L'argumentation du Syndicat des Métallos
Le Syndicat des Métallos porte plainte contre le
gouvernement du Québec pour violation de la Convention de
l'Organisation internationale du travail sur la liberté
syndicale et la protection du droit syndical (1948), de la
Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits
fondamentaux au travail (1998) et de sa Déclaration de principes
tripartite sur les entreprises multinationales et la politique
sociale (1977).
La plainte porte sur les
déclarations publiques du premier ministre du Québec
François Legault, exprimées entre le 1er avril et
le 3 juin 2019. Le Syndicat explique que la direction d'ABI a
rompu les pourparlers avec le syndicat en décembre 2017,
lui a présenté une offre finale et globale et a mis les
travailleurs en
lockout le 11 janvier 2018 quand les travailleurs ont
rejeté cette offre. Selon le syndicat, la direction d'ABI n'a
cessé depuis de renier toutes les ententes convenues jusque
là à la table de négociation et a
présenté des offres pires que les offres du début,
exigeant de nouvelles concessions.
C'est dans ce contexte du lockout prolongé et du
refus d'Alcoa de négocier, que le Syndicat des Métallos a
interpellé le gouvernement pour qu'il intervienne afin que les
négociations reprennent et soient menées de bonne foi. Le
premier ministre a rencontré les deux parties
séparément le 1er avril deux jours avant que les
négociations
devaient reprendre.
Tout de suite après les rencontres, le premier
ministre Legault a dénoncé publiquement le syndicat,
l'accusant de présenter des demandes déraisonnables. Ces
déclarations injustifiées ont eu pour effet de masquer
que c'est le cartel mondial Alcoa/Rio Tinto qui fait des demandes
déraisonnables dans tous les aspects de la vie des travailleurs
à
l'aluminerie et lorsqu'ils sont à la retraite.
À la suite des sorties du premier ministre
Legault contre le syndicat, comme on pouvait s'y attendre, la direction
d'ABI s'est rendue à la table pour rejeter du revers de la main
la contre-proposition du syndicat sans même en discuter. La
compagnie refuse depuis ce temps-là de négocier ou
même de discuter avec les travailleurs.
Les déclarations dénigrantes du premier
ministre du Québec
Le premier ministre a fait des déclarations
dénigrantes contre les travailleurs à 9 reprises
pendant deux mois, devant les médias et à
l'Assemblée nationale. Il a dit de manière explicite que
les syndiqués gagnent trop cher et que les demandes des
travailleurs pourraient forcer la direction à fermer
l'aluminerie et qu'ils seraient à blâmer pour
la fermeture. Cela n'est pas vrai car les seules demandes à la
table de négociation qui sont matière à discussion
ne sont pas les salaires mais les demandes de concessions d'ABI sur
d'autres questions importantes.
Legault s'est aussi ingéré dans le
conflit en suggérant que les travailleurs devraient accepter des
diminutions de salaire pour réduire les « coûts de
production » à l'aluminerie. En fait, la demande de
réduction salariale de Legault n'aurait aucun effet sur le prix
réel de production du produit provenant de l'aluminerie mais
signifierait de plus grands profits pour le cartel mondial et une perte
directe pour les travailleurs et leur communauté.
La frauduleuse force majeure
Le syndicat déclare
que les propos du premier ministre ont grandement ajouté au
déséquilibre du rapport de force entre l'entreprise
mondiale et les travailleurs. Le rapport de force est
déjà grandement déséquilibré
à l'avantage de la compagnie par le fait qu'Alcoa ne paie pas
pour le bloc d'électricité qui lui est
réservé à taux préférentiel. Le
gouvernement accepte l'argument de la compagnie selon lequel le lockout
déclenché et entièrement contrôlé par
les actions de la compagnie constitue un cas de force majeure,
hors du contrôle de l'entreprise, qui libère Alcoa de ses
obligations en vertu de son contrat d'énergie avec
Hydro-Québec et le gouvernement.
