Les travailleurs accidentés
luttent pour leur dignité et leurs droits
Entrevue
- Peter Page, vice-président
exécutif, Réseau ontarien
des groupes de travailleurs accidentés -
1er juin: 36e
Journée des travailleurs accidentés de l'Ontario
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À la veille
du 1er juin, la Journée des travailleurs accidentés,
Forum ouvrier s'est entretenu
avec Peter Page, le vice-président exécutif du
Réseau
ontarien des groupes de travailleurs accidentés (ONIWG),
à propos des préoccupations et du travail de
l'organisation à ce moment-ci et en particulier de la campagne
« L'indemnisation
des travailleurs est un droit ! »
Forum ouvrier : Quels sont les
principaux enjeux que vous soulevez dans la campagne «
L'indemnisation des travailleurs est un droit ! »
à l'approche de la Journée des travailleurs
accidentés ?
Peter Page : Nous avons
commencé notre campagne « L'indemnisation des travailleurs
est un droit ! » à l'automne 2017. Notre
objectif est d'éduquer et de mobiliser le public sur le droit
à l'indemnisation, ainsi que de rappeler à nos
politiciens et aux employeurs le compromis historique qui a conduit
au régime d'indemnisation.
Le compromis historique était un accord conclu
entre les travailleurs et les employeurs, par lequel nous avons
renoncé à notre droit de poursuivre les employeurs en
échange d'une indemnité. Fondamentalement, si vous
êtes blessé à la suite d'un accident de travail,
vous devez recevoir une indemnité aussi longtemps que dure
l'invalidité. En
échange, vous renoncez à votre droit de poursuivre votre
employeur en justice.
Ce qui se passe, c'est que les gouvernements et les
employeurs renient cet accord. Ils ne respectent pas la partie de
l'accord qui leur impose une obligation. Les travailleurs ne sont
toujours pas autorisés à poursuivre les employeurs en
justice, mais les employeurs, le gouvernement et le régime
d'indemnisation des accidents du travail ne
fournissent pas les prestations dont sont censés
bénéficier les travailleurs accidentés.
À l'heure actuelle, la Commission de la
sécurité professionnelle et de l'assurance contre les
accidents du travail (CSPAAT) dispose d'un régime
entièrement capitalisé, avec un compte bancaire de
près de 40 milliards de dollars, et ce montant ne cesse
d'augmenter. Il y a amplement d'argent pour subvenir aux besoins des
travailleurs
accidentés. Pourtant, nos prestations continuent d'être
réduites par le biais des changements de politiques de la
Commission.
Celle-ci crée des politiques qui rendent
difficile l'obtention d'une indemnisation pour les travailleurs
accidentés, que ce soit les « conditions
préexistantes », ou des mesures telles que le «
deeming » (la présomption). La présomption
continue d'être un problème. La mesure de
présomption est utilisée pour retirer des prestations
à un
travailleur. La Commission dit au travailleur qu'il doit occuper un
emploi, que celui-ci existe ou non, sinon elle déduira de ses
prestations un montant équivalent au salaire minimum ou tout
montant que, selon elle, le travailleur est capable de gagner.
Nous avons la preuve que beaucoup de travailleurs
accidentés ne retournent pas sur le marché du travail. En
fait, ils finissent par recevoir un montant du Programme ontarien de
soutien aux personnes handicapées (POSPH), ou une prestation
d'invalidité du Régime de pensions du Canada, ou une aide
au revenu. Cela revient à transférer l'indemnisation, qui
est censée être assumée par les employeurs
conformément au compromis historique, au trésor public de
l'Ontario.
En plus, la Commission
laisse traîner des choses importantes comme la situation des
travailleurs de General Electric à Peterborough qui ont
été
exposés pendant des décennies à des produits
chimiques toxiques; celle des travailleurs des mines du Nord de
l'Ontario qui ont été forcés d'inhaler la poudre
MacIntyre qui était supposée prévenir la silicose,
mais qui sont morts du cancer et d'autres maladies professionnelles, ou
tous les nombreux autres cas de maladies professionnelles.
La Commission dit qu'elle va examiner le cas de GE,
examiner toutes les demandes d'indemnisation chez GE, mais, en fin de
compte, elle ne fait rien. Elle approuve quelques réclamations
pour montrer qu'elle fait quelque chose. Le nombre de maladies
professionnelles augmente. Le nombre de travailleurs empoisonnés
à l'endroit de travail
augmente. La Commission ne le reconnaît pas. Elle protège
les employeurs et le gouvernement pendant que des travailleurs sont
tués, mutilés et empoisonnés par leurs employeurs.
