 soient passées en revue à chaque mois pour assurer leur conformité continue avec la meilleure science disponible à ce moment-là et soient remplacées par des normes plus strictes selon ce que dicte la science.

Les défis auxquels les travailleurs font face

Selon la décision du 1er octobre de la CRTO, les enseignants et les travailleurs de l'éducation n'ont aucun recours pour obtenir des normes provinciales, que ce soit par le biais du ministère du Travail, du ministère de l'Éducation, des agences d'État qui s'occupent de la santé et de la sécurité de la population, ou de la LSST elle-même.

Cela révèle que nos soi-disant institutions démocratiques ne permettent pas, mais empêchent les travailleurs de participer à la prise de décision concernant les affaires de la société. En luttant pour être partie prenante de l'établissement de normes pour des écoles sécuritaires pendant cette pandémie, les enseignants et les travailleurs de l'éducation ont mis en lumière quelque chose de très fondamental sur la façon dont notre société est organisée pour marginaliser et priver le corps politique du pouvoir de décider. Les choses doivent changer.

Les éducateurs de l'Ontario ne sont pas seuls. Au Québec, la Cour supérieure a récemment rejeté la demande de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) d'une injonction provisoire pour forcer le gouvernement du Québec à informer la FAE et les Québécois de son plan de dépistage accéléré de la COVID-19 dans le réseau scolaire, parce que le plan n'existe pas ! Le tribunal va plus loin en soutenant la prétention du gouvernement selon laquelle un tel plan pour le réseau scolaire favoriserait les enseignants au détriment du dépistage rapide pour tous et forcerait une réaffectation des ressources qui serait préjudiciable à d'autres secteurs de la société, en particulier à ses membres les plus vulnérables.

Que doivent penser les travailleurs de tout cela ?

Notre société est dans une crise profonde. La pandémie n'en est qu'une partie. Empêcher les gens de participer à la prise de décision qui affectent la société, sur comment rouvrir et faire fonctionner les écoles en toute sécurité, exacerbe la crise de confiance et de crédibilité déjà existante de notre démocratie non représentative et de ses institutions. Une fois que la vérité sur une situation est révélée, elle ne peut pas être effacée de notre conscience collective. Il n'y a pas de retour en arrière. Des changements profonds s'imposent.

Notes

1. La cause de la Commission des relations de travail de l'Ontario numéro 1228-20-HS ; cause numéro : 1236-20-HS; cause numéro : 1239-20-HS; et cause numéro : 1240-20-HS

(Photos : FEESO, J. Campbell)


Cet article est paru dans

Numéro 69 - Numéro 69 - 13 octobre 2020

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La Commission des relations de travail de l'Ontario rejette : Les syndicats d'enseignants luttent pour le droit de participer à la décision des mesures à prendre contre la COVID-19


    

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