Certaines des mesures prises dans le projet de loi 21
La Loi
sur les employeurs du secteur public
s'applique à toute entité qui reçoit un
financement public et/ou qui fournit un
service public.
Rassemblement à l'hôtel de ville de Calgary le 6
novembre
La portée de la nouvelle loi nommée Loi sur
les employeurs de secteur public est vaste.
Elle s'applique aux autorités de la santé, aux
commissions scolaires, aux institutions
postsecondaires et aux sociétés de la Couronne et
peut, à la discrétion du ministre, être appliquée
« à toute entité qui reçoit un financement public
de la Couronne pour fournir un service
public ». Les employeurs d'entités qui ne
reçoivent pas un financement public sont aussi
inclus, comme la Commission d'indemnisation des
travailleurs et la société de la couronne ATB
Financial.
Toute agence, publique ou basée dans la
communauté, qui reçoit un financement public
quelconque pour fournir des services publics
pourrait devoir se plier au diktat gouvernemental
lors de négociations avec ses employés. En
théorie, la loi pourrait aussi englober les
entités qui sont propriétés privées ou gérées par
le privé, bien que le gouvernement ait prévu une
clause dérogatoire qui leur permet d'être
exonérées.
Le projet de
loi 21 autorise le ministre à émettre des
directives confidentielles qu'un employeur doit
respecter lorsqu'il « s'engage dans un processus
de négociation collective ou une activité
connexe ». Ces directives sont secrètes.
L'employeur ne peut rendre la directive publique à
un tiers parti sans le consentement préalable du
ministre, y compris au syndicat avec lequel il
doit négocier soi-disant « de bonne foi ». La
durée d'une convention collective ainsi que le «
plafond fiscal » pourraient être fixés sur la
base de directives secrètes.
Le gouvernement peut aussi émettre des directives
exigeant qu'un employeur fournisse au
gouvernement, en totalité ou en partie, «
l'information touchant aux négociations
collectives ou à une activité connexe, selon ce
que le ministre juge nécessaire », y compris
l'information visant à assurer la conformité aux
directives. Le ministre peut déterminer la forme,
la façon et l'échéancier selon lesquels une
directive doit être respectée. Autrement dit, ce
n'est pas l'employeur assis à la table de
négociation qui négocie, puisqu'il ne peut même
rien faire sans l'approbation du ministre. Ce qui
veut dire que le syndicat n'a personne avec qui
négocier. Les vrais décideurs ne sont pas à la
table, et leurs directives sont secrètes. Même
s'il y a entente dans un tel contexte, le
gouvernement dit clairement que la signature de
l'employeur ne veut rien dire car le gouvernement
peut simplement déclarer que de toutes façons,
l'employeur doit mettre la convention collective à
la poubelle. Il n'y a même plus le moindre vestige
d'une négociation collective « de bonne
foi ».
S'il devait y avoir un conflit concernant une loi
du travail existante, la loi ou les règlements en
vertu de la loi s'appliquent. Cette disposition
est aussi tout à fait extraordinaire, en ce
qu'elle spécifie que des lois du travail
existantes peuvent être annulées en rédigeant des
règlements liés à la Loi sur les employeurs du
secteur public.
Enfin, ayant usurpé l'autorité de l'employeur, la
loi déclare que la Couronne n'est pas l'employeur
d'une personne dont la Couronne n'est pas
autrement l'employeur, ce qui veut dire que la
Couronne est l'employeur seulement des employés du
gouvernement provincial. Comment une telle
déclaration aidera le gouvernement à s'en tirer
lors d'une contestation constitutionnelle de la
loi est difficile à concevoir. Serait-ce que le
gouvernement est très conscient que sa législation
ne pourra survivre aux tribunaux, mais qu'il s'en
fout, puisque le tort aura déjà été fait avant que
la cause ne se retrouve un jour devant la Cour
suprême ? Il semblerait que oui.
Des changements au Code des normes d'emploi
Le gouvernement Albertain modifie la définition
de ce qu'est un employé dans le Code des
normes d'emploi afin d'exclure une classe
de travailleurs de ces règlements. Présentement,
il y a une longue liste de secteurs pour lesquels
certaines dispositions, par exemple le temps
supplémentaire et les heures de travail, ne
s'appliquent pas ou ont été amendées. Ce
changement permet au gouvernement d'exclure les
travailleurs d'une industrie tout entière du Code
des normes d'emploi, par exemple les travailleurs
agricoles et les travailleurs domestiques.
