L'unité dans l'action force une volte-face partielle sur la politique d'immigration

À la suite des efforts déployés par les nombreuses organisations à travers le Québec et le Canada pour défendre les droits des demandeurs d'asile et des travailleurs étrangers temporaires sur la ligne de front de la lutte contre la COVID-19, le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral ont été contraints à un recul partiel sur le traitement odieux des demandeurs d'asile et des travailleurs migrants.

Voici une mise à jour sur ce qui s'est passé au cours de la semaine dernière. 

Ce qu'avait à dire le premier ministre du Québec

Il y a à peine une semaine, le jeudi 21 mai, un journaliste a rappelé au premier ministre François Legault qu'il y avait de plus en plus d'appels « à ce que les demandeurs d'asile qui sont également des travailleurs de première ligne puissent rester au Canada ». Le journaliste a poursuivi : « Ma question serait de savoir pourquoi vous ne faites pas vous-même pression pour cela et que pensez-vous de ces appels ? »

« Ce sont deux enjeux différents, a répondu Legault. Je veux être clair. Je suis très, très reconnaissant du travail que font certains d'entre eux dans nos résidences. Nous avons besoin d'eux, nous avons la chance de les avoir, donc c'est très bien. » Il a ensuite souligné que c'est le gouvernement fédéral qui détermine si une personne est acceptée ou non comme immigrante.

Legault a poursuivi en disant « nous devons être prudents », se référant spécifiquement à ceux qui traversent la frontière par le chemin Roxham ou d'autres passages irréguliers. Il a déclaré : « Nous ne pouvons pas ouvrir la porte pour dire [que] si vous veniez illégalement, si vous trouvez un emploi, ça va, je vous accepterai en tant qu'immigrant. C'est pas la façon dont cela fonctionne. Il y a des règles [...] pour les personnes qui souhaitent devenir immigrants et il y a des règles concernant les demandeurs d'asile et leurs droits dans le pays d'où ils viennent. » Il a ensuite conclu en disant : « Je pense qu'il est important de respecter les règles. »

Quatre jours plus tard, lors de sa conférence de presse du 25 mai, Legault a fait la déclaration suivante : « Je tiens à vous dire à quel point nous sommes reconnaissants à toutes les personnes qui sont allées travailler dans les CHSLD [centres d'hébergement et de soins de longue durée] depuis deux mois et demi, incluant les demandeurs d'asile. » Il a dit : « Il faut comprendre, les demandeurs d'asile, ce sont des personnes qui sont entrées au Canada et le critère pour savoir s'ils vont être acceptés comme réfugiés, c'est de savoir si leur sécurité physique est en danger dans leur pays [bien sûr, le premier ministre contourne commodément le fait qu'en ce qui concerne spécifiquement leur travail dans les CHSLD, en raison de l'irresponsabilité des gouvernements à tous les niveaux ici au Canada, leur vie est également en danger - note du FO]. Cela a toujours été comme ça. Par contre, j'ai demandé spécifiquement au ministre de l'Immigration, Simon Jolin-Barrette, d'examiner les cas un par un, pour voir si nous pouvons les qualifier comme immigrants et les accueillir chez nous, non pas comme réfugiés, mais comme immigrants. Donc on va analyser chaque cas, un par un. Évidemment, c'est une façon de leur dire merci. »

Pressé par les journalistes de dire s'il avait changé de position, le premier ministre a répondu : « Je n'ai pas changé d'avis. Ce que je dis, c'est que nous avons deux enjeux différents. [En ce qui a trait] aux demandeurs d'asile, je veux être prudent, je ne veux pas envoyer le message qu'à l'avenir, nous accepterons tout le monde s'ils trouvent un emploi au Québec. Voilà la situation. Mais nous avons également une autre situation où il est vraiment essentiel de faire travailler plus de personnes dans nos CHSLD. Donc, ces personnes [...] travaillent déjà dans des CHSLD, alors comment pouvons-nous les amener via le processus d'immigration normal. C'est ce que j'examine. Bien sûr, nous devrons également discuter avec le gouvernement fédéral. Mais ce ne sera pas en tant que demandeurs d'asile, car [...] pour que [les demandeurs d'asile] soient acceptés, ils doivent prouver que leur situation physique est en danger dans leur pays. C'est une tout autre histoire. »

