Les travailleurs industriels du
Québec prennent la parole
Les grutiers et leurs alliés continent la lutte contre l'affaiblissement de la formation pour le métier de grutier
Les grutiers manifestent devant les bureaux de
la CNESST à Montréal, le 5 mai 2018, pour
réclamer l'abrogation des changements à la
réglementation sur leur formation.
Près de deux ans après que le gouvernement du
Québec et la Commission de la construction du
Québec (CCQ) aient grandement affaibli la
réglementation qui gouverne la formation des
grutiers, qui font l'un des métiers les plus
dangereux de toute l'industrie de la construction,
les grutiers du Québec continuent de rejeter cette
réglementation et de défendre leur formation
établie au fil des années.[1]
C'est en avril 2018 que le gouvernement du
Parti libéral a aboli le caractère obligatoire du
Diplôme d'études professionnelles (DEP), sans le
consentement ou la contribution des grutiers, des
syndicats de la construction ou des enseignants
qui donnent la formation professionnelle. Le DEP
menant au métier de grutier comprend 870
heures de formation pratique dans une institution
d'enseignement professionnel. Le décret du
gouvernement a rendu ce diplôme facultatif. Il a
instauré un programme de formation en entreprise
de seulement 150 heures, qui est fourni et
géré par les entreprises de la construction. Le
gouvernement et la CCQ ont aussi remplacé
l'enseignement et le diplôme professionnel par un
cours de 80 heures pour les camions-flèches
d'une capacité maximale de 30 tonnes. C'est
justement ce type de grues qui verse le plus et
qui cause le plus de dommages. Établi en 1997, le
DEP a joué un rôle direct dans la diminution de
66% du nombre des décès au Québec liés à
l'utilisation de grues.
|
Les grutiers et leurs alliés s'opposent aussi au
fait que l'actuel gouvernement de la Coalition
Avenir Québec a mandaté la CCQ de mettre en oeuvre
les recommandations du comité d'experts qu'il a
mis sur pied en septembre 2018 dans le feu de
la lutte des grutiers. Bien que le comité
d'experts a considéré dans son rapport émis en
mars 2019 que l'opération d'une grue est
l'une des opérations les plus dangereuses qui
existent dans l'industrie et que la formation
obligatoire demeure la formation de référence, il
a recommandé qu'elle devienne facultative, a
proposé comme alternative une période de trois
semaines de formation initiale en maison
d'éducation suivie de la formation en entreprise
fournie par les employeurs. Ces recommandations
sont inacceptables et sont en complète opposition
à ce que les travailleurs ont dit lors des
audiences tenues en 2018 par le comité
d'experts.
Deux ans plus tard, les grutiers demandent
toujours que la nouvelle réglementation,
maintenant modifiée dans les recommandations du
Comité d'experts, soit retirée et que la formation
professionnelle obligatoire des grutiers soit
maintenue.
Ils continuent de faire des représentations
auprès du gouvernement, notamment auprès du
ministre du Travail, pour qu'il maintienne le
caractère obligatoire de la formation
professionnelle. Ils ont obtenu l'appui de
plusieurs syndicats, notamment de bon nombre de
sections locales de la FTQ-Construction et du
syndicat des enseignants qui donnent les cours
menant au DEP. Les grutiers rapportent qu'ils vont
aussi rencontrer les associations patronales de la
construction pour leur demander leur appui au
maintien du caractère obligatoire de la formation
professionnelle. Ils rapportent que des
associations patronales leur ont donné cet appui,
ne voulant pas que la sécurité soit réduite sur
les chantiers et que les décès reviennent au
niveau où ils étaient.
Surtout, les grutiers mènent une enquête de tous
les instants sur ce qui se passe sur les chantiers
et là où des grues sont opérées. Ils rapportent
que depuis le mois de juin 2019, au moins
cinq accidents se sont produits au Québec
impliquant l'utilisation de grues, dans lesquels
l'opérateur n'avait pas suivi de formation
professionnelle et où l'accident était dû à des
erreurs commises par l'opérateur par manque de
formation. Les grutiers interviennent pour que
l'enquête qui se fait sur les accidents soit faite
de façon professionnelle par les inspecteurs de la
Commission des normes, de l'équité, de la santé et
de la sécurité du travail (CNESST) de façon à
identifier les causes réelles de l'accident. La
CNESST a admis récemment qu'il y a une
recrudescence d'accidents impliquant la conduite
de grues et les grutiers demandent instamment à la
CNESST de prendre des mesures pour défendre et
rétablir la formation des grutiers. Et on parle
ici d'accidents déclarés, et non des accidents qui
ne sont pas déclarés quand ils ne causent pas de
blessures ou de pertes de temps de travail ou
qu'ils sont simplement masqués par des pressions
pour faire taire les travailleurs.
Un camion-flèche renversé, en novembre 2018
Pendant ce temps, la CCQ et le gouvernement
poursuivent leur travail au service des grandes
entreprises de la construction, contre la
formation et la sécurité des travailleurs de la
construction et contre des syndicats combatifs
comme l'Union des opérateurs grutiers, au nom de
la lutte à la soi-disant pénurie de main-d'oeuvre
et de l'ouverture d'un plus grand accès aux
métiers de la construction. Les travailleurs de la
construction ont démontré a maintes reprises qu'on
ne peut pas parler de pénurie de main-d'oeuvre
alors que, bon an mal an, environ 18 %
des travailleurs et des salariés de la
construction quittent le métier à chaque année. Ce
n'est pas une pénurie de main-d'oeuvre à laquelle
fait face l'industrie de la construction, mais une
pénurie de la capacité de rétention de la
main-d'oeuvre, notamment à cause du caractère de
plus en plus non sécuritaire des conditions de
travail. En ce qui concerne l'ouverture des
métiers à un plus grand nombre de travailleurs de
la construction, les grutiers et les travailleurs
de la construction font valoir que cela requiert
que la formation des travailleurs soit maintenue
et renforcée et non affaiblie et laissée dans les
mains des entreprises.
Le gouvernement et la CCQ organisent les
chantiers de construction pour qu'ils soient
complètement dominés par des intérêts privés
étroits préoccupés uniquement par leurs propres
profits, tandis que les travailleurs sont laissés
à eux-mêmes, sans des collectifs forts pour parler
en leur nom, se défendre et exercer un contrôle
sur leurs conditions de formation et de travail.
Le gouvernement et la CCQ doivent rendre des
comptes de leurs actions qui mettent en danger la
sécurité des travailleurs et du public et la
CNEEST doit remplir son mandat qui est de protéger
la santé et la sécurité des travailleurs comme une
question de principe sans laquelle la production
ne peut pas prendre place.
Forum ouvrier salue la lutte résolue des
grutiers et des travailleurs de la construction à
la défense de leur santé-sécurité et de la santé
et sécurité du public et lance l'appel à tous les
travailleurs de les appuyer.
Note
1. Pour plus
d'information sur la lutte des grutiers, lire:
«
Tous avec les grutiers et les travailleurs de la
construction luttant pour leurs droits et les
droits de tous! » - Pierre Chénier, Forum
ouvrier, 19 juin 2018.
Cet article est paru dans
Numéro 9 - 3 mars 2020
Lien de l'article:
Les travailleurs industriels du
Québec prennent la parole: Les grutiers et leurs alliés continent la lutte contre l'affaiblissement de la formation pour le métier de grutier
Site Web: www.pccml.ca
Email: redaction@cpcml.ca
|