Des voix s'élèvent face au décès d'un travailleur de la santé de Montréal

Thong Nguyen

Thong Nguyen avait 48 ans, il était père de famille et 
préposé aux bénéficiaires à la salle d'urgence de l'hôpital Jean-Talon à Montréal. Il a été infecté par la COVID-19 en mai et est décédé le 11 juin. La Commission des normes, de l'équité et de la santé et la sécurité au travail (CNESST) a rédigé un rapport qui n'a pas été rendu public, mais que le journal La Presse a pu consulter. L'inspectrice de la CNESST n'y confirme pas que Thong Nguyen a contracté le virus dans le cadre de ses fonctions, malgré qu'elle reconnaisse qu'il avait été affecté aux zones froides, tièdes et chaudes de la COVID-19. Elle dit aussi que les autres préposés l'ont informée que pendant la pandémie, ils n'avaient pas reçu de formation sur les mesures de prévention à appliquer face à la pandémie et qu'il y avait eu un manque régulier de masques de protection. En dépit de ces constatations, l'inspectrice affirme : « Selon les documents qui m'ont été fournis par l'employeur, plusieurs formations et procédures ont été mises en place pour protéger les travailleurs et prévenir la propagation de la COVID-19 ». Elle prétend que les travailleurs interrogés n'ont pas pu lui préciser « la chronologie des faits » relatifs à l'environnement de travail les semaines avant que le travailleur soit déclaré positif à la COVID-19. Elle en conclut donc qu'aucun avis de correction n'est requis de la part de l'hôpital Jean-Talon.

Cette évaluation est sévèrement critiquée par la famille de Thong Nguyen ainsi que par des syndicats associés. La docteure Lan Nguyen est la cousine de Thong et le porte-parole de la famille. Elle dit qu'elle est extrêmement déçue par la superficialité du rapport qui affirme ni plus ni moins que tout est parfait et qu'il n'y a rien à améliorer. « L'État tente par tous les moyens de recruter de nouveaux préposés, mais on ne cherche pas les failles pour comprendre comment mieux les protéger », dit-elle.

Alexandre Paquet, président du Syndicat des travailleuses et travailleurs du CIUSSS du Nord-de-l'Île-de-Montréal (CSN) écrit : « Thong Nguyen est décédé en luttant chaque jour sur le terrain contre la COVID-19. Pourtant, la CNESST n'émet aucun avis de correction dans son rapport sur son décès, comme si c'était normal de laisser sa vie en travaillant et comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes dans le réseau. » Il ajoute : « Cette décision lance un très mauvais message, soit que si vous contractez la COVID-19 et que vous mourez dans le cadre de votre travail, vous ne serez probablement pas indemnisés. Votre famille sera abandonnée dans une précarité financière par le gouvernement. »

Jeff Begley, le président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), a déclaré : « Quand on voit que plus de 13 600 travailleuses et travailleurs du réseau ont été infectés dans la première vague, c'est qu'il y a un problème. Malheureusement, depuis le début de la pandémie, la CNESST se limite à suivre les recommandations de la Santé publique. Les décès de ces travailleurs montrent pourtant que ces recommandations sont insuffisantes pour bien protéger le personnel. »

Le fait que le gouvernement et ses institutions ne mettent pas tout en oeuvre pour aller au fond des choses et élucider pourquoi un si grand nombre de travailleurs de la santé  et d'aînés  ont été infectés ni ne cherchent à élucider les circonstances ayant occasionné des décès comme celui de Thong Nguyen est cruel et socialement irresponsable. Il est tout à fait inacceptable que les travailleurs soient traités avec si peu de respect et que leurs revendications et celles de leurs familles et syndicats visant à corriger la situation, surtout en prévision d'une résurgence, soient constamment ignorées par le gouvernement et ses institutions. La dignité et l'intégrité des travailleurs de la santé et de leurs patients sont au coeur du système de santé que les gens veulent et requièrent et le fait d'élever nos voix et de pousser dans cette direction est exactement ce qui est nécessaire pour transformer la situation et obtenir un système de santé et un environnement de travail dignes d'êtres humains.


Cet article est paru dans

Numéro 54 - Numéro 54 - 13 août 2020

Lien de l'article:
Des voix s'élèvent face au décès d'un travailleur de la santé de Montréal - Pierre Soublière


    

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