Les travailleurs du transport

La sécurité et le bien-être des camionneurs doivent être assurés

Le mercredi 18 mars, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé la « fermeture temporaire » des frontières terrestres, aériennes et maritimes à compter du samedi 21 mars à minuit pour tous les voyageurs non essentiels. L'annonce est intervenue après une conversation téléphonique entre Trudeau et le président des États-Unis Donald Trump le même matin, quelques heures seulement avant que l'administration américaine n'annonce également la fermeture de ses frontières.

« On est en train de travailler de façon très attentive avec les États-Unis pour mettre en place les règles précises qui vont garder les Canadiens et les Américains en sécurité », a ajouté Trudeau. « Les restrictions aux déplacements ne s'appliqueront pas aux échanges commerciaux », a-t-il noté.

« Nos gouvernements reconnaissent qu'il est essentiel de préserver les chaînes d'approvisionnement entre les deux pays », a poursuivi Trudeau. « Ces chaînes d'approvisionnement garantissent que la nourriture, le carburant et les médicaments vitaux parviennent aux personnes des deux côtés de la frontière. [...] Les chaînes d'approvisionnement, y compris celles qui reposent sur le camionnage, ne seront pas touchées par cette nouvelle mesure. »

Le besoin de garantir la sécurité de tous

Que le premier ministre Trudeau dise du même souffle, à sa conférence de presse du 18 mars, que les gouvernements canadien et américain « vont garder les Canadiens et les Américains en sécurité » tout en affirmant que « le camionnage ne sera pas touché », est malhonnête de sa part.

Alors que tout le monde reconnaît la nécessité, au cours de la période actuelle, d'assurer la sécurité de tous, la santé et la sécurité des travailleurs qui assurent, 24 heures sur 24 et 7 jours par semaine par camion, « que la nourriture, le carburant et les médicaments vitaux parviennent aux personnes », ne sont pas prises en compte.

Le premier ministre Justin Trudeau n'avait rien à dire sur la santé et la sécurité des camionneurs et sur leur rôle en tant que travailleurs essentiels en cette période de pandémie. Les camionneurs sont très préoccupés par ces questions et demandent aux autorités publiques et aux employeurs de garantir leur droit à un travail sécuritaire pendant cette période difficile. Le transport étant principalement de compétence fédérale, il est de la responsabilité du gouvernement Trudeau de répondre aux besoins des travailleurs du transport. Sur cette question, François Laporte, président national de Teamsters Canada, qui représente un grand nombre des chauffeurs dans des entreprises de transport, a déclaré dans un communiqué :

« Jusqu'à présent, le gouvernement fédéral n'a pas consulté le syndicat sur la façon de protéger les travailleurs du transport. Aucune directive fédérale de sécurité n'a été mise en place pour protéger les camionneurs, qui doivent se rendre aux États-Unis et partout au Canada pour assurer l'approvisionnement des Canadiens.

« Chaque magasin au pays dépend des livraisons des chauffeurs de camion. Si nous ne parvenons pas à protéger les camionneurs contre le virus, la chaîne d'approvisionnement de notre pays s'effondrera et nous ne pourrons pas fournir de la nourriture et d'autres biens essentiels aux Canadiens, a averti Laporte. Notre syndicat est prêt à aider de toutes les manières possibles. » [1]

La décision prise par certains États aux États-Unis de fermer les relais routiers publics et la possibilité que les aires de repos exploitées par les intérêts privés puissent l'être également a suscité un fort mécontentement de la part des camionneurs partout en Amérique du Nord. Les organisations syndicales et des milliers de camionneurs, très présents via les plateformes numériques, ont vivement protesté contre ces décisions arbitraires. Les camionneurs soutiennent, avec raison, qu'en tant que service essentiel pour garantir la chaîne d'approvisionnement, ils doivent bénéficier de mesures strictes qui les protègent dans les conditions actuelles. Entre autres mesures, des équipements de protection spécialisés doivent leur être fournis et des mesures sanitaires doivent être prises pour que les employés qui effectuent le nettoyage régulier des aires de repos le fassent de façon sécuritaire. D'autres mesures doivent être prises pour que les camionneurs puissent se nourrir convenablement et que les travailleurs oeuvrant dans les restaurants de ces endroits y travaillent en toute sécurité. Certains camionneurs vont jusqu'à demander que les autorités publiques assument la responsabilité de ces choses et s'assurent que les propriétaires des relais routiers se conforment aux consignes de santé.

