Entrevue, Benoît Taillefer, président du Syndicat des travailleurs et des travailleuses du CSSS de Bordeaux-Cartierville-Saint-Laurent (FSSS-CSN)

Forum ouvrier : Quelle catégorie de travailleurs et de travailleuses du secteur public représentes-tu et quelles sont leurs principales préoccupations et revendications ?

Benoît Taillefer : Au Centre de santé et de services sociaux (CSSS) de Bordeaux-Cartierville-Saint-Laurent, je représente les travailleurs et les travailleuses de catégorie 2 et 3. La catégorie 2 ce sont tous les services auxiliaires, préposés aux bénéficiaires, cuisine, buanderie, salubrité, ouvriers spécialisés et ouvriers de maintenance. C'est parmi eux qu'on retrouve une grande partie des bas salariés de la santé et des services sociaux, des gens au bas de l'échelle. La catégorie 3 regroupe le personnel de bureau, les techniciens et les agents et agentes administratifs.

La première chose que je dirais au niveau de nos demandes est la question des salaires. Nos revendications sont légitimes. Depuis 2005, sous l'ère des libéraux nous avons été bafoués énormément au niveau salarial. Nous demandons un réajustement salarial par rapport au secteur privé et à nos besoins, un réajustement qui est normal. Nous sommes en train de nous appauvrir depuis au moins 2005. En priorité au niveau de la table centrale, la première année nous demandons une augmentation de trois dollars de l'heure pour tout le monde. Après cela, nous demandons 1 dollar et 1 dollar par année pour une convention de 3 ans, ou alors 3 % et 3 % par année selon ce qui est le plus avantageux. Pour les bas salariés, 1 dollar de plus de l'heure pour la deuxième et la troisième année peut être plus avantageux que 3 % alors que pour les gens qui ont des salaires plus élevés, le 3 % est plus avantageux. À la Fédération, nous sommes unanimes autour de cette revendication. Les gens qui ont des salaires plus élevés comme les professeurs et les professionnels sont d'accord pour nous appuyer. Ils sont d'accord que nous mettions la priorité sur les bas salariés avec le 3 dollars pour la première année pour tout le monde. C'est un bel exemple de solidarité dont nous sommes fiers.

Dans le sectoriel, une des questions les plus importantes est celle de la privatisation, de la centralisation et de la sous-traitance. Nous sommes très visés par cela, surtout les gens qui sont les ouvriers spécialisés. On fait appel au privé pour faire des choses comme le déneigement ce qui n'a pas de sens, où pour des travaux en électricité que nos électriciens sont tout à fait capables de faire. C'est peut-être avantageux pour l'employeur d'engager des ouvriers par le biais de firmes privées, parce qu'ils ne sont pas syndiqués, n'ont pas les mêmes conditions, pas de lien d'emploi, pas d'assurances ou de fonds de pension. On fait de plus en plus appel à des firmes privées alors que nos gens sont capables de faire le travail et souvent à moindre coût. Il appartient au syndicat d'en faire la démonstration. Nous sommes capables de faire cette démonstration mais cela prend énormément de temps alors que l'employeur a tous les effectifs pour le faire et devrait le faire Un gestionnaire qui est efficace devrait prioriser son monde, surtout si cela coûte moins cher. Nos ouvriers ont les mêmes cartes de compétence que ceux qui viennent du privé. Si jamais il manque de monde, que la demande est plus forte que l'offre, alors qu'on engage des ouvriers. C'est certain aussi qu'au niveau des ouvriers spécialisés on n'est pas attirant par rapport au privé au niveau des salaires et des conditions. Il faut améliorer les conditions pour améliorer l'attraction et la rétention.

Au niveau de la santé et de la sécurité, on demande d'être considéré comme un groupe prioritaire dans le cadre de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Un de nos problèmes majeurs est celui de la détresse psychologique. Aux dernières statistiques on en était, au niveau de la Fédération, à 54 % des membres que nous représentons qui souffrent de détresse psychologique. Dans le réseau, c'est majeur. On a beaucoup de problèmes aussi en ce qui concerne la violence, verbale et physique, en l'occurrence contre ceux qui fournissent des services à domicile. Il y a beaucoup de complexification des cas, et beaucoup de banalisation aussi de ce qui arrive aux préposés. De plus en plus, nous recevons des gens psychiatrisés. Des unités psychiatriques sont ouvertes et l'employeur décrète simplement qu'elles sont ouvertes mais nos gens ne sont pas formés pour faire face à ces situations. La détresse psychologique est causée par la surcharge de travail, le manque de valorisation, le manque d'autonomie. Les bas salariés au bas de l'échelle ne reçoivent pas la reconnaissance et la valorisation qui leur revient. Nous avons besoin d'aide, d'avoir plus de personnel, d'avoir des plans de travail qui sont efficients et qui comprennent les ressources nécessaires et qui sont respectés. Dans la situation actuelle, comme les gens sont en surcharge de travail, ils sont entièrement consacrés à l'accomplissement de la tâche à tout prix, quitte à y lésiner sur notre santé et sécurité. Il y a beaucoup de problèmes physiques aussi, de gens qui se blessent.

Dans tout cela, ce qui vient en tête en priorité, ce sont les salaires. Avec les conditions de misère qu'on a, avoir des salaires plus adéquats est nécessaire. Avoir plus de reconnaissance, salariale bien sûr, et reconnaissance tout court. Ça n'est pas parce qu'on n'est pas des diplômés, les préposés aux bénéficiaires que nous ne sommes pas bons, que nous sommes des sous-fifres ou une sous-classe. Nous devons être entendus, et pas seulement pour l'apparence, mais vraiment entendus., sur toutes les instances.

FO : Que veux-tu dire en conclusion ?

BT : Les gouvernements néolibéraux font beaucoup de désinformation à notre sujet, que nous sommes les gras durs du système. Ce n'est pas vrai. Nous méritons la reconnaissance du public. Nous devons informer les gens, les sensibiliser. Nous demandons seulement ce qui nous est dû. Je crois que de plus en plus le public le reconnaît. Nos revendications sont légitimes. Nous avons beaucoup de gens qui sont très dévoués, et qui endurent en silence, et qui sont moins revendicateurs que des gens comme moi. Ils ont droit à une reconnaissance salariale et à une reconnaissance dans tous les aspects de leur travail. Ne serait-ce que pour eux, cela vaut la peine de revendiquer et de lutter.


Cet article est paru dans

Numéro 4 - 5 février 2020

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