Des conditions inacceptables dans les usines de transformation de volaille qui mettent les travailleurs et la société en péril
- Brian Sproule -
Les autorités de la santé ont ordonné à deux usines de
transformation de volaille dans la région métropolitaine de Vancouver
de fermer à la suite d'éclosions de la COVID-19 dans ces endroits de
travail. Le 20 avril, Coastal Health de Vancouver a ordonné à United
Poultry, situé dans le quartier centre-est de Vancouver, de fermer ses
entreprises après que 28 travailleurs ont été déclarés positifs de
la COVID-19. Les représentants de la Santé publique ont testé tous les
71 travailleurs pendant leur quart de travail après qu'un travailleur
qui avait travaillé alors qu'il était symptomatique, avait eu un
résultat
positif. Les agents provinciaux de la santé de la Colombie-Britannique
ont annoncé que les personnes en contact avec les travailleurs infectés
seraient aussi testés. La docteure Patricia Daly du Vancouver Coastal
Health a
dit que bien que des gants et un certain nombre de masques de plastique
étaient disponibles, les mesures mises en place étaient insuffisantes
ou mal exécutées. D'autres travailleurs étaient malades à la maison le
jour où les tests ont été faits, mais ils seront testés eux aussi.
Le 24 avril, l'Autorité de la santé de Fraser a
ordonné la fermeture de Superior Poultry Processors à Coquitlam après
que deux travailleurs ont eu un résultat positif pour le virus. Le 27
avril, l'Autorité de la santé a annoncé que 25 travailleurs
avaient eu un résultat positif et que 236 travailleurs de l'usine
avaient subi un test de même que 73 personnes avec qui elles
étaient entrées en contact.
Bien que les deux usines soient gérées séparément, les
médias parlent d'elles comme étant des « usines soeurs ». Clifford
Pollon figure dans le Registre des organisations à titre de directeur
des deux entreprises de transformation de volaille en question, ainsi
que d'une autre à Vancouver et une à Langley. Plusieurs travailleurs
occupent un emploi aux deux usines infectées. Il y a raison de croire
qu'un travailleur infecté a transmis le virus d'une usine à l'autre.
Kim Novak, la présidente de la section
locale 1518 des Travailleurs et travailleuses unis de
l'alimentation et du commerce, a dit que les travailleurs de United
Poultry ne sont pas syndiqués. Les normes du travail provinciales
interdisent aux entreprises de congédier des travailleurs qui
s'absentent en raison de maladie, mais aucune loi ne les oblige à payer
des congés de maladie. Les grandes usines de transformation comme
Lilydale et Sunrise Farms, qui sont syndiquées, sont liées par des
conventions collectives et doivent payer les congés de maladie.
L'administratrice en chef de la Santé publique, Bonnie Henry, a exhorté
les travailleurs à rester à la maison s'ils se sentent incommodés, même
par un rhume bénin. Kim Novak, pour sa part, a dit que les travailleurs
sans congés de maladie payés se présentent malades au travail parfois
parce qu'ils craignent que la perte de salaire les empêche de
payer
leurs dépenses courantes et celles de leur famille. Les travailleurs
subissent l'énorme pression de perdre leur emploi s'ils ne se
présentent pas au travail, même lorsqu'ils sont malades.
La façon de traiter les travailleurs pendant la pandémie
de la COVID-19 montre que pour les petites et grandes entreprises les
travailleurs sont sacrifiables. Elles sont animées uniquement par la
maximisation de leurs profits. Bien qu'ils versent des larmes de
crocodile sur le sort des travailleurs, les gouvernements néolibéraux
refusent d'adopter une législation qui protège la santé et la sécurité
des travailleurs.
Le 22 avril, le premier ministre John Horgan a déclaré à
CTV News : « Les
travailleurs sont allés travailler parce qu'ils craignaient de perdre
leurs salaires et de ne pas pouvoir subvenir à leurs besoins[...] C'est
irresponsable. » C'eci est une attaque éhontée et méprisante
contre les travailleurs. Dans le même reportage, l'administratrice en
chef de la Santé publique, Bonnie Henry, a déclaré : « Je veux que
les choses soient parfaitement claires [.. ] Restez à la maison, restez
loin des autres, et contactez immédiatement [les autorités de la santé]
[... ] Nous ne pénalisons pas les employés qui restent à la maison
s'ils tombent malades pendant cette pandémie ». Cette remarque
montre à quel point les autorités sont détachées du vécu quotidien des
travailleurs qui vivent d'une paie à l'autre, ne peuvent pas payer le
loyer ou acheter de la nourriture s'ils sont à la maison sans revenu,
et vivent dans la crainte de perdre leur emploi.
Ce ne sont pas les travailleurs qui sont irresponsables. Ce
sont les employeurs qui dictent les conditions de travail sans tenir
compte de la santé et de la sécurité des travailleurs, de leurs
familles et de la société qui le sont, de même que les gouvernements
qui refusent de mettre en place des normes de santé et de sécurité qui
protègent les travailleurs et la société. Dans la situation de la
pandémie de la COVID-19, le gouvernement doit minimalement s'assurer
que les travailleurs qui ne se sentent pas bien puissent être en
confinement sans perte de salaire et sans perdre leur emploi.
Les travailleurs doivent établir leurs organisations de
défense avec des comités de santé et sécurité dans chaque endroit de
travail. Les travailleurs des endroits de travail non organisés n'ont
pas la force collective et l'appui pour dire Non ! aux conditions
de travail dangereuses et insalubres. Depuis le début de la crise de la
COVID-19, les usines de transformation syndiquées ont fait respecter la
distanciation sociale entre les travailleurs au travail et bonifié les
mesures d'hygiène. Mais le problème n'est pas réglé pour autant, car
même les travailleurs syndiqués font face au harcèlement et aux menaces
de congédiement s'ils affirment leurs droits, tels que le droit à des
congés de maladie payés.
Aussi longtemps que la classe ouvrière n'a pas le
pouvoir décisionnel et qu'on lui dit d'attendre aux prochaines
élections et de voter pour un parti qui leur promet d'améliorer leurs
conditions de travail, le problème va perdurer. Peu importe le parti
cartel qui accède au pouvoir, la classe ouvrière fera les frais de
l'offensive antisociale. Ce qui ressort de la crise actuelle est que
les travailleurs doivent se battre pour s'investir du pouvoir. Sinon,
la crise sera toujours réglée sur leur dos. Il est important que la
classe ouvrière organisée dénonce la situation des travailleurs non
organisés et que des forums de travailleurs brisent le silence sur
comment ils sont traités, sur leurs conditions de vie et de travail.
C'est quelque chose de réalisable et qui doit être réalisé dans le
contexte de la pandémie de la COVID-19.
(Photos: FO, United Workers)
Cet article est paru dans
Numéro 29 - 30 avril 2020
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