À la veille de la Fête du Travail
2020
Le recours aux pouvoirs ministériels pour faire taire la voix des travailleurs et leurs solutions prosociales
- Pierre Chénier -
Les travailleurs et
travailleuses de la santé manifestent contre le
recours aux arrêtés ministériels au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, le 9
juillet 2020
À quelques jours seulement de la Fête du Travail
2020, un problème sérieux auquel s'attaquent les
travailleurs et leurs organisations dans tout le
pays est l'utilisation de la pandémie de la
COVID-19 et de la crise économique par les
gouvernements fédéral, québécois et provinciaux
comme un prétexte pour exercer des pouvoirs
arbitraires et les renforcer. Les gouvernements
prétendent qu'en vertu des circonstances
exceptionnelles de la pandémie, nous devons
considérer l'exercice de ces pouvoirs comme étant
légitime et accepter toute mesure qui est imposée
de cette façon, y compris les attaques contre les
droits des travailleurs. Selon ces gouvernements,
il n'est pas possible de faire face à l'urgence de
santé publique qu'engendre la COVID-19, d'atténuer
son impact et de rouvrir l'économie d'une manière
qui soutient les droits de tous et de toutes.
Les lois, les arrêtés
ministériels et les décrets surgissent dans une
succession si rapide qu'il est probable que même
les ministères ne sont pas capables de suivre la
cadence. La vie a démontré que la pandémie rend
encore plus nécessaire, et non moins nécessaire,
de rendre des comptes pour les décisions qui
affectent le peuple. L'objectif de contrôler la
pandémie requiert une information et une
discussion entière, la mobilisation de ceux qui
sont affectés par les décisions et leur
consentement afin que les décisions soient
appuyées de tout le poids possible. Lorsque les
gouvernements ont plutôt recours aux pouvoirs
arbitraires pour imposer des mesures antisociales,
cela cause de grands dommages à la société.
Dans ce contexte, les actions des travailleurs de
partout au pays sont vraiment héroïques et
importantes. Dans ce numéro, nous présentons la
situation des infirmières du Québec et les actions
des travailleurs de l'hôtellerie de la
Colombie-Britannique. Nous pensons très fort à ce
que vivent nos enseignants et nos travailleurs de
l'éducation partout au pays alors que de
nombreuses écoles rouvrent. Le refus des
gouvernements de mettre le bien-être des élèves,
du personnel de l'éducation et des parents comme
principe directeur de leurs actions exerce une
pression énorme sur la santé physique et mentale
de ces derniers. Ce n'est pas du tout ce qu'on
retrouve dans les reportages des médias
monopolisés qui limitent leur couverture à inciter
la discorde contre les enseignants, à promouvoir
les déclarations des gouvernements et des comités
de rédaction qui ne sont tout simplement pas
vraies et qui n'ont rien à voir avec ce qui se
passe « sur le terrain » et ne font
qu'aggraver l'anxiété des enseignants et du
personnel qui doivent faire face aux conséquences.
Tout cela est inadmissible.
Des manifestations pour réclamer l'abrogation de
la Loi 195 en Ontario qui prolonge les
arrêtés temporaires émis durant l'état d'urgence
de la COVID-19, une fois que l'urgence est levée.
Déjà, les travailleurs et leurs organisations
font face aux lois et aux arrêtés ministériels qui
déclarent les conventions collectives négociées
nulles et non avenues, tentent de priver les
organisations de défense des travailleurs de toute
influence et dictent que payer les riches, quel
qu'en soit le coût pour la société, est la seule
ligne de marche possible. Les déclarations des
ministres et des médias sur ce qui se passe n'ont
rien à voir avec ce que vivent réellement les
travailleurs aux endroits de travail ou avec les
mesures qu'ils doivent prendre pour garantir leur
propre santé et sécurité et celle de la
population. Là où les gens se sentent en sécurité
dans un endroit de travail, c'est grâce aux
mesures que les travailleurs du secteur ont mises
en place et à leur prise de parole sur les
conditions réelles et ce qu'il faut faire.
