Des développements sur le front de
la santé au Québec
Les travailleurs et travailleuses de la santé rejettent massivement les offres du gouvernement
Manifestation devant l'Assemblée nationale du
Québec, le 15 septembre 2020
Le 17 septembre dernier, la Fédération
interprofessionnelle de la santé (FIQ) qui
représente 76 000 travailleuses et
travailleurs en soins de santé, a annoncé que les
déléguées de la FIQ et du Secteur privé-FIQP,
réunies virtuellement en conseil national
extraordinaire, ont rejeté unanimement l'offre du
gouvernement pour le renouvellement de leur
convention collective touchant leurs conditions de
travail. Selon le communiqué de la FIQ, la
proposition globale présentée la semaine dernière
ne répond pas aux problèmes maintes fois décriés
et soulevés par les infirmières, infirmières
auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes
cliniques que la Fédération représente.
« La colère suscitée par les offres patronales
était sans
équivoque. 'Méprisantes', 'insultantes'
et 'odieuses' étaient au nombre des
qualificatifs exprimés par les déléguées de la
Fédération. Alors que les professionnelles
manifestaient déjà leur détresse avant la
pandémie, l'absence de réelles mesures en regard
de leurs conditions de travail dans l'état actuel,
ce n'est ni plus ni moins qu'un manque de respect
total du gouvernement face à cette main-d'oeuvre
majoritairement composée de femmes », a
déclaré Nancy Bédard, présidente de la FIQ.
La Fédération déclare que le temps n'est plus aux
déclarations de relations publiques dans les
médias de la part du ministre de la Santé et des
services sociaux, qui se dit conscient de ce qu'il
appelle la « fragilité » du réseau de la
santé, mais à des propositions concrètes à la
table de négociation.
La FIQ déplore qu'il n'y ait rien dans les offres
du gouvernement pour alléger la surcharge de
travail.
« Autour de cette importante question gravite un
ensemble d'enjeux cruciaux comme celui des ratios
sécuritaires, des équipes de travail complètes et
stables et celui du temps supplémentaire, qu'il
soit volontaire ou non. Si cette problématique
n'est pas abordée de front, le grand virage
nécessaire dans le réseau de la santé ne pourra
pas se concrétiser », écrit Jérôme Rousseau,
vice-président et coresponsable de la négociation.
Une question épineuse est celle de l'augmentation
du nombre des professionnelles à temps complet.
Selon la FIQ, le gouvernement souhaite que
davantage de professionnelles en soins travaillent
à temps complet, mais il n'offre aucun incitatif
ni aucune garantie sur la nature de ces postes. Le
gouvernement ne veut pas traiter de la raison pour
laquelle les professionnelles en soins choisissent
en grand nombre de travailler à temps partiel. Les
professionnelles en soins agissent ainsi parce que
le gouvernement refuse de leur offrir un poste sur
une équipe de travail complète, avec un ratio de
patients adéquat, où elles peuvent connaître leur
horaire à l'avance, bénéficient de vacances et
congés statutaires et ne sont plus prises en otage
par le temps supplémentaire obligatoire.
« Un poste à temps complet exercé dans une cage
dont les verrous sont fermés à double tour, c'est
normal de ne pas en vouloir. Comment attirer une
relève et avoir plus de professionnelles qui aient
envie de travailler à temps complet ? »,
écrit Roberto Bomba, trésorier et coresponsable
des négociations.
En plus de leurs négociations sectorielles pour
leurs conditions de travail, les professionnelles
en soins participent aussi à des négociations sur
de grandes questions monétaires comme les salaires
et le régime de retraite, en alliance avec
l'Alliance du personnel professionnel et technique
de la santé et des services sociaux (APTS).
La FIQ et l'APTS ont tenu le 15 septembre
une manifestation devant l'Assemblée nationale du
Québec en tenant d'immenses pancartes sur
lesquelles on pouvait lire : « On tient le réseau
à bout de bras » et « Travailler à se rendre
malade, c'est terminé ». Elles ont fermement
rejeté l'offre salariale du gouvernement d'une
augmentation de 5 % sur trois ans, ce
qui est essentiellement la même offre qui leur a
été faite en mai de cette année.
« Si quelqu'un dans ce
gouvernement doutait encore du fait que les
professionnelles en soins ainsi que les
professionnelles et techniciennes en santé et
services sociaux portent vraiment le réseau à bout
de bras, les derniers mois devraient avoir été
convaincants. La pandémie a ajouté une pression
insoutenable sur un personnel qui était déjà à
bout de souffle et de ressources. Cela fait
presque un an que la négociation avec le
gouvernement est commencée. Clairement, il ne
semble toujours pas saisir l'urgence de la
situation. Son offre salariale est la même depuis
des mois : un pitoyable 5 %
d'augmentation sur trois ans. Pour nous, c'est
tout simplement inacceptable », ont dit les
deux présidentes de l'APTS et de la FIQ, Andrée
Poirier et Nancy Bédard, dans une déclaration
commune.
Les deux présidentes ont souligné que le prix
payé actuellement par leurs membres est très
élevé. Depuis des mois, la conciliation
famille-travail-vie personnelle n'existe plus pour
le personnel du réseau de la santé et des services
sociaux. « Cent trente-et-un mille personnes, dont
une vaste majorité de femmes, travaillent dans des
conditions épouvantables. Leur santé physique et
mentale en est grandement affectée. Tout au long
de cette pandémie et malgré la charge et les
longues heures de travail, le manque d'équipement
de protection, le temps supplémentaire obligatoire
et un contexte hautement imprévisible, nos membres
ont répondu encore une fois présent·e·s. Ils et
elles méritent un juste retour du
balancier. »
La demande salariale actuelle des deux syndicats
est de 12,4 % sur trois ans, ce qui
comprend 7,4 % en rattrapage salarial. «
Si notre demande était pleinement méritée avant le
début de la pandémie, elle est désormais plus que
justifiée », ont dit les deux présidentes.
L'Alliance APTS-FIQ souligne qu'il existe une
corrélation directe entre l'amélioration des
conditions de travail et l'attraction et la
rétention du personnel et l'amélioration de la
sécurité et de l'accès aux soins et aux services
pour la population.
« Le gouvernement doit comprendre que tout le
monde y gagne : les employées auront une plus
juste reconnaissance de leur travail, le réseau
deviendra plus attirant pour une main-d'oeuvre
dont il a cruellement besoin, et la population
pourra compter sur des soins et services plus
accessibles », ont conclu Andrée Poirier et
Nancy Bédard.
(Photos: FIQ)
Cet article est paru dans
Numéro 63 - Numéro 63 - 22 septembre 2020
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