Révision de la loi albertaine sur la santé et la sécurité au travail
La Loi sur la santé et
la sécurité au travail (Loi sur la SST)
est
un
texte
majeur
des
lois sur le travail de l'Alberta. La Loi stipule
que son but est la promotion et le maintien du
plus haut degré de bien-être des travailleurs, la
prévention des incidents, des accidents au travail
et des maladies professionnelles, et la protection
des travailleurs contre les facteurs et conditions
défavorables à leur santé et sécurité. Selon la
Loi, les travailleurs ont trois droits
fondamentaux en ce qui a trait à leur santé et à
leur sécurité : le droit d'être informé des
dangers sur le lieu de travail qui peuvent avoir
un impact sur leur santé et leur sécurité ;
le droit de participer aux questions de santé et
de sécurité sur le lieu de travail ; et le
droit de refuser un travail qui est dangereux ou
qu'ils ne sont pas compétents à faire en toute
sécurité.
La révision de la Loi sur la SST a été menée au
moyen d'un sondage avec des questions fournies par
le ministère de l'Emploi et de l'Immigration. Dans
l'introduction du questionnaire, le ministère
déclare son intention d'apporter des changements
importants à la Loi pour atténuer son caractère
contraignant afin de donner plus de souplesse et
de responsabilités aux parties aux endroits de
travail.
Le document dit : « Alors que la Loi établit
et fixe les normes minimales, le gouvernement est
responsable de l'élaboration et de l'application
de la Loi, mais non de la gestion de la santé et
de la sécurité au travail sur les lieux de travail
individuels. La Loi établit le cadre pour assurer
la santé et la sécurité d'un lieu de travail par
la participation directe des parties concernées
sur les lieux de travail. »
En fait, tout le sondage repose sur le désir des
employeurs et des entrepreneurs d'alléger ce
qu'ils considèrent comme des fardeaux
réglementaires et contraignants afin qu'ils
puissent fouler aux pieds les droits des
travailleurs qui sont officiellement reconnus dans
la loi.
Voici quelques exemples.
Comités mixtes de santé et de sécurité
La Loi sur la
SST prescrit qu'un employeur doit établir
un comité mixte de santé et de sécurité sur le
lieu de travail si l'employeur emploie 20
travailleurs ou plus et que le travail doit
durer 90 jours ou plus.
Le ministère estime que cette clause de la Loi
est trop restrictive pour les parties et les
empêche d'agir avec innovation et flexibilité sur
le lieu de travail. La solution proposée par le
ministère est l'introduction dans la Loi du
concept d'« endroit de travail à faible
risque ». À ces endroits de travail,
l'exigence d'un comité mixte de santé et sécurité
au travail ne s'appliquerait pas. Le questionnaire
demande aux répondants de commenter les conditions
dans lesquelles un endroit de travail peut être
déclaré « endroit de travail à faible
risque ».
Il est important de garder à l'esprit que les
réponses que le ministère reçoit à cette question
ne sont révélées sous aucune forme et ne sont donc
pas soumises à un examen public. C'est une
manoeuvre pragmatique pour justifier les
changements que le ministère et les intérêts
privés veulent mettre en place. Le fait qu'une
telle question soit même soulevée au milieu de la
pandémie de la COVID-19, où il n'y a manifestement
pas d'endroit de travail à « faible risque »,
montre le caractère intéressé et malhonnête des
exécutifs gouvernementaux et des oligarques
financiers et qu'ils tentent d'imposer à la
société des objectifs antisociaux. Cela montre
également à quel point est dommageable pour la
société le refus de tenir des discussions
publiques sur comment on peut fournir des
solutions aux problèmes sérieux auxquels la
société fait face. En fait, quels que soient les
problèmes auxquels une société est confrontée, des
alternatives qui sont sécuritaires sont à notre
portée. Ce n'est pas inévitable que des gens
doivent mourir de la COVID-19 ou de toute autre
pandémie. C'est possible de les protéger et
l'économie n'a pas à être fermée. Mais rien de
tout cela n'est discuté.
Le droit de refuser un travail dangereux
Un autre exemple important est la question du
travail dangereux et du droit du travailleur de
refuser un travail dangereux, un droit fondamental
qui est formellement reconnu par la loi.
Sous le sous-titre « Droit de refuser »,
l'introduction stipule :
« Le droit de refuser vise à remédier
aux situations où le droit de savoir et le droit
de participer n'ont pas résolu un problème de
santé et de sécurité. En Alberta, les travailleurs
ont le droit de refuser un travail qui présente un
danger. Les employeurs ne peuvent pas pénaliser
les travailleurs qui refusent de travailler ou
posent tout autre geste en vertu de la Loi sur la SST.
Un travailleur peut refuser un travail qui peut le
mettre en danger. Cependant, la Loi sur la SST
ne définit pas le « danger » ni ne limite les
refus lorsque d'autres travailleurs ou le public
peuvent être mis en danger. Fournir plus de clarté
dans la Loi sur
la SST aidera à équilibrer la protection
des travailleurs avec celle d'autres qui peuvent
être touchés par un refus de travailler. »
Le sondage comporte les questions suivantes sous
le sous-titre « Droit de refuser » :
« 1. Comment le terme 'danger' peut-il être
mieux défini pour clarifier le moment où le droit
de refuser un travail dangereux s'applique ?
