Des rassemblements partout en Ontario contre le recours du gouvernement aux pouvoirs ministériels pour attaquer les droits des travailleurs
- Entretien avec Michael Hurley,
président du Conseil
des syndicats d'hôpitaux de l'Ontario -
Kenora, 27 août 2020
Forum ouvrier : Le Conseil
des syndicats d'hôpitaux de l'Ontario est au coeur
d'une campagne d'actions de masse pour forcer le
gouvernement de l'Ontario à abroger les arrêtés
ministériels qu'il a adoptés et qui bafouent avec
impunité les droits des travailleurs. Peux-tu nous
en dire plus sur cette campagne ?
Michael Hurley : Je veux dire
d'emblée que la crise de la COVID a frappé de
plein fouet les travailleurs de la santé et des
services sociaux en Ontario. Seize personnes sont
décédées et, en date
d'aujourd'hui, 6 752 personnes ont été
infectées de la COVID à leur travail. Lorsque nous
nous comparons à d'autres pays, la Chine par
exemple, nous voyons qu'avec une population cent
fois plus élevée que celle du Canada, la Chine n'a
connu que deux fois plus de décès de travailleurs.
Ce pays a agi de manière beaucoup plus
consciencieuse en ce qui concerne la protection de
ses travailleurs de la santé que les gouvernements
de l'Ontario et du Canada.
Pour comble, une des façons que le gouvernement
de l'Ontario a traité de la crise de la COVID a
été de se donner, à lui-même et aux employeurs, le
pouvoir de déroger à plusieurs aspects importants
des droits fondamentaux des travailleurs à
l'endroit de travail. Ces droits qui sont bafoués
comprennent le droit d'avoir un quart de travail
fixe, le droit de ne pas être réassigné sans avis
et le droit de ne pas voir son emploi aboli sans
avis. Les employeurs peuvent aussi faire entrer
des sous-traitants, et les vacances et les congés
parentaux peuvent être annulés dans plusieurs
titres d'emploi.
Des droits fondamentaux
remportés au cours de plusieurs décennies ont été
éliminés. Rappelons que dans la plupart de ces
endroits de travail — dans la majorité des
endroits de travail en santé et dans les services
sociaux ainsi que dans la plupart des endroits de
travail municipaux en Ontario où ces droits sont
bafoués — il n'y a pas de cas de COVID. Il n'y en
a jamais eu. Il n'y en a pas dans ces endroits de
travail et il n'y en a pas dans la plupart de ces
communautés. Voilà la réalité.
Nous avons entrepris une campagne, conjointement
avec d'autres syndicats membres de la Fédération
du Travail de l'Ontario, pour organiser des
rassemblements afin de sensibiliser les gens et
d'exprimer notre opposition aux actions du
gouvernement. Ces rassemblements ont été un franc
succès et ils grandissent en force, ce qui nous
encourage à en tenir d'autres et à doubler le
nombre de participants lors de la prochaine série
d'actions. Nous comptons poursuivre la
mobilisation des membres jusqu'à ce que nos droits
fondamentaux aux endroits de travail soient
rétablis. Nous avons trente rassemblements
planifiés d'ici la fin d'octobre et nous allons
tenir une deuxième série d'actions en novembre et
en décembre. Ces rassemblements sont en train
d'être organisés partout en Ontario. Nous en avons
tenu à Kenora, à la frontière avec le Manitoba, à
Fort Frances, Thunder Bay, Sault-Ste-Marie,
Sudbury, North Bay, Ottawa, Pembroke, Renfrew,
Cornwall, Brockville et nous commençons maintenant
à en organiser dans le sud de l'Ontario.
Les gens appuient fortement nos actions lorsque
nous expliquons ce qui se passe. Je ne crois pas
que la population de l'Ontario sait que ces droits
ont été enlevés aux travailleurs de la santé et
des services sociaux. Ces rassemblements visent
aussi à mobiliser l'opinion publique parce que
nous croyons fermement que le public est
reconnaissant envers ces travailleurs pour l'aide
qu'ils ont apportée pendant cette crise. Je ne
pense pas que les gens s'attendent à ce que le
gouvernement, qui appelle ces travailleurs des
héros, leur retire du même coup certains de leurs
droits aux endroits de travail les plus
fondamentaux.
Nous devons aussi informer le public de la
signification de ces changements. Par exemple,
85 % de cette main-d'oeuvre est constituée de
femmes et 40 %, de personnes
monoparentales. Une travailleuse peut avoir
attendu jusqu'à 20 ans pour obtenir un quart
de travail de jour pour s'occuper de ses jeunes
enfants, et voilà que l'employeur peut lui dire
qu'à partir de demain elle travaille de nuit de
façon permanente, ou qu'elle est assignée à
travailler dans une autre communauté qui n'a pas
de transport en commun. On leur dit que leur
problème de transport ou de garderie ne concerne
pas l'employeur, au moment même où les garderies
sont fermées et où les services de garderie pour
les travailleurs de première ligne sont très
limités et les bulles familiales restreintes.
C'est un grave problème pour elles. Nous tentons
d'expliquer l'impact de tout cela au public. Nous
sommes confiants que le public sera dégoûté de
cette situation et qu'il y aura une pression
accrue sur le gouvernement.
FO : Quelles revendications
sont mises de l'avant dans ces
rassemblements ?
MH : Nous en avons plusieurs.
Nous demandons au gouvernement d'abroger le décret
qui annule les conventions collectives de
ces 600 000 travailleurs de la santé et
des services sociaux. C'est possible de le faire
par une simple réunion du Cabinet. Le décret fait
partie de la Loi 195 qui a été adoptée en
juillet, mais la Loi stipule que le gouvernement
peut en tout temps amender ou modifier ou abroger
n'importe quel de ces décrets. Donc nous disons
qu'ils doivent se servir de leurs pouvoirs pour le
faire.
Ces mesures
ont été mises en oeuvre d'abord par un décret
d'urgence en mars au tout début de la COVID-19. Ce
décret a été prolongé mois après mois et, en
juillet, le gouvernement a adopté une nouvelle
loi, la Loi de 2020 sur la réouverture de
l'Ontario. Selon cette loi, la crise de la
COVID est sous contrôle, nous rouvrons l'Ontario
et, cependant, elle prolonge la dérogation aux
droits contenus dans les conventions collectives
pour une période d'au moins un an et possiblement
jusqu'à trois ans. C'est ce qui s'est produit en
juillet. Le projet de loi a été présenté et adopté
en 10 jours. Aucun amendement de l'opposition
n'a été accepté. Il n'a pas été renvoyé aux
comités. On n'a offert aucune possibilité aux
syndicats de présenter leurs points de vue à son
sujet. Il été adopté au bâillon.
Ce n'est pas acceptable et nous travaillons à
augmenter la pression sur le gouvernement pour
qu'il abandonne ces mesures contre les
travailleurs de santé et des services sociaux.
Nous lui demandons aussi de reconnaître qu'il
s'agit d'un virus aéroporté et que les
travailleurs dans ces environnements doivent être
protégés en conséquence. Jusqu'à ce jour, ils ne
l'ont pas été, ni en ce qui concerne les
directives qu'eux et leurs employeurs reçoivent du
gouvernement sur comment gérer le virus et les
mesures à prendre, ni en ce qui a trait à
l'équipement de protection fourni.
Ce sont nos deux principales revendications.
Cet article est paru dans
Numéro 61 - Numéro 61 - 15 septembre 2020
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