Multiples démissions d'infirmières au Québec

Les droits des infirmières doivent être défendus!


Nancy Bédard (à gauche), présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé, visite
un établissement de soins de santé du Bas-St-Laurent pour parler avec les professionnelles
des conditions auxquelles elles font face.

Depuis mars dernier, soit depuis que la COVID-19 a été déclarée pandémie, les médias ont rapporté que le nombre de démissions des infirmières au Québec a augmenté en flèche. Il y a plus de 800 démissions seulement à Montréal et des démissions se sont produites dans plusieurs autres régions dont le Saguenay-Lac-Saint-Jean et la Côte Nord/Nord du Québec.

Ces infirmières quittent leur emploi pour faire carrière ailleurs. Certaines vont aussi vers les agences privées de placement pour revenir à des emplois d'infirmières, mais dans des conditions où elles n'ont pas les mêmes contraintes en ce qui concerne leurs heures et les quarts de travail qui sont devenus intenables. Plusieurs infirmières ont aussi pris une retraite anticipée qui les pénalise financièrement. Le nombre d'infirmières qui partent en congés de maladie augmente lui aussi.

Ces démissions causent un sérieux problème pour la capacité du système de santé à affronter une deuxième vague de la pandémie de la COVID-19.

Denis Cloutier, président du Syndicat des professionnelles en soins de l'Est-de-l'Île-de-Montréal, confirme que les démissions sont en augmentation dans le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l'Est-de-l'Île. Il parle de 363 départs depuis le 15 mars, soit deux fois plus que durant la même période l'an dernier.

« Ce sont des gens qui réorientent carrément leur carrière », a dit Cloutier. « On est très, très inquiets pour l'automne, parce qu'on voit tout le temps une baisse de fréquentation des urgences l'été et, avec l'automne, les virus, ça recommence. »

Les infirmières et leurs syndicats blâment fermement les arrêtés ministériels du gouvernement du Québec pour les attaques à leurs droits et la détérioration de leurs conditions de travail qui en poussent plusieurs à démissionner. L'arrêté ministériel du 21 mars, qui a été reconduit depuis, permet l'annulation des conventions collectives des travailleurs et travailleuses de la santé et des services sociaux afin que leurs conditions de travail puissent être changées unilatéralement à volonté, au nom de l'urgence sanitaire.

Dans une déclaration à Radio-Canada le 21 août, la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), Nancy Bédard, explique que l'arrêté ministériel est venu « bafouer leurs droits, leurs vacances, leurs congés, changer leur horaire à la dernière minute, exiger d'elles qu'elles travaillent sur toutes sortes de quarts de travail, désorganiser leur vie ».

Cette situation perdure après cinq mois, indique-t-elle, ce qui fait dire aux infirmières que l'arrêté ministériel est en fait, au nom de l'urgence, un outil de gestion en vertu duquel l'exécutif gouvernemental et les employeurs attaquent les conditions de travail des infirmières plutôt que de corriger des problèmes qui existaient bien avant la pandémie.

« Avec la surcharge de travail, les ratios pas encore déployés, l'action des gouvernements tardant à venir, on avait déjà des problèmes majeurs », a-t-elle dit. « De plus en plus d'infirmières partaient en congé de maladie, démissionnaient ou partaient à la retraite de façon prématurée. Dans ce climat d'exaspération, on voit maintenant un nouveau mouvement parmi les infirmières vers les agences privées. Au début de la pandémie, quand on a annoncé que le gouvernement allait donner beaucoup de droits aux gestionnaires par arrêté ministériel, le gouvernement et le ministère nous assuraient qu'il faudrait qu'il y ait vraiment des cas de COVID-19 partout dans un établissement, une véritable hécatombe pour que le décret s'applique. Ce n'est pas comme cela que ça s'est passé.

« On a pris l'arrêté ministériel pour gérer la pénurie, les difficultés qu'il y avait avant et ça continue, Donc, les effets sont dévastateurs, extrêmement néfastes. On parle maintenant d'une possible deuxième vague. Si l'approche qui a été prise pendant la première vague ne change pas, en termes de conditions de travail et d'incitatifs positifs pour les professionnelles en soins, cela sera encore pire et plus d'infirmières vont quitter la profession. »


Cet article est paru dans

Numéro 58 - Numéro 58 - 3 septembre 2020

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