Ce qu'avait à dire le premier ministre du Canada

Le lendemain, le premier ministre Trudeau a été interrogé par une journaliste sur la question de savoir si son gouvernement était prêt à s'engager à traiter les demandes des demandeurs d'asile haïtiens travaillant dans les CHSLD. Il a répondu que depuis des semaines, le ministre de l'Immigration, Marco Mendicino, travaillait dur sur la question. « Nous savons qu'il y a des gens extraordinaires qui font un travail héroïque dans nos centres de soins à longue durée et que nous devons chercher comment nous pouvons les aider et nous sommes en train d'examiner de près cette situation. »

Puis, lorsqu'on lui a demandé s'il était d'accord avec le principe de régulariser le statut de certaines personnes, d'accélérer le traitement de leurs demandes ou de les transférer vers des demandes de statut d'immigration pour les remercier alors que le Québec semblait le demander, Trudeau a répondu : « Ça fait longtemps qu'on reconnaît que les gens qui arrivent au pays contribuent à notre protection et notre succès en tant que pays. Notre gouvernement a toujours été ouvert à l'immigration, a toujours valorisé les gens qui arrivent. Par rapport aux demandeurs d'asile qui sont arrivés de façon irrégulière, mais qui travaillent dans nos CHSLD, qui font un travail héroïque pour protéger les Canadiens, nous sommes en train de regarder comment on peut reconnaître ce travail et peut-être accélérer le processus [...]. »

La journaliste d'ajouter : « Je sens qu'il y a un certain changement de position. Votre vice-ministre, Mme Freeland, nous disait il y a environ une semaine de cela, qu'on est un pays de droit, il faut respecter les processus. Donc je comprends que vous êtes prêts à contourner les processus actuels pour faire ce remerciement. »

« On est dans une situation particulière et exceptionnelle, a répondu Trudeau. La crise de la COVID-19 exige qu'on revoie différentes choses. C'est sûr que notre système d'immigration est ancré dans le respect des processus, et l'équité, l'égalité pour tout le monde. C'est important de suivre ces processus, mais dans une situation exceptionnelle, on peut évidemment considérer des exceptions. »

Une autre journaliste a demandé à Trudeau quelle était son évaluation du nombre de demandeurs d'asile irréguliers dont le statut devrait être reconnu. Le premier ministre a dit : « Je pense que les gens reconnaissent que des héros qui font un travail exceptionnel dans des conditions difficiles devraient recevoir une certaine forme de reconnaissance, mais nous avons un système d'immigration qui est robuste, rigoureux et complexe, mais le ministre de l'Immigration est en train de regarder attentivement quels seraient les détails d'une telle approche. On comprend qu'il y a un désir au sein de la population de reconnaître et de remercier ces gens-là, mais nous nous devons de s'assurer que ce soit fait de la bonne façon et en bonne et due forme. »

Ce qu'avait à dire la vice-première ministre du Canada

Plus tard dans la journée, la vice-première ministre Chrystia Freeland a été invitée à clarifier la position récemment adoptée par son gouvernement sur la régularisation de la situation de certains demandeurs d'asile travaillant dans des CHSLD.

« Comme le premier ministre a dit, nous comprenons toujours l'importance de l'immigration pour notre pays. Nous sommes un gouvernement ouvert à l'immigration. Aujourd'hui nous comprenons que les gens du Canada, du Québec apprécient extrêmement le travail que ces demandeurs d'asile font et que les gens veulent remercier ces personnes-là pour ce travail. Nous comprenons cela. Nous pensons en même temps que nous devons le faire comme il faut et nous devons examiner comment nous pouvons le faire. [...].

« Le problème spécifique qui nous semble le plus préoccupant en ce moment est celui des demandeurs d'asile qui effectuent actuellement un travail absolument essentiel et extraordinaire. Cela étant dit, a conclu Freeland, c'est un problème majeur et le ministre de l'Immigration, Marco Mendicino, comme le premier ministre l'a dit, est en train d'examiner la question. Et comme je l'ai dit, nous devons le faire en étroite collaboration avec le Québec. »

(Source : CPAC)


Cet article est paru dans

Numéro 38 - Numéro 38 - 2 juin 2020

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