Colombie-Britannique

Les travailleurs rejettent les coupures dans le transport en commun

Près de 1 000 chauffeurs du transport en commun et 200 travailleurs d'entretien, employés de Coastal Mountain Bus Company (CMBC), ont reçu des avis de mise à pied le 20 avril, qui entreront en vigueur le 18 mai 2020. Le syndicat qui représente ces travailleurs a publié un communiqué de presse le 23 avril, affirmant qu'il va contester les mises à pied. Selon le communiqué de presse, « Unifor fera valoir que CMBC a enfreint le code des relations de travail en ne respectant pas l'avis de 60 jours. Le syndicat va tenter de faire annuler les mises à pied, ou du moins demander que les travailleurs soient rémunérés pendant les 60 jours. »

La nouvelle des mises à pied et de nouvelles coupures de services de transport en commun dans la vallée du bas Fraser en Colombie-Britannique est arrivée sans préavis. Le message enregistré du service automatisé de Translink pour les horaires indique simplement qu' « en raison du peu d'achalandage, Translink suspend certains de ses services de transport en commun ».

Translink est l'instance responsable du transport en commun — autobus, métro aérien (trains légers), service ferroviaire West Coast Express vers la Vallée du Fraser, et les traversiers de passagers dans le district régional du Grand Vancouver, soit par le biais de filiales ou de contrats privés. Suite aux compressions faites en mars, TransLink a récemment annoncé d'énormes compressions dans ses opérations, entrant en vigueur le 24 avril, de même que d'autres coupures de services en mai. Des centaines de chauffeurs du transport en commun, mécaniciens, membres du personnel administratif et d'autres travailleurs sont mis à pied « de façon temporaire ».

Selon un article du Vancouver Sun du 20 avril, la clientèle du transport en commun a baissé de 80 % depuis l'éclosion de la COVID-19 et TransLink perd 70 millions de dollars par mois. Le système de perception a été suspendu pour la durée de la pandémie et l'accès par la porte arrière est possible dans la plupart des autobus seulement pour encourager la distanciation physique et protéger les chauffeurs. Le PDG de TransLink, Kevin Desmond, prétend que TransLink « n'a pas d'autre option » et, selon l'organisme, d'autres options existent pour ces passagers pour la « plupart » des trajets. D'autres compressions sont attendues en mai. La fréquence du SkyTrain a été réduite. Le service de traversier pour passagers SeaBus entre Vancouver et Vancouver Nord fonctionne au ralenti et les circuits de fin de soirée ont été éliminés. Le service de chemin de fer de banlieue entre Vancouver et la Vallée du Fraser a été réduit de cinq à trois trains dans chaque direction.

Le système de transport en commun ne peut pas être géré comme une simple entreprise. Le gouvernement a la responsabilité sociale de fournir des services de transport en commun sécuritaires et adéquats pour les travailleurs, les étudiants, les jeunes, les aînés et les personnes handicapées. L'achalandage et les statistiques relatives aux revenus publiés par TransLink ne tiennent pas compte des besoins et de l'expérience réelle du peuple et de la société qui dépendent du système de transport en commun pour que les travailleurs puissent se rendre au travail. Les mesures de distanciation sociale réclamées par les chauffeurs d'autobus et leurs syndicats et mises en oeuvre par TransLink ont fait en sorte que les autobus ne roulent plus qu'à un tiers de leur capacité. Même avant les coupures de service nouvellement annoncées, en de nombreuses occasions les passagers ont vu les autobus leur passer sous le nez en raison de la capacité réduite des autobus, faisant en sorte que les travailleurs des services essentiels arrivent en retard à leur travail. Dans les hôpitaux et les résidences de soins de longue durée, des travailleurs sont obligés de rester au travail après la fin de leur quart de travail parce que les travailleurs du prochain quart ne sont pas arrivés à cause du ralentissement des services. Les temps de déplacement plus longs représentent un problème de taille pour les travailleurs essentiels qui ne peuvent pas être certains qu'ils vont aller prendre leurs enfants à l'heure voulue. Plusieurs personnes qui n'ont pas d'autres moyens de transport arrivent en retard à leurs rendez-vous médicaux. D'autres doivent transporter leur épicerie sur de longues distances en raison des arrêts d'autobus fermés. Ces difficultés sont encore plus grandes pour les aînés et les personnes ayant des problèmes de mobilité. Si les écoles ouvrent à nouveau, même partiellement, la pression sur le système de transport en commun sera encore plus grande.

