Tenons les gouvernements redevables de la mort des intervenantes en service social! Pas un décès de plus!
Deux enquêtes publiques ont eu lieu en Alberta
sur le décès d'intervenantes en service social à
leur lieu de travail. Elles révèlent le refus
total des gouvernements de fournir ce qui est
nécessaire pour assurer la sécurité des femmes qui
dispensent des soins aux jeunes et aux adultes
ayant des besoins complexes, et assurer le
bien-être de ceux dont elles s'occupent. Au coeur
de la question se trouve l'escalade de l'offensive
antisociale et la détermination à réduire le
financement des programmes sociaux, y compris les
soins aux personnes gravement handicapées, et
celles souffrant de maladies mentales.
Les foyers de
groupe sont devenus le modèle pour les jeunes pris
en charge, qu'ils soient adéquats ou bénéfiques ou
non, ou qu'ils puissent on non fournir les
services de façon sécuritaire. Les foyers de
groupe peuvent être gérés par des organisations
communautaires organisées sur une base « sans but
lucratif » ou par des entreprises créées dans
le but de réaliser des profits privés. La plupart
des intervenants en service social sont des femmes
et les enquêtes publiques ont révélé qu'il était
trop difficile de recruter des hommes pour des
salaires aussi bas. Ces femmes s'occupent de
jeunes vulnérables et d'adultes gravement
handicapés, souvent seules et sans soutien. Les
familles et les proches des femmes décédées ont
tous parlé de leur dévouement à leur travail et de
leur préoccupation pour les jeunes ou les jeunes
adultes dont elles prennent soin.
Le petit nombre de résidents et les effectifs
réduits dans chaque foyer et le grand nombre
d'agences et d'organisations impliquées rend
l'organisation difficile à gérer par le personnel,
et les résidents et le personnel deviennent moins
« visibles ». La plupart des membres du
personnel ne sont pas organisés et un bon nombre
d'entre eux reçoivent des salaires de misère, la
norme étant une pénurie de personnel et un manque
de ressources. Ce modèle est également plus
difficile à défendre pour les familles, comme
elles l'ont fait avec succès en forçant le
gouvernement de l'Alberta à reculer et à garder le
Centre Michener ouvert. La province a sous-traité
les soins comme moyen de se départir de la
responsabilité d'offrir des conditions de travail
sécuritaires et les conditions que requièrent les
personnes soignées.
Les constatations de l'enquête publique sur le
décès des intervenantes en service social
En 2002, Sharla Marie Collier, 20 ans,
a été agressée sexuellement et tuée par un jeune
dont elle avait la garde alors qu'ils étaient
seuls. Une enquête publique sur la mort de Collier
a eu lieu en 2007 et un rapport a été publié
en 2008, six ans après sa mort. Dans son
rapport, le juge Lloyd P. Malin a recommandé que
les intervenantes en service social ne soient
affectées qu'aux soins d'un résident que le
soignant peut gérer physiquement. Il a également
souligné que tous les dossiers concernant un
résident devraient être mis à la disposition des
soignants et qu'une formation spécifique devrait
être dispensée sur les conditions des résidents
dont ils ont la garde. Il a noté que les
règlements de la province en matière de santé et
de sécurité au travail (SST) sur le travail seul
ne traitaient pas de la situation des intervenants
oeuvrant auprès de personnes potentiellement
violentes. Dix-huit ans après la mort de Sharla,
c'est toujours le cas.
Valerie Wolski, intervenante en service social,
a été tuée en 2011. Six ans plus tard,
en 2017, le rapport de l'enquête publique sur
sa mort, rédigé par le juge Bart Rosborough, a été
rendu public. Dans l'intervalle, une autre
intervenante, Diane McClement, 61 ans, avait
été tuée en 2012 alors qu'elle travaillait dans un
foyer géré par Camrose Community Connections. Un
jeune dont elle avait la garde a été accusé de son
meurtre. Aucune enquête publique n'a été ouverte.
À l'époque, Santé et sécurité au travail ne
confirmait même pas s'il menait une enquête. Le
gouvernement n'a jamais publié de rapport public
concernant sa mort.
