Contester la répression
organisée par l'État des droits des travailleurs
Le gouvernement utilise la méthode forte pour priver les travailleurs de leurs droits
- Entrevue avec Daniel
Légère, président de la Fédération
des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick -
Manifestation des travailleurs des foyers de soins,
organisée par le
SCFP, à Fredericton le 12 avril 2019, dans le cadre de leur
lutte
contre la violation de leur droit de faire la grève
Forum ouvrier a discuté récemment
avec Daniel Légère, le président nouvellement
élu de la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Nouveau-Brunswick. Daniel a été
président du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) du
Nouveau-Brunswick pendant 14 ans. Au nom du SCFP -
Nouveau-Brunswick, il a notamment
dirigé la campagne « Mettre fin au mandat »
pour lutter pour des augmentations de salaire dans le secteur public.
Les gouvernements provinciaux successifs, progressistes-conservateurs
et libéraux, ont imposé le mandat de supprimer les
augmentations de salaire. Les attaques contre les salaires et les
conditions de vie et de travail
s'accompagnent d'une répression organisée par
l'État contre les luttes des travailleurs, tant dans le secteur
privé que dans le secteur public. Légère nous
donne son point de vue sur ce problème.
Forum ouvrier : Tu as été
élu président de la Fédération des
travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick à la fin du
mois de mai. Toutes nos félicitations ! Meilleurs voeux de
succès dans ton important travail.
Dans le communiqué de presse de la
Fédération qui a suivi le congrès, tu écris
que le mouvement syndical traverse une période difficile, tant
dans le secteur public que privé. Peux-tu nous en dire plus
à ce sujet ?
Daniel Légère : Ce que nous
constatons, ce sont les actions des gouvernements, des employeurs, des
tribunaux et les lois pour enlever aux travailleurs leur droit à
la libre négociation collective. Nous avons l'exemple de ce qui
s'est passé avec Postes Canada. Les membres du STTP
étaient en grève légale et le
gouvernement fédéral les a forcés par une loi
à retourner au travail. Ne vous y trompez pas, cela vient du
gouvernement Trudeau, car Postes Canada n'a qu'un seul actionnaire, le
gouvernement fédéral du Canada. C'est le gouvernement
fédéral qui a légiféré et
privé ces travailleurs de leur droit de grève.
À l'échelle provinciale, au
Nouveau-Brunswick, nous constatons la même chose. Les
travailleurs des foyers de soins font face à une loi qui leur
enlève le droit de grève. La Commission des relations de
travail a déclaré à un moment donné qu'il
était inconstitutionnel de les priver de leur droit de
grève, puis le gouvernement provincial s'est
immédiatement adressé aux tribunaux. L'exemple le plus
flagrant et le plus renversant est la victoire des travailleurs devant
la Cour du Banc de la Reine lorsque la juge Garnett a
déclaré que priver les travailleurs des foyers de soins
de leur droit de grève leur a causé un préjudice
irréparable. Cependant, en moins de deux heures, le gouvernement
provincial a obtenu une audience devant la Cour d'appel. Qui,
pensez-vous, peut se présenter devant la Cour d'appel dans les
deux heures suivant le prononcé du verdict par la Cour du Banc
de la Reine ? Les juges de la Cour d'appel ont
réservé leur décision à une date
ultérieure et dans l'intervalle, les travailleurs des foyers de
soins ne
peuvent pas faire la grève. C'est un gouvernement qui utilise
des tactiques brutales, a recours aux lois et aux tribunaux pour priver
les travailleurs de leur droit de grève.
Au Nouveau-Brunswick, nous avons en ce moment un
gouvernement conservateur minoritaire. Les libéraux ont
présenté une motion demandant au gouvernement de recourir
à un arbitrage exécutoire sans entrave pour régler
cette question. Dans nos foyers de soins, il y a une véritable
crise comme dans tout le pays dans le secteur des soins de
longue durée. La motion a été adoptée avec
l'appui de tous les partis d'opposition et le gouvernement refuse
toujours de recourir à un arbitrage contraignant sans entrave.
Ils ont dit qu'ils acceptaient l'arbitrage exécutoire, mais que
les mains de l'arbitre seraient liées et restreintes à
tel point que le résultat final serait ce que le gouvernement
souhaite. C'est un jour triste pour la démocratie lorsque la
majorité de l'Assemblée législative demande au
gouvernement de remédier à la situation, indique comment
le faire et que le gouvernement refuse toujours. Je pense que le
gouvernement Higgs n'a pas la confiance de l'Assemblée
législative.
Si vous regardez ce qui se
passe dans le secteur privé, à Belledune, les
Métallos ont voté pour une grève et ont
donné un préavis de grève, mais l'employeur les a
mis en lockout, s'est adressé aux tribunaux et a obtenu une
ordonnance disant que seuls six piqueteurs par ligne sont
autorisés et ça c'est un nombre absolu. J'y suis
allé plusieurs
fois et quand je suis sur la ligne de piquetage avec les
grévistes, un membre doit s'en retirer. Il y a toutes sortes
d'autres choses. Ils amènent des briseurs de grève par
autobus mais le tribunal a statué que les Métallos ne
sont pas autorisés à manifester là où les
briseurs de grève montent dans les autobus, ni à prendre
des photos, sauf à des fins de
preuve. Les employeurs ont recours aux tribunaux pour enlever aux
travailleurs leurs droits de négociation collective, tant du
secteur privé que du secteur public.
FO : Comment vois-tu que peut se
développer cette lutte contre cette violation des droits des
travailleurs ?
DL : Le mouvement syndical est
à la croisée des chemins. Nous devons contester toutes
ces choses et, à un moment donné nous devons être
un peu plus militants, je pense. C'est un niveau de militantisme qui
semble avoir disparu au cours des deux dernières
décennies.
Nous devons contester ces choses-là à
chaque occasion. Nous devons faire appel de ces mauvaises
décisions. Nous devons utiliser toutes les avenues disponibles
pour prendre en main ce problème. Il est temps que le mouvement
syndical commence à être un peu plus proactif.
Ils veulent réduire le processus à de la
mendicité collective au lieu de la négociation
collective. Le mouvement syndical doit travailler ensemble. Un syndicat
ne peut le faire seul. Nous avons besoin de l'ensemble du mouvement
syndical et de la société civile. Nous devons travailler
au-delà des confins du mouvement syndical.
Cet article est paru dans
Numéro 21 - 13 juin 2019
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organisée par l'État des droits des travailleurs: Le gouvernement utilise la méthode forte pour priver les travailleurs de leurs droits - Entrevue avec Daniel
Légère, président de la Fédération
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