Premier anniversaire de la mort
tragique de trois travailleurs du rail
La demande d'une enquête indépendante se fait entendre de plus en plus
De gauche à droite : Daniel
Waldenberger-Bulmer, Andrew Dockrell et Dylan
Paradis. La photo provient d'une page créée par la
Conférence ferroviaire de Teamsters Canada pour
amasser des fonds pour aider les familles de ces
travailleurs.
Le 4 février 2019, le chef de train
Dylan Paradis, l'ingénieur de locomotive Andrew
Dockrell et le stagiaire Daniel
Waldenberger-Bulmer, membres de l'équipage du
Canadien Pacifique, ont été tués lorsque leur
train parti à la dérive a déraillé et plongé d'un
pont d'une hauteur de près de 60 mètres dans
la rivière Kicking Horse en Colombie-Britannique,
près de la municipalité de Field, après que son
système de freins à air ait lâché. Les
travailleurs venaient juste de prendre en charge
le train composé de trois locomotives et
de 112 voitures. Les trois travailleurs
étaient basés à Calgary et étaient membres de la
Conférence ferroviaire de Teamsters Canada.
À l'occasion du premier anniversaire de la mort
des travailleurs, la demande d'une enquête
indépendante de la police sur le déraillement dans
lequel ils ont perdu la vie se fait entendre de
plus en plus.
Le 26 janvier, l'émission The Fifth
Estate sur la chaîne CBC TV a diffusé son
documentaire sur la tragédie intitulé Runaway
Train. Les proches des victimes y expriment
leur colère devant le fait que les Services de
police du CP ont fermé leur enquête après
seulement un mois et que l'enquête s'est limitée
aux seules actions des membres de l'équipage avant
l'accident. Il s'agit de la seule enquête
policière sur la tragédie.
Le documentaire
présente les allégations d'un ancien enquêteur des
forces policières du CP selon qui la compagnie l'a
empêché d'obtenir des témoignages clés, a
dissimulé des preuves et a ordonné aux agents de
garder l'enquête étroitement centrée sur
l'équipage. Le CP nie toute dissimulation et
qualifie cet ancien enquêteur d'« employé
mécontent » et dit qu'il va attendre le
rapport d'enquête du Bureau de la sécurité des
transports (BST) avant de faire des commentaires
sur la cause de la tragédie. Le rapport du BST ne
devrait pas être terminé avant une autre année.
La mère de Dylan Paradis exige une enquête
criminelle sur les décès. Le 26 janvier,
Teamsters Canada s'est joint à elle pour demander
une enquête indépendante de la GRC sur l'incident
meurtrier. Le syndicat réitère également son appel
au gouvernement fédéral d'abolir les forces de
police des entreprises. Deux jours plus tard,
le 28 janvier, la Fédération du travail de
l'Alberta a aussi réclamé une enquête indépendante
sur la mort des trois travailleurs.
« Trois de nos confrères sont morts dans ce
déraillement. Si le CP n'a rien à cacher, il
devrait consentir à une enquête indépendante pour
le bien des familles et des personnes touchées par
cette catastrophe », a déclaré François
Laporte, président de Teamsters Canada.
« De plus, les forces de police des transporteurs
ferroviaires n'ont pas leur place dans le monde
moderne. Il est absurde qu'une entreprise puisse
mener des enquêtes criminelles sur elle-même.
Elles ne se déclareront jamais coupables de quoi
que ce soit », a ajouté Laporte. « Nous
demandons une fois de plus au gouvernement du
Canada d'abolir toute forme de police
privée. »
De nombreuses raisons justifient une enquête
criminelle indépendante sur la tragédie.
Sur le site Web des Services de police du
Canadien Pacifique, on peut lire ceci :
« Comme stipulé à l'article 2 du Code
criminel du Canada, ils ont exactement les
mêmes pouvoirs que tous les autres policiers au
Canada. Les membres peuvent recourir à la force,
arrêter et fouiller les contrevenants et les
garder en détention. Ils peuvent aussi contraindre
des personnes à comparaître devant le tribunal.
Même si nos membres sont des employés du chemin de
fer, ils sont considérés comme des fonctionnaires,
au même titre que les policiers municipaux, sauf
qu'ils sont mandataires de la Couronne.
