Les travailleurs rendent le gouvernement du Québec
redevable de ses mesures antiouvrières

La position inacceptable du gouvernement sur les normes de formation des grutiers

Lors d'une rencontre récente avec la direction de l'Union des opérateurs grutiers, le ministre du Travail du gouvernement Legault, Jean Boulet, a dit qu'il est « à l'aise » avec les recommandations du Comité d'experts mis sur pied par son gouvernement, qui entérine la décision du gouvernement et de la Commission de la construction du Québec (CCQ) d'abaisser la formation requise pour devenir grutier.[1]

Le ministre est à l'aise mais les grutiers et les travailleurs de la construction, qui effectuent le travail dans des conditions difficiles et dangereuses, ne sont pas à l'aise, et c'est le moins qu'on puisse dire, avec la position du gouvernement. Ils mènent une lutte rangée depuis près d'un an contre l'abaissement du niveau de leur formation. Les chiffres ne concordent pas non plus avec la position du ministre. Le Diplôme d'études professionnelles (DEP) a été institué en 1997 à cause du grand nombre d'accidents, dont plusieurs accidents mortels, avec des grues. Les chiffres ont démontré que depuis la création du DEP en tant que formation obligatoire, les accidents mortels impliquant la conduite de grues ont chuté de 66 %.

Les grutiers rapportent qu'en septembre dernier seulement, il y a eu trois accidents au Québec impliquant le renversement de grues, dont un qui aurait pu faire des morts et à la suite duquel quatre travailleurs ont dû être soignés pour choc nerveux. Dans les trois cas, selon les grutiers qui ont fait leur enquête sur les accidents, l'opérateur de grue n'avait pas suivi la formation professionnelle de 870 heures.

La position du ministre du Travail est irrationnelle et arrogante. C'est une position marquée par le préjugé, à la défense de l'intérêt privé étroit, et c'est aussi une position politique irresponsable qui poursuit les efforts des gouvernements successifs pour briser le syndicat des grutiers et les syndicats de la construction en général. Selon le gouvernement et la CCQ, la présence d'un syndicat des grutiers fort et combatif n'est pas quelque chose de positif pour les travailleurs et le public. Ce serait un problème, une situation de « contrôle » d'un groupe particulier qui empêche l'accès des travailleurs aux métiers de la construction en s'opposant à la déréglementation du secteur. La Commission Charbonneau a été très claire à ce sujet quand elle a associé la lutte organisée collective des travailleurs de la construction à des activités de type mafieux qui nuisent à la libre concurrence entre les travailleurs sur les chantiers et à la réalisation du profit privé par les employeurs.

Qu'est-ce qui doit primer ici, la santé et la sécurité des travailleurs de la construction et du public, ou les manigances des partis politiques cartels et d'agences de l'État comme la CCQ au service de l'intérêt privé étroit et d'un fanatisme anti-travailleur ? Le fait d'avoir des grutiers qui sont formés de façon adéquate et qui possèdent une organisation qui défend l'intérêt et les droits des travailleurs et du public et qui peut dire avec autorité que Non, c'est Non ! est un atout pour les travailleurs et la société.

Forum ouvrier s'est entretenu récemment avec le directeur de l'Union des opérateurs grutiers, Evans Dupuis, qui parle de manière éloquente du rôle du métier de grutier dans le secteur de la construction.

Il a dit entre autre choses : « Le métier de grutier est vital pour la sécurité des autres travailleurs de la construction. Tous les grutiers travaillent avec d'autres travailleurs. Il y a toujours quelqu'un en avant de la grue et d'autres travailleurs dans les alentours. Le moindre mauvais mouvement, un mouvement brusque, peut mettre en danger les travailleurs et le public. C'est une job de précision, c'est une job de stress, le grutier doit vivre avec cette situation. Il doit être compétent et bien formé. L'autre travailleur doit avoir confiance dans le grutier. S'il demande au grutier de lui apporter une charge à un pouce de lui et que l'opération n'est pas faite minutieusement et de façon sécuritaire, le travailleur ne voudra plus travailler avec le grutier parce que c'est trop dangereux pour sa sécurité. Le lien de confiance va être brisé et le lien de confiance est vital pour la sécurité de tous. Abaisser les standards de sécurité est absolument contre-indiqué. »

Le ministre du Travail et le gouvernement du Québec doivent retirer la nouvelle réglementation qui abaisse les standards de formation et de sécurité sur les chantiers de construction.

Note

1. En avril 2018, le gouvernement du Québec a décrété de façon unilatérale une nouvelle réglementation qui gouverne la formation des grutiers du Québec. Cette décision a renversé les normes et la formation établies que les nouveaux grutiers doivent suivre pour garantir leur sécurité et celle des autres travailleurs de la construction et du public. Cette nouvelle réglementation a aboli le caractère obligatoire du Diplôme d'études professionnelles (DEP) de 870 heures de formation en institution professionnelle pour devenir grutier. Le DEP est maintenant facultatif. Une nouvelle formation de 150 heures fournie directement sur les chantiers et sous la responsabilité des entreprises a été introduite. Le gouvernement a aussi remplacé le diplôme par un cours de 80 heures pour les camions-flèches d'une capacité maximale de 30 tonnes, à la suite de quoi le travailleur devient un grutier qualifié. C'est pourtant ce type de grues qui basculent le plus et qui causent le plus de dommages.

Les grutiers et leur syndicat ont mené et mènent une lutte acharnée contre cette attaque à la sécurité des travailleurs de la construction et du public. C'est dans ce contexte que le gouvernement a établi le Comité d'experts indépendants en septembre 2018, avec comme mandat d'évaluer l'aspect sécuritaire de la nouvelle réglementation. Dans son rapport émis en mars 2019, le comité dit que le DEP demeure la norme de référence pour la formation des grutiers mais il accepte qu'il devienne facultatif. Le Comité propose comme alternative une période de trois semaines de formation initiale et propose le maintien de la formation en entreprise.


Cet article est paru dans

Numéro 28 - 4 décembre 2019

Lien de l'article:
Les travailleurs rendent le gouvernement du Québec : La position inacceptable du gouvernement sur les normes de formation des grutiers - Pierre Chénier


    

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