Entrevue avec Paul Gauthier, directeur de la Société du Centre de ressource d'allocation individualisée de la Colombie-Britannique

Paul Gauthier est le directeur de la Société du Centre de ressource d'allocation individualisée de la Colombie-Britannique (IFRCS) qui a été créée pour aider les personnes à réussir grâce au programme Choix en appui à une vie autonome (CSIL) et d'autres programmes de financement individualisé en Colombie-Britannique. Le Centre appuie les personnes et les familles de personnes handicapées et d'aînés dont le financement provient du gouvernement provincial pour les soins à domicile. Pour plus d'informations : www.ifrcsociety.org/. Le 22 mars 2020, Paul Gauthier s'est entretenu avec Forum ouvrier.

Forum ouvrier : Quel est l'impact de la pandémie et des mesures prises par le gouvernement pour les personnes handicapées ?

Paul Gauthier : Il s'agit d'une discussion importante. Il existe de nombreuses communautés vulnérables, les autochtones, les femmes victimes de violence, les personnes âgées et autres. Le gouvernement répond à certaines d'entre elles mais il n'y a pas eu un mot sur ce qui se passe en ce qui concerne les personnes handicapées. Les personnes handicapées ont des besoins spécifiques, notamment les besoins de jeunes handicapés, des besoins différents pour des personnes qui ont des handicaps physiques et des troubles de développement, mais en fin de compte, il y a beaucoup de traits communs autour des soins physiques, du soutien émotionnel et autres. Nous sommes préoccupés par l'annonce récente du gouvernement selon laquelle les travailleurs qui oeuvrent dans un établissement ne sont pas autorisés à travailler dans un autre établissement, sans aucune indication claire et précise de ce que cela signifie.

Je crains que, tout à coup, quelqu'un qui travaille peut-être avec moi, parce que je suis moi-même en fauteuil roulant, et qui travaille dans un établissement où il consacre plus d'heures, me dise « Paul, je suis désolé, je ne peux plus venir t'aider, » Tout à coup, ma personne du matin n'est plus disponible. Et cela se produit en un clin d'oeil, n'est-ce pas ? Donc ce qui se passe pour nous, les personnes handicapées qui avons obtenu un financement par le biais du programme CSIL, où les fonds nous parviennent directement, en tant qu'employeur, n'avons même pas la possibilité de réagir. Nous recevons un appel téléphonique, de nombreuses personnes commencent à recevoir des appels téléphoniques de leurs travailleurs leur disant « Mon autre employeur m'a dit que je devais choisir celui pour lequel je travaillerai. » Pour l'instant, l'attention se porte sur la question de travailler d'un établissement à un autre établissement. L'ordonnance ne dit pas que vous ne pouvez pas travailler avec un client privé, un employeur privé techniquement parlant. Elle ne nous concerne pas encore. C'est peut-être l'intention mais je ne crois pas que c'était l'intention. Ils s'inquiètent en ce moment des mouvements d'un établissement à un autre établissement. En ce qui concerne les travailleurs de la santé, je ne pense pas que nous devrions leur dire « ne va pas au travail ». Nous devons nous assurer qu'ils ont les masques, les gants, tout l'équipement dont ils ont besoin et une formation sur le lavage des mains, des choses comme ça.

Il est urgent que le gouvernement distribue ces fournitures aux travailleurs de la santé. Les personnes handicapées ont demandé au gouvernement de l'aide pour obtenir des masques, des gants, un désinfectant pour les mains car cela est nécessaire. Et ce n'est pas seulement nécessaire à cause de la COVID-19. Beaucoup de personnes handicapées en ont réellement besoin pour commencer leur routine de soins personnels. Et puis tout à coup, il n'y en a plus. Quelque chose doit être fait et cela doit être fait maintenant pour les personnes handicapées qui embauchent elles-mêmes, afin qu'elles puissent protéger leurs travailleurs et qu'elles puissent se protéger. Je suis vraiment inquiet à ce sujet. Je suis préoccupé par ce genre de direction mais je veux également m'assurer que le gouvernement est un peu plus souple envers les personnes handicapées sur la façon dont elles choisissent peut-être d'utiliser une partie des montants d'argent de la CSIL afin que cela les aide à donner à leur personnel ce dont il a besoin. Il existe des règles très strictes sur ce qui est autorisé ou non.

FO : Peux-tu en donner un exemple ?