« Aux États-Unis, nos membres sont des policiers
à part entière dans l'État dans lequel ils
travaillent et sont habilités par l'État à
appliquer la loi. La portée des pouvoirs
d'application de la loi des policiers ferroviaires
et la définition de leurs champs de compétence
varient selon les États. »
Selon l'Association des chemins de fer du Canada,
les Services de police du CP ont été fondés
en 1913, ce qui en fait la plus ancienne
opération du genre au Canada. Les autres chemins
de fer de classe 1 et voyageurs du Canada -
dont le CN, VIA Rail, GO Transit et bien d'autres
- ont tous des services de police privés dotés des
mêmes pouvoirs que les Services de police du CP.
Selon les arrangements actuels néolibéraux de
l'État, les monopoles ferroviaires
s'autoréglementent déjà en ce qui concerne
l'application des normes de sécurité et d'autres
normes. Le fait de maintenir les Services de
police du CP dans de telles conditions est une
forme extrême d'autoréglementation. Les Service de
police du CP peuvent déclarer qu'ils ont mené une
enquête satisfaisante, qu'ils n'ont trouvé aucun
motif d'enquêter sur autre chose que les actions
de l'équipage, et ceci est considéré comme
l'expression de l'autorité de l'État. Aucune
conclusion ne doit être publiée selon la culture
du secret des monopoles qui fait partie de
l'autorèglementation. Selon la réponse donnée par
le CP à Fifth Estate, « En vertu de la
loi, la GRC a compétence dans tout le Canada, y
compris sur les propriétés du CP ». C'est
précisément cela, le langage de
l'autorèglementation, que la GRC, ou Transports
Canada et le gouvernement fédéral, ont la «
compétence ». L'exercice effectif de la
compétence juridique revient au CP et à ses forces
de police, l'État canadien fournissant l'impunité
aux décisions du CP en fermant les yeux. Le
rapport du BST devrait être publié dans un an,
mais le BST n'a pas le pouvoir de porter des
accusations et ne peut que publier des
constatations et faire des recommandations.
La décision du CP
de ne pas enquêter sur autre chose que les actions
de l'équipage avant l'écrasement, alors que même
cette enquête partielle n'a pas été rendue
publique et qu'on la mentionne seulement pour dire
qu'il n'y avait pas de raison de pousser l'enquête
plus loin, laisse dans l'ombre la question de
pourquoi le train a commencé à aller à la dérive
une fois qu'il s'était arrêté sur cette colline
escarpée pour une « urgence ». On dit que le
train a été immobilisé uniquement avec des freins
à air une fois immobilisé. On lit dans les manuels
du CP qu'en hiver, « le temps froid augmente les
fuites d'air dans le système de freinage
pneumatique d'un train », et que c'est un «
défi majeur ». Pourquoi le CP n'a-t-il pas
ordonné que les freins à main soient appliqués par
ce temps extrêmement froid, une fois le train
arrêté pour une prétendue « urgence » ?
Lorsque l'équipe de relève qui devait prendre le
contrôle du convoi est entré en action, il était
déjà trop tard, le train a commencé à se déplacer
tout seul, hors de contrôle. Cette zone est
considérée comme l'une des plus dangereuses en
Amérique du Nord pour les trains, surtout par
temps extrêmement froid. Tout cela n'est pas
clair, alors qu'on a besoin de réponses urgentes.
La demande d'une enquête policière indépendante
ne vise pas à donner carte blanche à la GRC. Il
s'agit de briser ce mur du secret et du pouvoir
d'agir en toute impunité. C'est un rejet du refus
de rendre des comptes aux travailleurs et au
public parce que les monopoles privés sont
considérés comme les créateurs de la richesse
sociale, tandis que les travailleurs et le peuple
sont traités comme un obstacle à l'accroissement à
tout prix des profits privés des monopoles. Les
gens veulent jouer un rôle actif dans la
découverte de ce qui s'est passé et veulent avoir
leur mot à dire dans les correctifs et la
réparation, ce qui peut inclure des accusations de
négligence criminelle contre l'entreprise. Sinon,
parler de prévenir de futures tragédies ne veut
rien dire.
Cet article est paru dans
Numéro 4 - 5 février 2020
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