Entrevue
L'urgent besoin d'une amélioration immédiate des salaires et conditions de travail des employé/es des résidences pour personnes âgées
Sylvie Thomassin, déléguée syndicale,
Syndicat québécois des employées et employés de service-FTQ -
Durant les journées de grève dans les résidences
privées pour personnes âgées au Québec
en novembre 2019
Forum ouvrier : Les travailleurs et
les travailleuses des résidences pour personnes âgées, privées et
publiques, luttent pour une amélioration immédiate et urgente de leurs
conditions de travail. Tu travailles au Manoir et Cours de l'Atrium,
une résidence privée. Peux-tu nous parler de ces conditions ?
Sylvie Thomassin : Notre situation
est particulièrement difficile en ce moment car nous sommes en pénurie
de personnel. Nous devons composer avec cela à tous les jours parce que
nous n'avons pas beaucoup d'employés réguliers. Nous avons affaire à
des agences. Il faut s'adapter aux personnes qui nous sont envoyées par
les agences. Nous, on a une routine de travail. Ils arrivent dans nos
établissements, ne savent pas comment cela fonctionne. Il faut
pratiquement à tous les jours faire de la formation pour leur montrer
comment on fonctionne dans nos résidences. Cela nous crée une surcharge
de travail, et un stress de plus, parce qu'au prix que paient les
agences il arrive qu'ils ne se présentent pas au travail. Alors c'est
plus de travail pour nos membres.
Les propriétaires des résidences privées ont de la
difficulté à recruter de la main-d'oeuvre régulière. Cela se passe bien
tant qu'ils n'arrivent pas à la question des salaires. À l'instant où
on en arrive à la question des salaires, les futurs employés qui
seraient intéressés à venir travailler chez nous abandonnent. On essaie
de faire comprendre à l'employeur que ses salaires ne sont pas
concurrentiels, que c'est pour cela qu'il a de la difficulté à avoir de
la main-d'oeuvre. L'employeur persiste à dire que nous sommes en
pénurie de main-d'oeuvre, sans vouloir voir le fond du problème. Nous
avons des plongeurs qui gagnent 13 $ de l'heure. Nous n'avons
pas de régime de retraite, pas d'assurance-maladie, pas
d'assurance-médicaments.
Nous travaillons pour une compagnie qui est cotée à la
Bourse. Il s'agit de Chartwell, un des plus gros joueurs dans les
résidences privées. Chartwell fait des millions par année. Nous prenons
soin des gens avec qui ils font de l'argent. Au Manoir et Cours de
l'Atrium, un appartement, dans les moins chers, coûte quelque 3000
dollars par mois. Notre résidence a 680 appartements. C'est la plus
grosse résidence privée pour personnes âgées du Québec.
Pourtant, à la table de négociations, l'employeur dit
qu'il n'a pas d'argent à donner à ses employés pour les garder dans ses
établissements. Pendant ce temps, les établissements de résidences
privées Chartwell continuent d'ouvrir. Il a déjà de la difficulté à
mettre du personnel dans les résidences existantes et il en monte
d'autres. Quel service les gens qui vont aller dans ces résidences
vont-ils avoir ?
Nos salaires sont très inférieurs à ceux du public, nos
infirmières font des quarts de travail doubles elles aussi. Dans notre
résidence, nous connaissons présentement une épidémie de gastro. Nos
serveuses de salle à manger vont livrer les repas sur les étages parce
qu'une des salles à manger a été fermée. C'est une grande surcharge de
travail. L'employeur nous demande de le faire, on le fait, mais il
n'offre rien en retour. C'est de l'exploitation pure et simple. C'est
normal que nos gens pensent à aller trouver un emploi ailleurs.
Dans sa publicité Chartwell parle du mieux-être des gens
âgés, mais il ne leur fournit pas le personnel pour leur fournir le
mieux-être. Moi je suis retournée à l'école à 50 ans pour chercher
un diplôme en cuisine pour avoir de l'avancement. Je n'ai pas été payée
tellement plus cher pour cela. L'employeur demande des emplois
qualifiés mais il ne veut pas payer pour les qualifications.
Nous ne sommes pas présentement en négociations mais
nous allons soutenir ceux qui le sont, et il y en a qui font des
journées de grève en ce moment. Les employés/es demandent un salaire
de 15 $ à l'embauche et une augmentation minimale
de 1 $ par année pour la durée de la convention. Nous-mêmes
allons être en négociation l'automne prochain.
Il va falloir aussi qu'il se fasse quelque chose au
niveau du gouvernement. Il faut que le gouvernement intervienne pour
faire comprendre aux employeurs qu'ils doivent s'asseoir aux tables de
négociation, augmenter les salaires, écouter les syndicats et les
membres qu'ils représentent, qui ont des revendications qui sont
légitimes.
Le Syndicat québécois des employées et employés de
service (SQUEES) et toute la FTQ demandent aussi que le gouvernement
Legault instaure un décret de convention collective pour améliorer le
sort de ceux et celles qui travaillent dans les résidences pour
personnes âgées. Ce décret fixerait les conditions d'emploi minimales
que doivent respecter tous les employeurs du secteur.
FO : Veux-tu ajouter quelque chose en
conclusion ?
ST : J'espère que la population va
nous appuyer dans nos revendications et nos moyens d'action parce que
c'est important. Il faut penser que nous aussi un jour nous allons nous
retrouver dans ces résidences. Il ne faut pas laisser se dégrader les
conditions comme cela se produit présentement, il faut respecter la
dignité des gens âgés. Ils ont besoin de stabilité. Un rien peut les
déstabiliser. Quand tu es âgé, tu es vulnérable. Ils ont besoin d'être
traités par des personnes qui ont elles aussi de la stabilité dans
leurs conditions. Nous ne sommes pas reconnus pour le travail que nous
faisons et cela doit changer.
(Photo:
SQEES-FTQ)
Cet article est paru dans
Numéro 29 - 11 décembre 2019
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Entrevue: L'urgent besoin d'une amélioration immédiate des salaires et conditions de travail des employé/es des résidences pour personnes âgées Sylvie Thomassin, déléguée syndicale,
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