Les syndicats représentant les travailleurs essentiels ont immédiatement condamné les coupures et les mises à pied. Jennifer Whiteside, la secrétaire-trésorière du Syndicat des employés d'hôpitaux (HEU), a dit : « Ces coupures de services engendrent un stress additionnel pour les travailleurs des soins de santé et les autres travailleurs essentiels aux premières lignes pour répondre à la pandémie en Colombie-Britannique. Les options de transport de nos membres sont limitées surtout qu'ils font déjà face à des temps de déplacement plus longs en raison des réductions de services déjà annoncées. Les dirigeants fédéraux et provinciaux doivent prendre des mesures d'urgence pour appuyer le transport en commun dans ce ralentissement dû à la pandémie. C'est une question essentielle pour les personnes en première ligne de cette crise de la santé publique. »

Dans un communiqué de presse du HEU du 20 avril, on souligne qu'un travailleur de la santé sur cinq dépend du transport en commun pour l'aller-retour au travail dans les hôpitaux, les résidences pour aînés, les agences communautaires, les centres de santé des Premières Nations, etc. Plusieurs font du temps supplémentaire ou ont un deuxième emploi pour faire vivre leur famille. La crise du logement a fait en sorte que les distances parcourues sont encore plus grandes pour un grand nombre de travailleurs.

Le directeur de la région de l'ouest d'Unifor, Gavin McGarrigle, dit des coupures qu'elles sont « une mesure irréfléchie et irresponsable. En ce moment, des dizaines de milliers de travailleurs ont recours au transport en commun parce qu'ils n'ont pas le choix. Ils s'assurent que les gens reçoivent les soins de santé dont ils ont besoin dans les résidences des soins de longue durée et dans les hôpitaux...et les épiceries...et la liste des services fournis par les travailleurs essentiels est très longue ».

David Black, le président de Move Up, le syndicat qui représente les travailleurs du secteur administratif employés par Translink et sa filiale, Coast Mountain Bus Company, a déclaré que 160 membres du syndicat ont été mis à pied avec seulement deux jours d'avis plutôt que l'avis de quatre semaines prescrit.  Il a dit que son syndicat exigera un financement d'urgence à court terme pour le transport en commun. Le premier ministre de la Colombie-Britannique, John Horgan, a réagi en refilant ses responsabilités au gouvernement fédéral. Hogan prétend que le gouvernement fédéral a « accès à des ressources qui peuvent être déployées dans tout le pays ». Il n'y a pas encore eu d'engagement en ce sens de la part du gouvernement fédéral.

Alors que les gouvernements refusent d'assumer leur responsabilité sociale, les travailleurs essentiels de première ligne prennent leurs responsabilités, faisant des sacrifices et mettant leur santé et leur vie à risque pour servir les autres. Les travailleurs du transport en commun et d'autres parlent en leur propre nom et exigent des autorités qu'elles fournissent l'équipement de protection individuelle et adoptent des mesures d'hygiène pour sauver des vies afin que les services comme le transport en commun, qui sont essentiels à la société, puissent continuer de fonctionner. C'est ainsi que l'activation du facteur humain est bloquée par le système politique qui marginalise les travailleurs et les exclut des prises de décision. À mesure que les travailleurs essentiels se rendent compte de leur rôle dirigeant dans la résolution des problèmes engendrés par la COVID-19, ils voient de plus en plus la nécessité de s'organiser pour s'investir du pouvoir.


Cet article est paru dans

Numéro 32 - Numéro 32 - 7 mai 2020

Lien de l'article:
Colombie-Britannique: Les travailleurs rejettent les coupures dans le transport en commun - Brian Sproule et Barbara Biley


    

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