Alberta

Il est temps d'arrêter et d'inverser tout projet de privatisation

Partout au pays, les laboratoires qui ont les installations pour faire des tests de dépistage de la COVID-19 sont surchargés. Le taux de résultats et la fréquence des tests sont de loin inférieurs à ce qui est requis et recommandé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), dont l'efficacité a été prouvée dans des pays comme la Chine, la Corée du Sud et Singapore. La situation est la même d'un bout à l'autre du Canada et met en lumière la nécessité d'élargir de façon rigoureuse nos laboratoires de santé publique.

Plutôt que d'élargir et de développer davantage le potentiel des laboratoires publics, le gouvernement du Parti conservateur uni (PCU) en Alberta est déterminé à les céder à des intérêts privés, fort probablement à un monopole mondial de laboratoires. Pourtant on pourrait croire qu'il n'en est rien puisque le médecin en chef de la Santé de l'Alberta, la docteure Deena Hinshaw, n'a que des éloges pour le personnel du système public de laboratoires médicaux en Alberta, Precision Labs, et pour les laboratoires publics de l'Alberta pour avoir réalisé plus de tests de dépistage de la COVID-19 que toute autre province.

« Cela a été rendu possible grâce à l'infrastructure existante, à la facilité d'accès aux trousses de dépistage, à la collaboration avec les universités et à un processus de dépistage 24 sur 7 », a dit la docteure Hinshaw. Elle a aussi affirmé : « Un des atouts que nous avons en Alberta est notre laboratoire provincial pour la santé publique, qui fait partie de l'Alberta Precision Laboratories. » Tous les tests de dépistage de la COVID-19 ont été envoyés aux laboratoires provinciaux publics pour analyse.

Dès son arrivée au pouvoir en 2019, le PCU a arrêté la construction du nouveau « super laboratoire » médical public à Edmonton, malgré la nécessité évidente d'un tel service.

Avec le « super laboratoire » d'Edmonton, le contrôle public se serait étendu à tout l'Alberta. Puis, en novembre 2019, l'Association des Sciences de la santé de l'Alberta (ASSA) a été avisée par Precision Labs de l'Alberta, qui appartient aux Services de santé de l'Alberta, qu'il « avait fait des démarches auprès de tiers privés pour qu'ils prennent en charge une partie des services de laboratoire en Alberta. »

Ceci aurait des répercussions sur l'équivalent de 850 postes à temps plein, selon l'ASSA. Des milliers de membres du personnel de soutien des services environnementaux (nettoyage), des services alimentaires et de buanderie, sont à risque de perdre leur emploi en raison de la sous-traitance. Les Services de santé de l'Alberta ont aussi informé les Infirmières unies de l'Alberta de leur intention de mettre à pied des centaines d'infirmières et avisé l'ASSA qu'ils envisagent de privatiser les services d'ambulance à l'échelle de l'Alberta.

Mike Parker, le président de l'ASSA, a dit à  Forum ouvrier : « Lorsque vous perdez le contrôle de votre service de santé public et que vous devez ‘négocier' l'augmentation ou le rajout de services, il y a des répercussions sur les soins. Je pense entre autres à la situation actuelle aux États-Unis où les hôpitaux négocient présentement une compensation accrue afin de pouvoir poursuivre les traitements. »

C'est exactement ce qui se passe en Alberta. Tous les laboratoires, y compris les laboratoires d'hôpitaux à l'exception de celui de l'hôpital de l'université de l'Alberta, ont été privatisés en 1997. Cette privatisation a ensuite été discrètement annulée en vertu de la Loi canadienne sur la santé
et le système de laboratoire qui sert Calgary et le sud de l'Alberta a été à nouveau placé sous le contrôle des Services de santé de l'Alberta. Il n'y a jamais eu d'évaluation publique de l'ampleur des ravages de la privatisation. Nous savons par contre qu'il y avait une vive opposition de la part des travailleurs de laboratoire à la dégradation des services de laboratoire ainsi que de vives inquiétudes face à l'organisation du travail du gestionnaire privé qui ne tenait aucunement compte de l'expertise et qui privilégiait les travaux les plus lucratifs plutôt que de répondre aux besoins des patients et à l'urgence de leur situation. Il est scandaleux que le gouvernement veuille maintenant réintroduire les mêmes projets défaillants et antisociaux proposés suite aux recommandations du monopole Ernst & Young - qui profite directement des projets de privatisation - et du groupe de soi-disant experts néolibéraux qui ont produit le rapport MacKinnon sur l'état des finances de l'Alberta.

Le refus d'arrêter de payer les riches et d'augmenter les investissements dans les programmes sociaux a engendré la situation actuelle où un système de santé qui fonctionne déjà au-delà de ses moyens et où les surcharges de travail sont intenables est maintenant aux prises avec la crise de la COVID-19. Les travailleurs de la santé montrent de quel bois ils se chauffent tandis que l'oligarchie financière et ses représentants, eux, sont obsédés par des projets intéressés leur permettant de tirer avantage de la crise. Le gouvernement Kenney a la ferme intention de continuer sur cette voie destructrice, tout en organisant des projets pour payer les riches et détourner les fonds publics vers les coffres des oligarques du secteur énergétique.

Il est temps d'arrêter tous les projets de privatisation, y compris des services d'ambulance, d'entretien ménager, alimentaires et tous les autres services hospitaliers. Les services publics doivent être élargis et les entreprises publiques développées. Tous les préavis de licenciement et les réductions de personnel prévues doivent être immédiatement annulés, et les travailleurs temporaires qui ont été mis à pied, comme les nombreux employés des services à l'enfance et à la famille, doivent être immédiatement réembauchés.

Plutôt que de donner des milliards aux banques, aux oligarques de l'énergie et d'autres, les investissements devraient aller aux entreprises publiques, notamment à la construction du nouveau laboratoire médical dont l'Alberta a besoin. L'Alberta a une expertise inestimable en recherche médicale comme en témoigne, entre autres, l'Université de l'Alberta. Le développement immédiat d'une industrie pharmaceutique canadienne publique est aussi une priorité, pour que la valeur ajoutée créée par les chercheurs et les travailleurs et professionnels de laboratoire et présentement saisie par les intérêts privés et en grande partie retirée de l'économie soit plutôt réinvestie dans l'expansion des soins de santé, des soins de longue durée et les autres services publics. Les gens peuvent s'investir du pouvoir en exigeant que ces investissements se fassent. Les travailleurs et les professionnels de la santé qui savent réellement ce qui est nécessaire sont les mieux placés pour dire ce dont le système a besoin. Des mesures prosociales sont nécessaires pour résoudre la crise en faveur du peuple et non des riches.


Cet article est paru dans

Numéro 15 - 27 mars 2020

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Alberta: Il est temps d'arrêter et d'inverser tout projet de privatisation - Peggy Morton


    

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