Ce que les professionnels de la santé ont à dire

Des infirmières travaillant des deux côtés de la frontière parlent en leur propre nom

Beaucoup de choses ont été dites par les dirigeants du Canada et des États-Unis au sujet de la circulation des biens et des personnes dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Trump a retenu des fournitures médicales et Trudeau et d'autres élus du Canada ont ouvertement ou indirectement menacé de limiter les déplacements des travailleurs de la santé canadiens oeuvrant actuellement dans les villes frontalières américaines. La chose est présentée comme un combat entre « redonner sa gloire à l'Amérique » et défendre le Canada. Comme l'a dit une infirmière vivant à Windsor et travaillant au Michigan lorsqu'elle a été interviewée à la radio de la CBC : « Deux mensonges ne font pas une vérité. »[1]

L'infirmière Nikki Hillis-Walters a travaillé dans des hôpitaux à Windsor, en Ontario et à Détroit, au Michigan. On lui a dit qu'elle devait choisir car les hôpitaux de l'Ontario ne veulent pas que la COVID-19 soit retransmise du Michigan aux hôpitaux de l'Ontario. L'affaire est présentée comme une mesure de protection du Canada. Or, de nombreux travailleurs de la santé du Canada travaillent aux États-Unis à cause du manque de travail et d'investissement dans la santé au Canada. Nikki Hillis-Walters a donc décidé de renoncer à son emploi à Windsor, car elle savait que son poste pouvait facilement être comblé, et de travailler à Détroit où le besoin était plus grand. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi elle avait fait ce choix, elle a répondu : « C'est un peu le sens du nursing, le sens de devoir répondre à l'appel. » Plus tard, elle a ajouté : « Je pense que nous devons tous nous considérer comme des citoyens du monde en ce moment. Pas comme ‘Je suis canadienne, vous êtes américaine'. » Elle a également discuté du soutien qu'elle reçoit de la communauté de Détroit pour sa contribution.

Dans cette situation, les infirmières expriment l'idée que nous sommes une seule et même humanité qui lutte pour les droits de tous, en l'occurrence le droit à la santé. Les gouvernements municipaux de Windsor et d'autres villes frontalières ne peuvent pas gérer cette crise et ralentir la propagation sans garantir que les droits des travailleurs de la santé soient affirmés, quel que soit leur lieu de travail. Ceux qui travaillent aux États-Unis ont besoin de sécurité et de protection pour pouvoir apporter leur contribution et ne pas s'inquiéter d'aggraver la situation en rapportant le virus à leurs familles et communautés. Ce ne sont pas des vecteurs, ce sont des êtres humains avec des droits.

Cela signifie d'abord et avant tout que le bien-être des travailleurs de la santé doit être assuré. Ils ont besoin d'un hébergement et de nourriture pour ne pas avoir à sortir dans la communauté après avoir travaillé dans des environnements infectés. Ils ont besoin d'équipements et de protections adéquats et d'un droit de regard sur leurs salaires et leurs conditions de travail afin de pouvoir faire leur travail au mieux de leurs capacités. Dans de nombreux États frontaliers des États-Unis, les infirmières et autres travailleurs de la santé ne sont pas syndiqués et sont susceptibles d'être abandonnés à leur sort lorsqu'ils tombent malades ou sont blessés ou s'ils s'expriment publiquement sur leur situation. Le gouvernement canadien doit défendre ces travailleurs de la santé au lieu d'utiliser le service vital qu'ils fournissent comme monnaie d'échange.

Note

1. « Forced to pick a side, this Canadian nurse decided to fight COVID-19 in the U.S. », As It Happens, 8 avril 2020.


Cet article est paru dans

Numéro 20 - 14 avril 2020

Lien de l'article:
Ce que les professionnels de la santé ont à dire: Des infirmières travaillant des deux côtés de la frontière parlent en leur propre nom - Enver Villamizar


    

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