Le gouvernement cherche à éliminer le rôle des enseignants dans la prise de décision
La loi 40 exprime la détermination des
différents gouvernements à nier tout rôle aux
enseignants du Québec dans l'établissement de
nouveaux arrangements de gouvernance dans
l'éducation, bien que les enseignants soient ceux
qui possèdent l'expertise dans l'éducation des
étudiants du Québec et la connaissance de première
main des problèmes qui doivent être résolus.
La loi 40 s'ingère directement dans les
conditions de travail des enseignants sans leur
consentement et sans qu'elles soient négociées.
Elle oblige notamment la formation continue chez
les enseignants et requiert que le directeur
d'école s'assure « que chaque enseignant remplisse
son obligation de formation continue ». La
loi impose unilatéralement une nouvelle condition
pour l'exercice de leur travail, alors qu'ils sont
en pleine période de négociation pour une nouvelle
condition collective.
La
Fédération autonome de l'enseignement (FAE), qui
est très active dans l'opposition à la
Loi 40, a déclaré que toutes les conditions
de travail doivent être négociées. À ce sujet,
elle songe à déposer un recours juridique afin
qu'il soit reconnu inconstitutionnel d'imposer des
conditions de travail. Celles-ci doivent être tout
d'abord négociées en vertu de la Loi sur les
négociations collectives dans les secteurs de
l'éducation, des affaires sociales et des
organismes gouvernementaux.
La loi 40 poursuit la négation du droit des
enseignants de prendre les décisions relatives à
l'exercice de leur travail. Le gouvernement se
donne le droit de prendre les décisions en
fonction de son propre ordre du jour et de les
imposer aux enseignants sans leur consentement et
même s'ils s'opposent à ces décisions.
Les enseignants s'opposent aussi aux attaques
contre la dignité et l'intégrité de leur travail
que fait la loi 40. Par exemple, un des
nouveaux pouvoirs du ministre de l'Éducation est «
d'obtenir plus aisément les résultats des élèves
aux épreuves qu'il impose au primaire et au
secondaire et de communiquer avec les employés des
centres de services scolaires et les parents du
réseau scolaire. »
La loi intensifie la pression qui est déjà
exercée sur les enseignants. Elle permet à un
directeur de modifier les résultats des élèves en
« consultation » avec les enseignants, au nom
de la réussite scolaire. Ceci pervertit
l'évaluation des apprentissages et du progrès que
font les étudiants, et porte atteinte au jugement
professionnel des enseignants et à la qualité des
services en éducation qui ne peuvent être réduits
à des résultats d'examens. La loi crée aussi un
comité d'engagement pour la réussite des élèves,
dont le mandat est de se pencher sur les résultats
des élèves et « de promouvoir, auprès des
établissements, les pratiques éducatives, incluant
celles en évaluation, issues de la
recherche ».
Selon cette loi, la performance d'un enseignant
individuel, et, par extension, la réussite
scolaire des étudiants, doivent être mesurées par
l'adoption, par l'enseignant, de comportements et
de pratiques qui sont prescrits par le
gouvernement. Cela marginalise les conditions de
travail collectives des enseignants, la question
de la taille des classes par exemple, de même que
la formation, l'expérience et la conception des
éducateurs dans l'enseignement et l'évaluation des
progrès des étudiants et dans l'identification de
ce qui est nécessaire pour améliorer l'éducation
de façon générale.
Cela fait plus de 15 ans que les enseignants
demandent que la taille de leurs classes soit
réduite afin qu'ils puissent accompagner et guider
les jeunes dans leur processus d'apprentissage. Le
gouvernement a constamment rejeté cette demande et
prétend plutôt que le succès des étudiants dépend
de l'adoption par le professeur du bon
comportement et de la bonne approche.
Cette loi nie l'expérience et le savoir accumulés
des enseignants, traduits dans leurs
revendications comme celle sur la taille des
groupes, et elle nie l'importance d'avoir des
personnes formées dans les classes pour aider les
étudiants ayant des besoins spéciaux, ou d'avoir
des bibliothécaires compétents et d'autres
personnes capables de guider les étudiants dans
leur apprentissage et dans leurs recherches.
La loi impose des conditions sensées être des
résultats de recherches, auxquelles les
enseignants n'ont pas participé et pour lesquelles
ils n'ont même pas été consultés, individuellement
ou collectivement. Les résultats de cette
soi-disant recherche n'ont rien à voir avec
l'expérience directe des enseignants. En fait, ils
contredisent leur expérience et leur matériel de
pensée au sujet de l'éducation et des besoins de
leurs étudiants.
Les enseignants, qui sont directement
responsables de l'éducation de la jeunesse,
demandent le respect en ce qui concerne l'approche
pédagogique que la société et le gouvernement
adoptent envers la jeunesse et la direction de la
société en général.
Cet article est paru dans
Numéro 10 - 5 mars 2020
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