PG : Je pense qu'en cas d'urgence, les personnes handicapées doivent pouvoir embaucher les personnes dont elles ont besoin pour obtenir du soutien. Dans le cadre du programme CSIL, vous êtes autorisés à embaucher des membres de votre famille, mais pour ce faire, vous devez suivre tout un processus pour permettre à votre mère de travailler pour vous, votre mari ou votre femme. Dans ces circonstances, il devrait y avoir un moyen de permettre que cela se passe tout simplement automatiquement pendant cette pandémie. Dans de nombreux cas, la raison pour laquelle la personne reçoit du soutien est que la famille n'est pas en mesure de le faire. Les familles doivent travailler et il y a trop souvent de la pression sur les familles pour qu'elles fournissent des soins. Nous voyons beaucoup de cas comme cela quand il s'agit de personnes qui deviennent handicapées à la suite d'un accident de voiture. Vous êtes marié et on s'attend à ce que le mari ou la femme s'occupe de l'individu, ce qui cause tant de problèmes sociaux. Les conjoints ne devraient pas être forcés. Que ce soit ou non un bon plan, cela devrait être laissé à eux de le déterminer. Dans ces circonstances, les règles devraient être assouplies.

Je pense que le gouvernement doit également comprendre que restreindre les préposés aux soins de santé à un seul employeur affecte non seulement leur moyen de subsistance mais aussi le bien-être et la sécurité de ces deux ou trois clients individuels pour lesquels ils travaillent. Nous devons trouver des moyens d'assurer la santé et la sécurité du personnel soignant tout en veillant à ce que les personnes vulnérables ne meurent pas pour d'autres raisons.

FO : Le système ne fonctionnait pas adéquatement pour répondre aux besoins de tous et chacun en temps « normal ». Est-il exact de dire que lorsque vous traversez une crise, vous ne partez pas d'une situation sécuritaire , vous partez d'une situation qui est déjà dangereuse ?

PG : Tout à fait, et je pense que nous devons examiner de plus près d'autres choses comme l'Aide médicale à mourir, le suicide médicalement assisté. C'est mentionné beaucoup trop tôt aux personnes handicapées. Je pense que de plus en plus de personnes commencent à utiliser cette option parce que le système ne fournit pas suffisamment d'heures de soutien à domicile pour que les gens puissent vivre, pas seulement pour se lever et se coucher le soir, mais aussi pour la qualité de vie dont ils ont besoin durant une journée. Avec les soins à domicile, quelqu'un qui utilise un respirateur peut vivre une très bonne vie maintenant. Dans le passé, une personne sous respirateur devait se trouver dans un établissement de soins prolongés et être soignée par des infirmières. Maintenant, quelqu'un sur un respirateur peut être dans la communauté pour vivre pleinement, être engagé, mobilisé, mais il a besoin de quelqu'un 24 heures par jour avec lui. C'est la réalité et les travailleurs devraient être payés à un taux raisonnable pour être présents durant ces 24 heures. Le gouvernement doit prendre des mesures pour veiller à ce que toute nouvelle mesure prenne en compte et garantisse les soins dont les personnes handicapées ont besoin.

FO : Outre l'interdiction pour les préposés aux soins de travailler pour plus d'un employeur et l'impact que cela peut avoir sur les personnes handicapées et comment y remédier, avez-vous d'autres suggestions ? Par exemple, des travailleurs qui ne sont pas en mesure de travailler actuellement, comme les travailleurs de garderies, parce que leurs lieux de travail sont fermés, peuvent-ils être mobilisés ?

PG : Oui. L'une des choses qui figure en bonne place sur ma liste est que ces gens-là seraient en mesure de bien travailler avec bon nombre de nos employeurs qui sont sur le programme CSIL et qui chercheront plus d'aidants naturels. De nombreuses personnes handicapées n'ont pas besoin de beaucoup de soins médicaux importants. Beaucoup d'entre elles sont des gens comme moi qui peuvent verbaliser comment faire mes soins personnels, me nourrir, etc. Je peux leur dire quoi faire. Il y a tellement de travailleurs dans le secteur de l'hôtellerie qui travaillent sur des bateaux de croisière, des choses comme ça, tant de travailleurs qualifiés incroyables qui pourraient si bien travailler avec nous. Franchement, les personnes handicapées aiment pouvoir avoir un travailleur avec qui elles peuvent simplement parler et avec qui elles peuvent converser pendant qu'ils s'occupent de prodiguer des soins, discuter de ce qui se passe dans le monde. Ils devraient suivre toutes les techniques de lavage des mains et toutes ces choses, peut-être porter un masque. Cela revient aux employeurs sur le programme CSIL de veiller à ce que toutes ces choses se passent avec quelqu'un qui n'a peut-être pas l'expérience d'être un aide-soignant.

S'il-vous-plaît publier mon courriel (paul@ifrcsociety.org) pour les personnes qui recherchent un autre travail, qui sont ouvertes à travailler avec des personnes handicapées et à aider à la fois à prodiguer des soins personnels tels que le bain et la douche, aider à la préparation des repas et un peu d'entretien ménager. Tant qu'elles seront ouvertes à apprendre comment prodiguer des soins personnels, quand quelqu'un est tout nouveau, nous sommes prêts à expliquer les choses en détail.

(Photos: IFRC)


Cet article est paru dans

Numéro 18 - 4 avril, 2020

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