Les travailleurs qui sont membres d'un syndicat
ne peuvent plus dorénavant porter plainte en vertu
des normes d'emploi. Il semblerait que bien que
cette pratique soit déjà la norme, elle sera
maintenant enchâssée juridiquement. Les
répercussions de ce changement sont énormes
puisque, de plus en plus, les travailleurs sont «
représentés » par une organisation qui n'est
qu'un syndicat de boutique et que les travailleurs
n'ont aucun recours en vertu des normes d'emploi.
Le Code des relations de travail retire
l'interdiction
des travailleurs de remplacement
Le gouvernement
néodémocrate de l'Alberta a adopté une loi sur les
services essentiels en 2016, pour remplacer
la législation qui criminalisait le recours à la
grève pour tous les employés du gouvernement
provincial, les hôpitaux, les autorités de la
santé, les fournisseurs de services ambulanciers,
les services d'incendie municipaux et les forces
policières municipales, ainsi que la plupart des
membres du personnel des collèges publics et des
universités. Ce moratoire intégral avait été
déclaré anticonstitutionnel par une décision de la
Cour suprême du Canada liée au procès Saskatchewan
Federation of Labour c. la Saskatchewan, 30
janvier 2015.
Les employés des établissement privés de soins
de santé continus, qui avaient le droit légal de
faire la grève, étaient touchés par cette
législation. Le recours aux scabs pour remplacer
les travailleurs a aussi été interdit là où la loi
sur les services essentiels s'appliquait.
La législation telle qu'amendée continue toujours
d'imposer l'exigence d'ententes sur les services
essentiels aux collectifs des travailleurs, mais
non aux employeurs. Les employeurs peuvent
maintenant plutôt tenter de briser les syndicats
en ayant recours à des travailleurs de
remplacement. L'employeur peut commencer à
négocier une entente sur les services essentiels,
pour ensuite décider d'engager des scabs comme
travailleurs de remplacement.
Mettre fin aux ententes avec les médecins
albertains
Le projet de loi 21 de l'Alberta contient
aussi une attaque sans précédent contre les
médecins de la province. Il stipule que le
gouvernement peut annuler toute entente liée à la
rémunération des médecins conclue avec
l'Association médicale de l'Alberta (AMA) ou tout
autre entité ou personne en tout temps.
La présidente de l'AMA, la docteure Christine
Molnar, affirme : « Ceci ne s'applique pas
seulement à l'entente AMA actuelle. Le projet de
loi stipule que le gouvernement n'a pas
l'obligation de respecter les modalités de futurs
contrats. Le gouvernement nous demande avec
cynisme de tenter de conclure des ententes que
nous seuls sommes tenus de respecter ».
La docteure Molnar souligne aussi que les
décisions seront prises désormais au cabinet,
derrière des portes closes, au nom du soi-disant
bien public. « Que vaut une entente qui peut être
révoquée à tout moment sans aucune discussion
publique ? », demande-t-elle.
Très rapidement, le gouvernement a coupé la
rémunération des médecins sur appel (surtout les
médecins dans le secteur rural) de 37 %.
Le projet de loi 21 permet aussi au ministre
de la Santé de limiter le nombre de médecins
praticiens et de déterminer les endroits de la
province où ils peuvent pratiquer dès avril 2022.
Les médecins qui ont déjà des numéros de
facturation en date d'avril 2022
bénéficieront d'une clause d'antériorité.
La législation a subi d'autres changements
touchant à la possibilité de participer ou de ne
pas participer au régime d'assurance-maladie
albertain. Les gens se demandent ce que mijote à
nouveau le gouvernement. Ils soupçonnent que le
fait de limiter le nombre de médecins qui peuvent
facturer en vertu du régime provincial laisse
entendre que le gouvernement Kenney n'a pas
abandonné son projet d'imposer un système de santé
à deux vitesses aux Albertains. De tels projets
ont inévitablement fait face à une opposition
résolue, au point que le gouvernement a toujours
été forcé de les abandonner.
Cet article est paru dans
Numéro 25 - 13 novembre, 2019
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