Le gouvernement de l'Alberta méprise les droits des travailleurs

Un Non! retentissant à l'assaut législatif contre les travailleurs du secteur public


Gil McGowan, président de la Fédération du travail de l'Alberta, et Guy Smith, président du Syndicat des employés provinciaux de l'Alberta, s'adressent aux médias dans la rotonde de l'Assemblée législative pour dénoncer le projet de loi 9.

Le 13 juin, le gouvernement Kenney a présenté le projet de loi 9, Loi sur le report de l'arbitrage salarial dans le secteur public (Public Sector Wage Arbitration Deferral Act) à l'Assemblée législative de l'Alberta. Cette loi va « légaliser » le report de la négociation collective et de l'arbitrage prévus ou en cours pour des dizaines de milliers de travailleurs du secteur public de l'Alberta jusqu'au 31 octobre, et jusqu'au 15 mars 2020 dans certains cas. Le projet de loi interdit la mise en oeuvre des clauses de réouverture de salaire dans les conventions collectives qui établissent des dates d'arbitrage si la négociation n'aboutit pas à une entente.

Selon le gouvernement Kenney, le projet de loi 9 ne fait qu'établir un « report de procédure » jusqu'à ce que son gouvernement reçoive le rapport de son « panel d'experts » sur l'état des finances de l'Alberta, attendu le 15 août. Il affirme aussi que le projet de loi ne viole pas les conventions collectives du secteur public, ce qui est faux puisqu'il annule des clauses des conventions collectives des infirmières, des enseignants, des travailleurs de la santé, des employés du gouvernement provincial et d'autres travailleurs.

En « légalisant » la modification des conventions collectives par diktat, le projet de loi 9 porte atteinte au droit de tous les travailleurs d'avoir leur mot à dire et d'exercer un contrôle sur les salaires, les conditions de travail et leur niveau de vie en général, et à tout le moins le droit de négocier leurs conditions d'emploi dans un climat d'équilibre et non d'arbitraire et de diktat. Le gouvernement démontre avec ce projet de loi que, loin de défendre l'état de droit, il est prêt à déchirer des conventions collectives et à agir au mépris de l'esprit et de la lettre de la loi. Alors que les travailleurs du secteur public sont ceux qui sont ciblés spécifiquement par cette attaque, une attaque contre les droits juridiques de ces travailleurs est une attaque contre tous les travailleurs.

Selon Jason Kenney et le Parti conservateur uni (UCP), ils ont remporté les élections et ont donc le mandat de faire ce qui leur plaît. Sur cette base, le gouvernement Kenney reprend toutes les formules méprisées et discréditées de l'ère Ralph Klein et Mike Harris - réduire les formalités administratives, rendre l'Alberta « ouverte aux affaires », « réduire le gaspillage », « faire des gains d'efficacité dans le gouvernement » et ainsi de suite. Il affirme qu'il n'y a pas d'autre solution que de réduire les investissements dans les programmes sociaux et de s'attaquer aux travailleurs qui les livrent.

En prétendant parler au nom des Albertains, le gouvernement tente de présenter l'opposition de ces travailleurs du secteur public à ces attaques comme contraire à la volonté du peuple qui aurait donné un mandat au parti au pouvoir. Mais c'est toute la classe ouvrière qui est attaquée lorsque le droit d'avoir son mot à dire sur les salaires, les conditions de vie et de travail est nié. De plus, les travailleurs qui fournissent les services publics dont les Albertains ont besoin pour vivre une existence humaine moderne constituent la ligne de défense de ces services. Leur résistance s'est avérée cruciale à maintes reprises dans la lutte contre la destruction des services publics, y compris les services de santé, l'éducation et les soins aux personnes âgées. Pour les Albertains, le problème principal est de trouver comment mettre fin à l'offensive antisociale. À cet égard, il n'y a pas de fossé entre les travailleurs employés par l'État ou les agences publiques et ceux qui vendent leur capacité de travail à des intérêts privés.

Tandis que les gouvernements successifs remettent des milliards aux oligarques de l'énergie et à d'autres riches intérêts privés, les travailleurs se font dire qu'ils doivent « faire leur part » pour réduire le déficit ou équilibrer le budget, faute de quoi le gouvernement les y forcera. Les travailleurs du secteur public rendent un service à la société lorsqu'ils refusent d'être mis sur la défensive en ce qui concerne leur droit à un salaire, à  des avantages sociaux et à la sécurité à la retraite, ainsi qu'à des conditions de travail leur permettant d'enseigner aux jeunes, de prendre soin des malades, des personnes âgées et des personnes handicapées, de protéger l'environnement naturel, d'entretenir les infrastructures et de faire fonctionner la société au quotidien.

L'assaut contre le droit de négocier collectivement les salaires et les conditions de travail et de vie montre l'ampleur de la destruction de la politique et de la crise profonde des institutions dites démocratiques qui empêchent le corps politique de définir collectivement la direction de l'économie et de la société. La destruction de la politique remplace l'enquête, la discussion et les négociations de bonne foi par la destruction, la force, le diktat et l'utilisation des pouvoirs de police, le tout au service de l'oligarchie financière qui exerce sa domination sur l'économie et la société.

Le droit des travailleurs de négocier collectivement leurs conditions d'emploi est un droit qui leur appartient en vertu de leur rôle essentiel dans la production et de leurs contributions à la société. Ce droit ne peut être refusé ou nié par l'adoption de lois ou par des panels d'experts formés d'anciens politiciens et d'autres qui préconisent des attaques néolibérales contre les travailleurs. Les droits des travailleurs sont ainsi attaqués pour pouvoir détourner encore plus de richesse sociale qu'ils produisent vers les riches et forcer l'ensemble des travailleurs à accepter des conditions de travail intenables et de plus en plus précaires.

Le gouvernement Kenney tente de nier le droit des travailleurs de négocier leurs conditions d'emploi dans un climat d'équilibre où ceux qui effectuent le travail ont leur mot à dire, ce qui comprend le droit de dire non. Il veut mettre « à l'abri de la Charte » son attaque contre le droit de négocier collectivement les conditions d'emploi en ayant recours à une procédure trompeuse pour nier les droits des travailleurs du secteur public, tout en coupant dans les programmes sociaux et les services publics dont les gens ont besoin pour mener une existence humaine moderne. Cela est inacceptable dans le monde d'aujourd'hui et ne doit pas se produire.

L'assaut du gouvernement Kenney est une attaque contre tous les travailleurs. Forum ouvrier lance l'appel à tous d'appuyer les travailleurs du secteur public de l'Alberta en défendant leur droit de dire Non ! au diktat et à l'illégalité qui servent de riches intérêts privés.

(Photos : FO, FTO, FTA)


Cet article est paru dans

Numéro 22 - 20 juin 2019

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Le gouvernement de l'Alberta méprise les droits des travailleurs: Un Non! Retentissant à l'assaut législatif contre les travailleurs du secteur public


    

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