Selon le Syndicat des Métallos, les
déclarations publiques du premier ministre, en plus de
l'exemption de l'obligation d'Alcoa de payer pour son bloc
d'hydroélectricité qui fait l'objet d'un contrat,
constituent une violation du droit d'association et du droit à
la libre négociation collective.
La Convention de l'OIT sur la liberté syndicale
et
la protection du droit syndical
Le Syndicat des Métallos se réfère
spécifiquement à la Convention de l'OIT sur la
liberté syndicale et la protection du droit syndical. On lit
à son article 11 :
« Tout membre de l'Organisation internationale du
Travail pour lequel la présente convention est en vigueur
s'engage à prendre toutes mesures nécessaires et
appropriées en vue d'assurer aux travailleurs et aux employeurs
le libre exercice du droit syndical. »
Le Syndicat des Métallos soutient que l'exercice
du droit syndical comporte celui de se livrer à des
activités licites de défense des intérêts
des travailleurs, et ce, sans pression, intimidation,
harcèlement, menace ou action visant à les
discréditer, ce qui a été violé par les
déclarations publiques du premier ministre.
Déclaration relative aux principes et droits
fondamentaux au travail
Le Syndicat se réfère aussi à la
Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits
fondamentaux au travail. Celle-ci dit notamment que les membres de
l'OIT « ont l'obligation de respecter, promouvoir et
réaliser, de bonne foi et conformément à la
Constitution, les principes concernant les droits fondamentaux qui sont
l'objet des dites
conventions, à savoir [...] la liberté d'association et
la reconnaissance effective du droit de négociation collective
[...] ».
La déclaration dit aussi que « [...] dans
le but d'assurer le lien entre progrès social et croissance
économique, la garantie des principes et des droits fondamentaux
au travail revêt une importance et une signification
particulières en donnant aux intéressés
eux-mêmes la possibilité de revendiquer librement et avec
des chances égales leur juste
participation aux richesses qu'ils ont contribué à
créer, ainsi que de réaliser pleinement leur potentiel
humain ».
Il est clair selon les Métallos que le lockout et
les gestes du gouvernement ont bafoué le droit de
négociation collective des travailleurs d'ABI et leur droit de
revendication à chances égales.
Déclaration de principes tripartite sur les
entreprises
multinationales et la politique sociale
Enfin, le Syndicat se réfère à la
Déclaration de principes tripartite sur les entreprises
multinationales et la politique sociale qui dit entre autres :
« Lors des négociations menées de bonne foi avec
les représentants des travailleurs sur les conditions d'emploi,
ou lorsque les travailleurs exercent leur droit de s'organiser, les
entreprises
multinationales ne devraient pas menacer de recourir à la
faculté de transférer hors du pays en cause tout ou
partie d'une unité d'exploitation en vue d'exercer une influence
déloyale sur ces négociations ou de faire obstacle
à l'exercice du droit d'organisation. »
Les Métallos soulignent que même si Alcoa
n'a pas comme tel menacé de transférer son exploitation
hors du pays, c'est le gouvernement qui l'a fait à sa place. Le
premier ministre a menacé les travailleurs d'ABI en disant
qu'ils risquaient de « tout perdre » s'ils n'acceptent
pas les concessions. S'ils rejettent les concessions et une
réclamation plus basse à la valeur qu'ils produisent, les
travailleurs, selon le premier ministre, seront responsables de la
grande perte que subira la communauté en ayant forcé
Alcoa à fermer l'aluminerie et à déplacer la
production dans ses autres installations.
Compte tenu de tout ce qui précède, le
Syndicat des Métallos conclut que le gouvernement du
Québec a entravé la liberté d'association et la
reconnaissance effective du droit de négociation collective, en
violation de la convention et des déclarations de l'OIT, et que
l'OIT doit lui demander de cesser d'agir de la sorte.
(Photos : FO,
Syndicat des Métallos)
Cet article est paru dans
Numéro 22
- 20 juin 2019
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L'argumentation
du Syndicat des Métallos
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