Y a-t-il des circonstances selon lesquelles le
droit de refuser un travail dangereux devrait être
limité ? Veuillez expliquer et donner des
exemples.
Comment la procédure décrite dans la Loi sur la SST
peut-elle être rationalisée pour donner aux
parties dans un endroit de travail une plus grande
flexibilité pour traiter les refus de travailler à
l'endroit de travail ? »
Le droit de remédier à des conditions dangereuses
par un refus de travailler est nié lorsque les
gouvernements adoptent des lois qui décrètent
qu'un endroit de travail est sécuritaire. On
cherche en fait à rendre illégal tout refus de ce
qu'un individu, un syndicat ou un autre collectif
considèrent non sécuritaires. Premièrement, aucune
opinion publique n'est créée pour justifier le
fondement d'une loi qui est adoptée. Ensuite, si
un individu ou un collectif posent un geste
conformément à leur conscience de comment ils
perçoivent que leurs intérêts sont servis, ils
sont criminalisés. Le résultat est que les niveaux
de confusion, d'anxiété, d'anarchie et de violence
montent en flèche.
En fait, dans une société moderne, il est de la
responsabilité des gouvernements de protéger le
corps politique et tous ses membres et d'insister
pour que les employeurs fassent de même, peu
importe qui ils sont. Le même devoir incombe à
tous les membres et collectifs de la société. Si
les gouvernements abdiquent leur responsabilité et
protègent les employeurs qui eux aussi abdiquent
leur responsabilité, alors il est du devoir des
individus et de leurs organisations de défense
d'intervenir. Le fait que les gouvernements
déclarent que cette intervention est illégale
montre simplement le genre de lutte que les
travailleurs ont devant eux. Cela révèle que les
travailleurs doivent tenir des forums entre eux où
ils peuvent discuter de la façon dont ces
problèmes se posent, afin que personne ne soit
forcé de se débrouiller seul sans le poids de
leurs pairs organisés pour les appuyer.
Aujourd'hui, prendre position pour ce qui est
juste exige de défendre les principes comme une
question de droit. Défendre la dignité du travail,
s'opposer à l'ordre du jour antisocial de payer
les riches, lutter pour les droits de tous, sont
autant de positions de principe qui ouvrent la
voie à une société qui progresse en humanisant
l'environnement naturel et social. Les
travailleurs doivent établir pour eux-mêmes la
base de principe de leurs revendications et s'unir
dans l'action avec leurs pairs pour les réaliser.
L'exécutif gouvernemental semble vouloir
emprunter la voie du gouvernement Harper qui, en
2014, a modifié le Code canadien du travail
pour que le ministre de l'Emploi, qui est tenu par
le code d'enquêter sur l'exercice d'un droit de
refus, puisse décider de ne pas enquêter s'il
estime que l'affaire est insignifiante, frivole ou
vexatoire, ou que le refus continu de travailler
est de mauvaise foi. Dans ce cas, le travailleur
qui a refusé d'effectuer le travail dangereux est
considéré comme ayant enfreint le Code du travail
et est sujet à des mesures disciplinaires.
Le gouvernement Harper a également introduit une
nouvelle définition du danger dans le Code du
travail, selon laquelle un danger est une «
situation, tâche ou risque qui pourrait
vraisemblablement présenter une menace imminente
ou sérieuse pour la vie ou pour la santé de la
personne qui y est exposée avant que, selon le
cas, la situation soit corrigée, la tâche modifiée
ou le risque écarté. » C'est l'imminence de
la menace qui a été ajoutée. Qui décide des «
limitations » au droit de refuser un travail
dangereux est une question clé parce que c'est sur
cette base que des jugements seront faits qui
justifieront ou pénaliseront un individu ou un
collectif pour avoir exercé son droit de refuser
un travail non sécuritaire. Lorsqu'un ministre ou
un gouvernement usurpent le pouvoir de décider
tout ce qu'ils veulent d'une manière qui empêche
ceux qui sont affectés par la décision de les
rendre redevables, ou que toute la question est
ramenée à des poursuites devant les tribunaux
alors que les décisions prises par les tribunaux
sont elles aussi manipulées, c'est un signe
évident de tyrannie.
Les questions qui sont posées sur des problèmes
relatifs à la santé et à la sécurité du travail
sont toutes intéressées et posées de façon à ce
que le gouvernement et les employeurs n'aient pas
à rendre des comptes en ce qui concerne ce que
sont les devoirs tels que définis et requis par
une société démocratique moderne. Elles révèlent
un gouvernement qui cherche à abdiquer encore plus
sa responsabilité sociale et à permettre aux
employeurs de faire la même chose. Attaquer les
droits des travailleurs au nom de la flexibilité
et de la relance de l'économie n'est pas
acceptable. Le simple fait d'utiliser un sondage
comme consultation sur des questions de vie ou de
mort, en particulier en cette période de crise de
la COVID-19, est inacceptable et doit être rejeté.
Cet article est paru dans
Numéro 55 - Numéro 55 - 20 août 2020
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