Les camionneurs exigent également le respect de leur temps de repos, absolument essentiel pour qu'ils poursuivent leur travail sans risquer leur vie et celle des autres. Cette demande fait suite à la décision du gouvernement américain de suspendre temporairement les lois fédérales sur les heures de service obligatoires pour les camionneurs et qui stipulent combien d'heures les chauffeurs de camion peuvent travailler, un changement qui est entré en vigueur le 13 mars. Maintenant, une exemption similaire est entrée en vigueur au Canada. Le 24 mars, Michael DeJong, directeur général, Programmes de transport multimodal et de sécurité routière Transports Canada , a signé l'exemption relative au transport essentiel de marchandises. Elle s'applique aux « entreprises de camionnage extra-provinciales et leurs conducteurs qui sont employés ou autrement jouent un rôle dans le transport de fournitures et d'équipement essentiels dans l'aide directe aux efforts liés aux secours d'urgence durant l'intervention en réponse à la COVID-19 » dans toutes les provinces et tous les territoires et reste en vigueur jusqu'au 30 avril. [2]

Plusieurs propositions ont émané des chauffeurs dont celle d'effectuer des rotations d'heures au sein des entreprises et que celles-ci prennent toutes les mesures nécessaires pour ne pas exténuer les chauffeurs inutilement. Dans le contexte de la pandémie actuelle, certains secteurs de l'industrie vont tourner au ralenti, ce qui donne l'occasion de faire appel aux camionneurs de ces secteurs pour venir appuyer leurs collègues qui sont dans les secteurs de la santé, l'agroalimentaire, la distribution ou le transport d'essence et d'autres matériaux nécessaires à la production.

Les camionneurs exigent aussi que des mesures soient prises dans les aires de réception et d'expédition dans les usines, entrepôts, centres de distribution, etc pour que les consignes de distanciation sociale puissent être respectées. Beaucoup de camionneurs craignent de contracter le virus lors du chargement ou du déchargement de leurs camions dans ces endroits ou encore de devenir eux-mêmes des vecteurs de propagation à travers l'Amérique du Nord. C'est d'autant plus important que les camionneurs se rendront dans des zones à risque encore plus élevé où le danger de propagation du virus est encore plus grand.

Il y a eu beaucoup de confusion et d'inquiétude quant à savoir si les camionneurs canadiens qui contractent la COVID-19 aux États-Unis vont être protégés par les compagnies d'assurances. Les comités de crise qui réunissent les représentants de l'industrie et des syndicats du transport au sein du gouvernement et des ministères du transport ont rassuré les camionneurs qu'ils allaient être couverts. L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes (ACCAP) a confirmé les propos des autorités publiques. « Les restrictions applicables aux déplacements non essentiels entrant en vigueur dans les prochains jours, les assureurs du Canada tiennent à préciser que les camionneurs commerciaux ne seront pas privés de leur assurance collective des soins médicaux à l'étranger en raison de ces restrictions annoncées récemment », a déclaré Stephen Frank, président et chef de la direction de l'ACCAP. Ces doutes concernant la couverture offerte par les assurances étaient survenus lorsque plusieurs assureurs ont envoyé des notes de service indiquant qu'en raison de l'avis de restrictions de voyage par le gouvernement, ils ne fourniraient pas d'assurance-voyage pour la COVID-19. Le branle-bas de combat que ces notes de service ont créé parmi les camionneurs et parmi les gestionnaires de flottes et les associations de camionnage et de camionneurs, a fait en sorte que dorénavant les camionneurs qui franchissent la frontière sont couverts pour la COVID-19 tant qu'ils n'ont pas de symptômes avant de franchir les douanes.

Les camionneurs sont conscients que leur travail de garantir la chaîne d'approvisionnement va de pair avec le besoin de prendre soin de tous ceux et celles qui sont à pied d'oeuvre dans l'ensemble de la chaîne de production. C'est toute la classe ouvrière industrielle et non industrielle qui produit l'ensemble des biens et services sur lesquels la société repose qui doit être protégée pour s'assurer que la population puisse être ravitaillée et que cette crise pandémique puisse être surmontée en faveur de tous. Les camionneurs vont poursuivre dans cette voie, en mettant de l'avant eux-mêmes ce dont ils ont besoin pour le faire.

Notes

1. Site Web des Teamsters
2. Le Règlement sur les heures de service des conducteurs de véhicule utilitaire stipule :

12 (1) Il est interdit au transporteur routier de demander, d'imposer ou de permettre au conducteur de conduire, et au conducteur de conduire, après avoir accumulé 13 heures de conduite au cours d'une journée.

(2) Il est interdit au transporteur routier de demander, d'imposer ou de permettre au conducteur de conduire, et au conducteur de conduire, après avoir accumulé 14 heures de service au cours d'une journée.

Heures de repos obligatoire

13 (1) Il est interdit au transporteur routier de demander, d'imposer ou de permettre au conducteur de conduire, et au conducteur de conduire, après avoir accumulé 13 heures de conduite à moins qu'il ne prenne au moins 8 heures de repos consécutives avant de recommencer à conduire.

Pour plus de détails sur l'Exemption du 24 mars relative au transport de marchandises essentielles, aux règlements indiqués ci-dessus, cliquer ici


Cet article est paru dans

Numéro 16 - 1er avril 2020

Lien de l'article:
Les travailleurs du transport: La sécurité et le bien-être des camionneurs Doivent être assurés - Normand Chouinard


    

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