Lorsque le rapport
d'enquête sur la mort de Wolski a finalement été
rendu public, la culpabilité du gouvernement était
stupéfiante. Wolski avait accepté de prendre en
charge un jeune homme qui avait une déficience
intellectuelle profonde dans un foyer géré par
l'Association canadienne pour la santé mentale
(ACSM). Ni Wolski ni l'ACSM n'ont été informés
qu'il avait des antécédents de comportement
violent, en particulier à l'égard des
intervenantes en service social, ni reçu un
historique précis ou une évaluation de ses besoins
en matière de soins. En fait, ils ont reçu des
informations complètement trompeuses, selon
lesquelles le jeune homme était « doux comme un
agneau ». Le personnel de l'ACSM a d'ailleurs
déclaré qu'il n'aurait pas pris soin de lui s'il
avait été au courant des antécédents de violence,
car il n'était pas équipé pour le faire.
Le juge Rosborough a fait référence au rapport
Collier et a réitéré ses recommandations. Il a
écrit qu' « il semblerait évident qu'une
travailleuse de soutien de petite taille comme
Wolski n'aurait pas dû se voir confier la
responsabilité des soins d'un homme jeune et de
très forte taille » (qui mesurait 6
pieds et 5 pouces et pesait entre 250
et 300 livres, soit 1,96 m de taille et
entre 113 et 135 kilos), en particulier
lorsqu'il y a des antécédents de violence. Le
rapport réitère les recommandations du rapport
Collier et ajoute que les femmes soignantes ne
devraient pas se voir confier les soins exclusifs
des résidents qui ont déjà exprimé ou démontré une
agression envers les femmes.
Le rapport a en outre noté que le thème
sous-jacent de l'enquête était que le gouvernement
n'avait pas d'établissements adaptés aux soins des
personnes ayant une déficience intellectuelle et
des besoins complexes. De nombreuses personnes qui
ont témoigné ont parlé de cet échec du
gouvernement et ont noté la détermination du
gouvernement à fermer le centre Michener et
imposer un modèle de foyer de groupe même
lorsqu'il est totalement inadéquat et inadapté. Le
juge Rosborough a conclu qu'il n'y avait aucune
ressource communautaire à la disposition du
ministère pour des personnes ayant une déficience
intellectuelle et qui était en mesure d'assurer le
niveau sécuritaire requis.
Le juge Rosborough a demandé si Valerie Wolski
serait toujours en vie si les recommandations du
précédent rapport Collier avaient été mises en
oeuvre. Malgré tous leurs efforts, ni lui ni
l'avocat rattaché à l'enquête n'ont pu savoir ce
que le gouvernement avait fait, aussi minime que
cela puisse être, en réponse à l'enquête publique
précédente. Il a fait remarquer que si un avocat
expérimenté et un juge nommé en vertu de la Loi
sur
les enquêtes sur les personnes tuées ne
peuvent obtenir d'informations, il est peu
probable que quiconque puisse en obtenir. En
Alberta, les gouvernements ne sont pas tenus de
rendre publique leur réponse à une enquête
médico-légale d'un coroner. Les rapports d'enquête
sur les décès peuvent simplement être mis sur une
étagère et oubliés. Est-ce toujours le cas après
la mort de quatre femmes ?
En 2012, Santé et sécurité au travail a
constaté que le ministère responsable des
personnes ayant une déficience intellectuelle
avait enfreint les normes de santé et sécurité et
a émis des ordonnances de conformité exigeant que
le ministère prenne des mesures pour protéger les
travailleurs contre le danger associé au travail
avec des personnes à risque élevé. Mais ces
ordonnances ne changent pas le fait que les
directives en matière de santé et de sécurité au
travail concernant le travail seul ne concernent
pas les intervenantes en service social dans les
foyers de groupe ou des situations similaires. Le
danger pour leur santé et leur sécurité demeure.
Les travailleuses prennent l'initiative de
demander Pas un décès de plus ! et de tenir
le gouvernement responsable de son refus de faire
tout ce qui est nécessaire pour assurer la
sécurité des intervenantes en service social. Leur
vie est précieuse et elle n'est pas
sacrifiable ! Les femmes travailleuses sont
aux premières lignes en menant leurs actions sur
la base que c'est à nous ! de nous organiser
et de lutter pour créer les changements
nécessaires.
Cet article est paru dans
Numéro 3 - 29 janvier 2020
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