La pression exercée sur les travailleurs du
secteur de la santé est énorme et, en plus de
cela, ils sont censés poursuivre leurs activités
comme si de rien n'était, comme si les
gouvernements leur fournissaient tout ce dont ils
ont besoin. Les enseignants et les travailleurs de
l'éducation vivent maintenant les conditions les
plus stressantes alors qu'ils tentent de garantir
la sécurité des élèves, des parents et du
personnel tout en enseignant aux enfants et aux
jeunes. Les témoignages sur ce qu'on leur demande
de faire et d'endurer sont eux-mêmes angoissants,
mais tout ce que nous entendons des premiers
ministres et des médias, c'est que de l'argent a
été fourni pour traiter des problèmes et que tout
va bien, ou que les revendications des enseignants
et du personnel sont impossibles et que la
COVID-19 dans les écoles est quelque chose
d'inévitable. Ce n'est pas le cas.
Nous saluons tous les travailleurs du pays pour
leur rôle dans la production des biens et la
prestation des services requis dans des conditions
stressantes et nous saluons aussi les personnes
des autres couches de la société qui coopèrent
avec eux. L'approche du chacun pour soi imposée
par les gouvernements à la population doit être
dénoncée. Ils rendent les conditions de la
pandémie ingérables. Cela est inacceptable dans
une société moderne qui est plus que capable de
faire face aux difficultés sur une base
prosociale.
Les travailleurs et les professionnels de la
santé ont été la première ligne de défense de la
santé et de la sécurité des gens âgés dans les
centres de soins de longue durée et pour les
personnes âgées de même que des patients dans les
hôpitaux et ils ont assumé leurs responsabilités
au prix de grands sacrifices personnels. C'est par
la mise en oeuvre des revendications et des
solutions des travailleurs et des professionnels
de la santé qu'on peut résoudre la crise dans le
système de santé et les soins aux aînés. Il en est
de même dans les autres secteurs de l'économie.
Les leçons sont claires et la réouverture des
écoles requiert que les revendications des
enseignants, des travailleurs de l'éducation, des
élèves et des parents et les solutions qu'ils
proposent soient discutées et mises en oeuvre et
non écartées.
Les travailleurs ont prouvé dans des
circonstances très difficiles qu'ils sont le
facteur essentiel pour le fonctionnement et le
bien-être de la société. Ils doivent en tout temps
prendre les choses en main tout en se défendant
contre la violation de leurs droits par ceux qui
ont usurpé le pouvoir de décision à tous les
niveaux. Ils font les plus grands efforts pour
faire entendre leur voix en prenant fermement
position contre le retour « à la normale »
car c'est cette normale qui a donné lieu à la
crise en premier lieu. La situation s'aggrave sauf
dans la mesure où les travailleurs sont capables
d'y mettre un terme.
La seule chose qui est prévisible est que les
processus que les gouvernements ont imposés en
vertu de cette « nouvelle normalité »
éliminent la voix des travailleurs et de leurs
organisations en tant que facteur essentiel pour
déterminer ce qui est nécessaire pour assurer la
santé et la sécurité de la population et établir
la direction de l'économie. Ce refus de mettre en
oeuvre des solutions prosociales à la crise
causera davantage de problèmes.
Si le passé est garant de l'avenir, il est
essentiel que les travailleurs et leurs
organisations se tiennent au courant de ce qui se
passe pour ne pas être pris au dépourvu au moment
même où ils se battent chaque jour pour ce qui
leur appartient de droit.
Dans cette situation, la responsabilité du Centre
ouvrier du PCC(M-L) est de tenir autant de forums
de travailleurs que possible où les travailleurs
peuvent s'exprimer ouvertement, partager leurs
expériences et analyser les conséquences des
événements qui se déroulent et les mesures qui
sont prises.
Il faut briser le silence sur les conditions de
vie et de travail pour briser l'isolement et la
marginalisation des travailleurs dans tous les
secteurs, pour apprécier le facteur
humain/conscience sociale qui maintient l'économie
en marche et pour permettre aux travailleurs
d'inverser le cours des choses à leur avantage.
Cet article est paru dans
Numéro 58 - Numéro 58 - 3 septembre 2020
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2020: Le recours aux pouvoirs ministériels pour faire taire la voix des travailleurs et leurs solutions prosociales - Pierre Chénier
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