Ce que révèle la situation des préposés aux services de soutien à la personne

Depuis 2003, la section locale 1005 du Syndicat des Métallos tient une réunion hebdomadaire à chaque jeudi pour discuter des questions importantes auxquelles les travailleurs font face. Lors de la réunion du jeudi 13 février, nous avons eu une vive discussion sur la situation des préposés aux services de soutien à la personne (PSSP) en Ontario et ce que nous révèle leur situation.

Le président de la section locale 1005, Gary Howe, m'a demandé de présenter un rapport sur la situation, laquelle est très bien décrite dans l'étude qui a été confiée à la Coalition ontarienne de la santé par Unifor.[1] La coalition a visité plusieurs villes, dont Hamilton, et organisé des conférences de presse partout dans la province pour rendre public les résultats.

À notre réunion de jeudi, nous avons discuté de certaines des questions soulevées dans l'étude et pendant la conférence de presse du 10 février à Hamilton. Deux semaines plus tôt, à notre réunion, nous avons aussi discuté de la situation et plusieurs travailleurs ont parlé de leur propre expérience lorsqu'ils ont tenté de placer un être cher en soins de longue durée, la lutte qu'il a fallu mener et les nombreux problèmes auxquels ils ont dû faire face une fois que la personne a été acceptée.

En ce moment, près de 80 000 personnes sont dans des soins de longue durée en Ontario et 30 000 personnes sont sur des listes d'attente, où elles peuvent attendre cinq ans et même plus. Les soins de longue durée sont les soins prodigués dans un foyer pour les personnes qui ne sont plus autonomes en raison de leur condition médicale qui nécessite des soins. Lors des élections de 2018 en Ontario, les partis se sont engagés à créer plus de centres d'hébergement de soins de longue durée. Doug Ford, pour sa part, s'est engagé à construire des résidences pour 15 000 personnes dans les cinq prochaines années. Que ces résidences soient créées ou non, le fait qu'il n'y a pas suffisamment de PSSP pour prendre soin des 80 000 personnes qui ont déjà recours aux soins de longue durée est un véritable problème. Selon l'étude, même lorsque le nombre de préposés dans les résidences pour personnes âgées est conforme aux normes en vigueur, les centres manquent de personnel parce que personne n'est disponible pour faire le remplacement lorsque quelqu'un est malade, en vacances ou en congé.

Les préposés doivent courir d'une chambre à l'autre pour tenter de donner leur bain aux patients, s'occuper d'eux, et les problèmes ne font que s'accumuler. La situation est terrible non seulement pour les patients mais pour les préposés également, car ils sont obligés de travailler deux quarts de travail de suite. Ils n'ont pas de journée de congé et ne connaissent pas leur horaire à l'avance. Plusieurs d'entre eux sont des travailleurs à temps partiel qui occupent deux emplois en soins de longue durée et doivent équilibrer leurs horaires, ce qui bouleverse leur vie au quotidien. Ces préposés aux services de soutien à la personne dans les résidences de soins de longue durée parlent de leurs conditions de travail comme d'un véritable cauchemar.

En tant que métallos, nous avons évoqué la longue lutte que nous avons menée pour simplement obtenir des horaires réguliers. Si vous n'avez pas la protection d'horaires réguliers, la compagnie fait ce qu'elle veut avec vous. Sans cette protection, il est impossible de connaître à l'avance quel quart de travail vous devez travailler ni quelles sont vos journées de congé, ce qui vire toute votre vie à l'envers. Nous nous sommes battus pendant plusieurs années pour avoir des horaires réguliers, pour connaître notre horaire de travail à l'avance. Et si la compagnie ne respecte pas l'horaire, des pénalités s'appliquent comme l'obligation de payer le travailleur temps et demi et il existe d'autres mesures pour faire respecter la règle.

L'autre secteur très problématique est celui des soins à domicile. C'est le phénomène des hôpitaux qui se disent surpeuplés et qui blâment ceux qu'ils accusent de bloquer les lits, qui n'ont pas besoin de soins hospitaliers et devraient être aux soins de longue durée mais sont coincés à l'hôpital parce qu'il n'y a pas de lits de soins de longue durée de disponibles. La « solution » préconisée est qu'en attendant les centres d'hébergement de soins de longue durée promis par le gouvernement, les gens devraient avoir recours aux soins à domicile, que cela soit adapté à leur situation ou non. Les autorités accusent les gens de surpeupler les hôpitaux et cela leur sert de justification pour imposer aux gens vulnérables et aux travailleurs qui s'en occupent des conditions inacceptables.

