Point de presse de la Coalition ontarienne de la santé sur les éclosions, le financement et le personnel dans les soins de longue durée

Le 6 octobre, deux jours avant la Journée d'action en Ontario pour les soins de longue durée, Natalie Mehra, la directrice générale de la Coalition ontarienne de la santé a donné un point de presse sur la situation dans le système des soins de longue durée (SLD) en Ontario en ce moment et a discuté des annonces du gouvernement cette semaine au sujet du financement et du personnel. Voici des extraits de sa présentation.

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Nous sommes dans la deuxième vague, semble-t-il, et à chaque jour la situation s'aggrave. Il y a maintenant 50 éclosions dans les résidences de SLD à l'échelle de la province. Certaines sont faibles, une ou deux personnes, mais certaines sont particulièrement étendues, surtout à Ottawa où près d'un tiers des éclosions de la province se produisent. La situation à Extendicare West End Villa est la pire. Plus de 100 personnes, personnel et résidents, ont été infectées et c'est avec regret que je vous annonce que 19 personnes sont décédées. Il y a aussi des éclosions dans cinq autres résidences à Ottawa de même que d'importantes éclosions à Toronto.

Ce que nous n'avons pas vu, ce sont des changements fondamentaux dans la réponse à ces éclosions dans les résidences [...] Extendicare West End Villa est la preuve alarmante que les normes fixées par le gouvernement ontarien pour les résidences n'ont pas changé depuis le printemps dernier. Extendicare a rapporté le 11 septembre qu'il y avait suffisamment d'ÉPI (équipement de protection individuelle) à la résidence. Le porte-parole du ministère des Soins de longue durée a dit qu'il croyait qu'il y avait assez de personnel à la résidence. Les membres de la famille et du personnel pensent tout le contraire.

Un manque de normes de sécurité dans tout le système

Sous couvert d'anonymat (parce qu'ils craignaient le congédiement s'ils s'exprimaient publiquement), des membres du personnel ont rapporté à CBC que le personnel de première ligne soignant les résidents positifs à la COVID-19 n'avait pas accès à des masques N-95 dans cette résidence. Près de 24 membres du personnel avaient contracté la COVID-19 à ce moment.

Les familles ont rapporté que des proches ont partagé une chambre avec des résidents ayant des symptômes de COVID-19. La personne n'a pu être testée que plusieurs jours plus tard. Il a fallu un autre 24 heures pour que le résident déclaré positif à la COVID-19 soit placé en confinement. Entretemps, quatre personnes partageaient une salle de bain avec ce résident positif à la COVID-19. Une autre famille a expliqué comment leur être cher, atteint de la COVID-19, était dans une chambre avec la porte ouverte alors que d'autres résidents entraient et sortaient sans le confinement ni la protection nécessaires.

C'est uniquement après deux semaines que la médecin hygiéniste d'Ottawa a ordonné à l'Hôpital Général de prendre en charge la gestion de la résidence [de même que d'Extendicare Laurier FO] et d'y expédier une unité d'intervention rapide pour lui venir en aide. Et ce, longtemps après que 90 résidents et membres du personnel ont contracté la COVID-19. Selon les rapports les plus récents, cette résidence attend toujours les résultats de 270 tests.

On s'attendait à ce que des normes soient fixées à l'échelle de la province de même qu'un seuil établissant que si une ou deux personnes étaient infectées, des mesures spécifiques s'enclencheraient immédiatement : ajout de personnel, transport des résidents infectés vers un hôpital ou un hôpital de campagne où ils pourraient recevoir des soins sécuritaires [...] Ce qui se dégage nettement d'Ottawa, c'est qu'il n'y a pas de démarche systématique.

Une pénurie de personnel

Depuis l'été, rien n'a été fait pour augmenter les effectifs en personnel dans les SLD en Ontario [...] Plusieurs résidences rapportent une situation en fait de personnel à la fin de la première vague qui est pire qu'au tout début de la pandémie.

En juillet, nous avons fait un sondage parmi le personnel dans les résidences de SLD afin de déterminer s'il y avait plus ou moins de personnel maintenant qu'au début de la pandémie. La majorité des gens ont dit qu'il y en avait moins. Plus de 93 % ont dit qu'il y avait une pénurie de personnel sur une base quotidienne. La situation était meilleure dans les résidences publiques et à but non lucratif, mais dans l'ensemble, il y a toujours un nombre insuffisant d'effectifs en personnel dans les résidences de SLD.

Même avec les annonces de financement gouvernemental des dernières semaines, aucune mesure n'a été prise pour mobiliser les milliers d'employés requis pour aller dans les résidences et établir des niveaux de soins sécuritaires. Depuis environ une semaine et demie, le gouvernement a annoncé une augmentation importante du financement des résidences environ 403 millions de dollars pour compenser les dépenses dues à la COVID-19. Ce montant représente environ 44 millions de dollars pour l'ensemble des 626 résidences de SLD en Ontario à chaque mois [dont 58 % sont privées, 24 % sont sans but lucratif ou des oeuvres de charité, et 16 % sont municipales FO]. C'est une somme non négligeable. Cependant, l'argent de cet été n'a pas encore été versé. Le financement de juin est arrivé en septembre, et les résidences attendent toujours les sommes de juin et août. C'est ce qui explique en partie pourquoi nous n'avons pas vu des augmentations de personnel en juin et en juillet.

En outre, le nombre d'effectifs visé par l'annonce de financement gouvernemental est très insuffisant. Pour les soins de santé, ils avaient annoncé 3 700 nouveaux membres du personnel. Mais lorsqu'on y regarde de plus près, ces augmentations ne sont pas pleinement financées. Ils ont annoncé 18 millions de dollars pour un programme de garantie d'infirmières diplômées qui devait fournir 600 infirmières spécifiquement formées pour les soins de longue durée et pour les hôpitaux. C'est l'équivalent de 30 000 $ par infirmière, ce qui ne représente pas 600 nouvelles infirmières. Il se peut que certaines infirmières à temps partiel soient promues à temps plein, mais cela ne représente tout de même pas 600 nouvelles infirmières. Ils ont annoncé jusqu'à 8 millions de dollars pour 800 infirmières dans les endroits qui en ont besoin dans la province. C'est l'équivalent de 10 000 dollars par infirmière. Encore une fois, 10 000 dollars ne représente pas le salaire d'une infirmière à temps plein. Ces annonces sont des gestes de relations publiques sans grande substance.

Nous faisons face un problème qui est très grave et nous sommes très inquiets en tant que coalition de santé. Nous n'avons pas vu de mesures qui vont stabiliser la main-d'oeuvre et nous sommes maintenant dans une deuxième vague. Les résidences de SLD ont moins de résilience pour faire face à une éclosion qu'ils n'en avaient pendant la première vague. Le personnel a travaillé de longues heures de temps supplémentaire et fait d'énormes sacrifices et nous allons voir plusieurs autres employés quitter le secteur au cours de cette deuxième vague. Si le gouvernement n'agit pas tout de suite, ce qu'il aurait dû faire il y a plusieurs mois, nous sommes très inquiets pour les personnes qui vivent et qui travaillent dans les soins de longue durée.

(Photos : COS, Unifor)


Cet article est paru dans

Numéro 69 - Numéro 69 - 13 octobre 2020

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Point de presse de la Coalition ontarienne de la santé sur les éclosions, le financement et le personnel dans les soins de longue durée


    

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