Le gouvernement du Québec impose une restructuration antisociale en éducation

Concentration accrue des pouvoirs entre les mains du ministre


Manifestation à l'Assemblée nationale le 4 novembre 2019. Le projet de loi 40 a été déposé
le 1er octobre 2019 et adopté par bâillon le 7 février 2020. (FAE)

Le vendredi 7 février, le gouvernement de François Legault a forcé par bâillon l'adoption de la loi 40, Loi modifiant principalement la Loi sur l'instruction publique relativement à l'organisation et à la gouvernance scolaires. Il s'agit de la 4e loi du gouvernement de la CAQ adoptée sous cette procédure après la Loi sur la laïcité de l'État, la Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes (toutes deux imposées le 15 juin 2019), et la Loi visant à simplifier le processus d'établissement des tarifs de distribution d'électricité (8 décembre 2019).

La Loi 40 modifie 76 lois, 6 codes et 2 chartes. Au moment de son dépôt, le premier octobre 2019, le projet de loi comportait 90 pages et plus de 300 articles. Cent soixante pages d'amendements ont été ajoutées par le ministre de l'Éducation quatre jours avant son adoption forcée, dont un révoquant sur-le-champ les 600 élus des commissions scolaires francophones, au lieu de la date prévue du 29 février.

La loi 40 remplace les commissions scolaires par des centres de service. Ceux-ci seront désormais responsables d'affecter le personnel dans les établissements, de répartir les subventions entre ses établissements, et d'approuver leur budget, l'organisation du transport scolaire, des services de garde, des services aux élèves en difficulté, etc.

Les conseils des commissaires, qui étaient l'instance dirigeante des commissions scolaires, élus au suffrage universel, étaient ceux qui adoptaient ces décisions. Leur mandat comprenait d'en informer la communauté.

Ils sont maintenant remplacés par un conseil d'administration des centres de services dont les membres ne seront pas rémunérés et devront suivre une formation obligatoire. Le conseil d'administration de chaque centre de services francophone sera composé de 8 parents, de 4 membres de la communauté, qui doivent répondre à des critères prévus dans la loi, et 4 membres du personnel des écoles. Les centres de services anglophones seront quant à eux composés d'entre 8 à 17 parents, de 4 représentants de la communauté et 4 membres du personnel des écoles. Les membres des deux premières catégories seront, dans les centres anglophones, déterminés par élection au suffrage universel. La Loi 40 ne mentionne pas comment les autres membres des conseils d'administration, francophones ou anglophones, seront choisis.

La Loi 40 prévoit que c'est le gouvernement qui « peut, par règlement, déterminer les modalités, conditions et normes de désignation des membres du conseil d'administration d'un centre de services scolaire francophone et des membres du conseil d'administration d'un centre de services scolaire anglophone. »

Tout comme c'était le cas sous le régime des commissions scolaires, l'enseignant, les parents ou les « membres de la communauté » qui siègent au conseil d'administration des centres de services n'auront pas de contrôle sur les ressources financières devant être allouées à chacune des écoles composant le centre de service. La proposition de répartition des ressources entre les écoles est élaborée par le directeur général et des cadres, qui eux-mêmes n'ont que peu ou rien à dire quant aux sommes d'argent que le ministère met à leur disposition.

Au bout du compte, le principal changement, après la disparition de postes d'élus au suffrage universel, est l'augmentation du pouvoir entre les mains du ministre. Celui-ci peut « prévoir les critères et les modalités applicables au découpage du territoire d'un centre de services scolaire francophone en districts, » et imposer « qu'un centre de services scolaire cesse d'exister ou instituer un nouveau centre de services scolaire [...] et déterminer des objectifs ou des cibles portant sur l'administration. » De plus, un ajout de dernière minute juste avant le bâillon, oblige les villes du Québec à céder gratuitement des terrains pour construire de nouvelles écoles. Ceci permet à des gestionnaires non élus d'intervenir dans la fiscalité des municipalités et crée des possibilités de corruption au service d'intérêts économiques privés.

La Loi 40 est une des nombreuses lois antisociales des gouvernements qui éliminent les niveaux intermédiaires de prise de décision du passé pour concentrer la prise de décision dans les mains de l'exécutif gouvernemental. Plusieurs estiment que la loi permettra la privatisation et la corruption à grande échelle, le ministre ayant le pouvoir de décider quels sont les services, comment ils doivent être offerts et quels fonds publics seront alloués. Par exemple, la question du partage des ressources entre les centres de services pourra être confiée à des firmes privées.

Les enseignants du Québec et leurs alliés demandent un système d'éducation dans lequel eux-mêmes et tous ceux qui sont concernés par l'éducation et la direction de la société jouent un rôle décisif pour l'affirmation du droit à l'éducation pour tous, au plus haut niveau possible. En ce moment, une minorité qui s'est emparée du contrôle de l'économie et de l'État dicte toutes les décisions en ce qui concerne la direction de l'éducation et des autres questions politiques, économiques et sociales. Les membres de la société organisés dans leurs collectifs, et en tant qu'individus, doivent trouver les moyens de priver cette petite minorité d'oligarques de leur pouvoir d'imposer leur volonté à la majorité, à l'économie et à la société.


Cet article est paru dans

Numéro 10 - 5 mars 2020

Lien de l'article:
Le gouvernement du Québec impose une restructuration antisociale en éducation: Concentration accrue des pouvoirs entre les mains du ministre - Geneviève Royer


    

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