On prétend que les soins à domicile sont les moins onéreux puisque la personne ayant besoin de soins demeure chez elle et que les préposés s'occupent de vous chez vous. C'est ce qu'on prétend, mais le fait est que c'est sur le dos des préposés et des personnes ayant besoin de soins qu'on rend ces services moins onéreux. Les salaires des préposés aux soins à domicile sont bas et plusieurs reçoivent à peine le salaire minimum. Leurs déplacements ne sont pas indemnisés et ils voyagent à même leur propre véhicule. Ils sont sur appel et vont d'un domicile à l'autre sans soutien.

Les auteurs de l'étude proposent un certain nombre de solutions pour tenter de régler la crise dans les soins à longue durée. L'une d'elles est de garantir une période de soins de quatre heures par jour pour chaque patient. Ce sont quatre heures, au cours de la même journée, qui permettent de donner le bain et de s'occuper des autres problèmes médicaux, pendant lesquelles les préposés et les infirmières peuvent prodiguer les soins qui sont requis. C'est un des objectifs qui sont préconisés pour changer et améliorer la situation. En ce moment, nous sommes loin des quatre heures.

À notre réunion, nous avons aussi discuté d'un article publié dans un quotidien local qui explique que les hôpitaux ne reçoivent pas les subventions requises pour se procurer de l'équipement médical. Ils sont donc obligés de faire des levées de fonds, des loteries et quémander des dons et des contributions de philanthropes. L'équipement d'hôpital n'est pas inclus dans les subventions gouvernementales. J'ai dit que lorsque l'armée a besoin d'avions ou de chars d'assaut, doit-elle organiser une vente de biscuits ou une loterie et recueillir de l'argent des gens qui veulent appuyer l'armée ? Comment un hôpital ou une entreprise moderne peut-elle fonctionner de la sorte ?

Il y a un ou deux ans, une pétition a circulé en Ontario demandant qui appuie les compressions dans le financement des hôpitaux. Évidemment, 99,99 % des gens ont répondu Non !, ils ne veulent pas de compressions touchant aux hôpitaux et pourtant c'est bien ce qui se produit. Lorsque ces partis se retrouvent au parlement ou à Queen's Park, du jour au lendemain ils trouvent toutes sortes d'excuses pour couper dans les soins de santé et d'autres programmes sociaux, comme Ford le fait présentement en éducation. Les libéraux de l'Ontario, avant que le gouvernement Ford n'arrive au pouvoir, ont gelé le financement des hôpitaux pendant dix ans, ce qui constitue une énorme compression compte tenu d'une combinaison de facteurs tels le vieillissement de la population, les besoins accrus, une population grandissante et l'inflation.

Les coupures dans le financement des soins de santé sont exigées par une importante section de l'oligarchie financière et c'est ce qui a force de loi au parlement et dans les assemblées législatives. À vrai dire, les gens au pouvoir à l'assemblée législative se disent qu'eux, ils n'ont pas à s'inquiéter. Ils ont de l'argent, ils ont des contacts, ils n'auront pas à aller vivre dans ces centres de soins de longue durée qui manquent de ressources et de main-d'oeuvre. Ils prennent des décisions qui imposent aux autres des conditions qu'eux-mêmes n'auront pas à vivre.

En discutant de la situation des préposés en services de soutien à la personne et ce qu'elle nous révèle, nous avons soulevé à notre réunion que les gens se demandent pourquoi quelque chose d'aussi important et fondamental que les soins de santé, lesquels sont une priorité pour le peuple, n'est pas traité de façon sérieuse par les gens au pouvoir, au parlement et à l'assemblée législative. Ceux-ci font exactement le contraire de ce que le peuple veut, ce qui montre que le peuple n'est pas investi du pouvoir et que cette absence de pouvoir est le problème fondamental auquel la société est confrontée. Le système politique actuel empêche le peuple de résoudre les problèmes auxquels eux et la société sont confrontés. Quelles formes politiques modernes sont nécessaires pour renverser la situation et investir le peuple du pouvoir politique ? C'est un problème qui doit être pris en main comme une priorité car il est au coeur de tous les autres problèmes.

Notes

1. "Caring in Crisis : Ontario's Long-Term Care PSW Shortage" — Rapport et recommandations des premières lignes partout en Ontario — Étude confiée à la Coalition ontarienne de la santé par Unifor — Janvier 2020

(Photos : FO)


Cet article est paru dans

Numéro 8 - 27 février 2020

Lien de l'article:
Ce que révèle la situation des préposés aux services de soutien à la personne - Rolf Gerstenberger, co-président de la Coalition de la santé de Hamilton et ancien président de la section locale 1005 du Syndicat des Métallos


    

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