Demandes des travailleurs et travailleuses du secteur public au Québec

Entrevue avec Jennifer Genest, porte-parole de la table sectorielle pour le SQEES-FTQ

Forum ouvrier : Combien de membres le Syndicat québécois des employées et employés de service, affilié à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, représente-t-il et quel travail font-ils ?

Jennifer Genest : Le SQEES représente 25 000 membres partout au Québec, majoritairement dans le secteur de la santé et des services sociaux. Il représente environ 8000 travailleurs/euses de ce secteur dans le secteur public. Plus précisément on les retrouve soit dans des établissements publics, comme les gros CISSS et CIUSSS, ou dans des établissements privés conventionnés, qui sont des établissements de santé gérés par les employeurs privés mais qui bénéficient des mêmes conditions de travail que dans le secteur public. Le SQEES est aussi le plus grand syndicat dans les résidences privées pour personnes âgées.

FO : Quelles sont les principales orientations des demandes sectorielles du SQEES ?

JG : Nous visons la rétention de la main-d'oeuvre qui est là actuellement et l'attraction des jeunes qui ne sont pas attirés du tout à venir travailler dans la santé, à juste titre j'imagine. Nos demandes visent à stabiliser les gens qui sont au travail actuellement et à attirer de la nouvelle main-d'oeuvre.

Cela se traduit par différents moyens. Nous faisons un gros travail en ce qui concerne les primes. Il y a une multitude de primes dans la convention collective mais elles sont peu efficaces et ne correspondent pas aux besoins actuels. Nous faisons un gros travail pour mettre les primes à jour et en inclure beaucoup de nouvelles.

Les primes de formation sont un exemple. Les salariés ont l'obligation de former les collègues de travail qui arrivent. Cependant, les primes de formation n'existent en ce moment-ci que pour la catégorie des travailleurs en soins infirmiers. Tout le personnel de soutien et administratif forme la relève gratuitement peut-on dire. Cela augmente son fardeau de tâche sans aucune rémunération additionnelle. Il faut s'assurer que les avantages actuels, inscrits dans la convention collective, s'appliquent, que les travailleurs y ont accès. Prenons la question des congés. La convention actuelle est correcte et même généreuse en ce qui concerne les congés mais les gens n'ont pas accès à leurs congés fériés parce qu'on n'est pas capable de les remplacer. Même chose en ce qui concerne divers congés personnels, sans solde, qui nécessitent l'accord de l'employeur. Souvent, l'employeur ne les accorde pas parce qu'on n'a pas le personnel nécessaire. Il y a des choses qui sont dans la convention qui ne se matérialisent pas.

Il existe des primes de soins critiques dans les services très spécialisés, comme les services d'urgence en psychiatrie. Ces primes sont uniquement accessibles au personnel soignant. Elles ne le sont pas pour les employés de soutien, les agents/es administratifs qui sont tout aussi susceptibles d'être frappés par des patients agressifs.

Notre autre demande principale concerne la santé et la sécurité.

Les taux de lésions physiques ou psychologiques ont explosé dans le réseau de la santé depuis la réforme de 2015, gracieuseté du ministre Barrette. C'est catastrophique. Les sommes en jeu sont astronomiques et il n'y a aucune prévention de faite de façon concrète et efficace dans le réseau de la santé. La Loi sur la santé et la sécurité du travail prévoit différents mécanismes pour imposer la prévention dans les établissements mais ceux-ci se font en fonction de l'évaluation d'un niveau de risque. Il y a six catégories d'employeurs dans la loi mais les mécanismes de prévention sont obligatoires uniquement dans les secteurs qualifiés de secteurs prioritaires. Et le réseau de la santé n'est pas un secteur prioritaire. Outre ce qui est prévu par les conventions collectives, qui n'est pas vraiment contraignant, les employeurs n'ont aucune obligation légale de faire de la prévention. Pourtant, la prévention est la clé du succès pour réduire le niveau de lésions. Il est grand temps que le réseau de la santé et des services sociaux soit reconnu comme un groupe prioritaire dans la loi. Advenant qu'il n'y ait pas de changement législatif, il faudra prévoir les mêmes mécanismes de prévention par le biais des conventions collectives.

L'explosion du taux de lésions tourne autour de la pénurie de personnel. Quand on manque de personnel, il se produit une surcharge de travail et quand cela se produit, il peut y avoir deux conséquences : une conséquence psychologique parce que le fardeau est tel que les travailleurs s'en vont en burnout ; des conséquences physiques parce que les travailleurs en surcharge doivent travailler dans des conditions qui ne sont pas optimales, travailler seuls quand ils sont censés être deux, et travailler très rapidement, et cela cause des accidents.

Les employeurs ne peuvent engager le personnel nécessaire pour une question de budgets.

Avec la réforme de 2015, quand on a fusionné les établissements, les budgets dédiés aux établissements pour l'embauche de personnel ont tous été gelés. On doit faire plus avec moins. En même temps, c'est certain aussi qu'il y a beaucoup de postes qui sont affichés, qui sont disponibles, mais qu'on est incapable de combler à cause des conditions.

En plus, dans les réponses patronales à nos demandes à la table sectorielle, on s'est fait servir le discours qu'on a besoin de faire toujours plus avec moins, qu'il faut modifier les horaires de travail, ou nier le droit des gens à la conciliation famille/travail, qui est pourtant un gain arraché de haute lutte lors de la dernière négociation de convention collective.

En conclusion, la santé et la sécurité est prioritaire en ce qui concerne le SQEES. Tout aussi prioritaire est la valorisation des emplois du réseau de la santé par l'amélioration des conditions de travail, le respect des conditions de travail actuelles qui sont inscrites dans la convention collective, le maintien de ceux qui sont au travail actuellement et l'attraction de la relève pour les prochaines années.


Cet article est paru dans

Numéro 4 - 5 février 2020

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