La Commission et d'autres comme elle disent qu'ils font cela pour
rendre « l'Ontario ouverte aux affaires », directement
aux dépens du bien-être et des droits des
travailleurs. C'est une attaque non seulement contre les travailleurs
accidentés, mais contre tous les travailleurs et leurs droits.
Fondamentalement, la Commission met en oeuvre des
politiques conçues pour priver les travailleurs
accidentés de leurs indemnisations..
Elle sous-finance le Bureau des conseillers des
travailleurs (BCT), un élément du système
d'indemnisation des accidents du travail qui est conçu pour
aider les travailleurs accidentés à naviguer dans la
bureaucratie du système.
Les travailleurs accidentés doivent maintenant
naviguer dans le système par eux-mêmes. S'ils ne sont pas
syndiqués, ils doivent essayer de demander de l'aide et le
délai d'attente pour le BCT peut être de six, sept ou huit
mois avant même qu'il examine votre cas.
La CSPAAT a également rendu encore plus difficile
pour les travailleurs d'en appeler d'une décision et d'obtenir
un jugement. Certains travailleurs mettent cinq, six, sept et
même huit ans pour obtenir une décision de la part de la
CSPAAT. Ils
gagnent souvent en partie leur réclamation, rarement en
totalité.
Tout cela crée une accumulation de retards dans
le traitement des dossiers de travailleurs accidentés qui ne
touchent pas les indemnisations qui leur reviennent. Et s'ils
n'obtiennent
pas d'indemnisation, cet argent est simplement versé dans les
coffres de la CSPAAT.
FO : Dans le cadre de son offensive
antisociale contre le peuple de l'Ontario, le gouvernement Ford
procède à des attaques très rapides, dont
certaines ont un impact direct sur les travailleurs accidentés.
PP : Tout
à fait. Le gouvernement Ford a récemment réduit
de 30 % le financement accordé à Aide juridique
Ontario (AJO). Ces avocats travaillent beaucoup sur des causes
d'indemnisation. Le gouvernement Ford a honteusement utilisé
l'immigration comme prétexte pour réduire le financement
d'AJO, déclarant
que l'argent dépensé pour la défense des droits
des immigrants devrait être une question fédérale
et que le gouvernement fédéral devrait en assumer le
coût, et non la province de l'Ontario. En raison des compressions
dans le milieu de l'aide juridique, les avocats vont devoir prioriser
ce qu'ils peuvent faire. Ils pourraient dire qu'ils vont consacrer
aux causes d'indemnisation un minimum de temps car ces contestations
prennent beaucoup de temps. Cela pourrait affecter l'accès
à la justice pour les travailleurs accidentés.
Le gouvernement Ford a également réduit le
budget du Bureau de la prévention du ministère du
Travail, une réduction de 16 millions de dollars. Le
gouvernement a aussi réduit le volet recherche de la CSPAAT, le
faisant passer de 8,5 millions de dollars l'an dernier à
6,8 millions de dollars cette année. Cette recherche
effectuée
par des organisations de santé et de sécurité ou
par les Centres de santé des travailleurs(ses) de l'Ontario
(OHCOW) est importante pour la santé et la
sécurité des travailleurs. Elle est importante aussi pour
les travailleurs migrants confrontés aux pesticides et aux
divers produits chimiques qu'ils utilisent dans les secteurs où
ils travaillent.
Le gouvernement libéral a érodé nos
droits lentement et le gouvernement Ford le fait maintenant de
manière flagrante et très rapide.
FO : Sur quoi mettez-vous l'accent
en ce moment avec la campagne « L'indemnisation des travailleurs
est un droit » ?
PP : Le titre de la campagne
l'exprime bien. Nous avons le droit d'être indemnisés et
le droit de pouvoir vivre notre vie dans la dignité et non dans
la pauvreté. Être allé au travail et y avoir subi
une blessure ne devrait pas vouloir dire que vous êtes
forcé de vivre dans la pauvreté et qu'un grand nombre de
nos
travailleurs accidentés sont contraints d'avoir recours à
l'aide sociale. Cela veut dire que la CSPAAT et les employeurs
n'assument pas leur responsabilité sociale envers les
travailleurs accidentés ou le trésor public. C'est une
atteinte à nos droits qui va à l'encontre du compromis
historique qui a donné naissance au régime de
compensation.
Nous combattons tous ces
points que j'ai mentionnés sur lesquels les travailleurs
accidentés sont attaqués. En même temps, nous nous
en tenons à un cadre plus restreint plutôt que d'essayer
de lutter contre chaque aspect. Nous nous en tenons à quelques
revendications fondamentales, telles que « Pas de coupures
basées sur des emplois
fantômes ! », « Écoutez les
travailleurs
accidentés qui sont traités par les professionnels de la
santé ! », « Cessez de couper les
indemnisations sur la base de ‘conditions
préexistantes' ».
Nous demandons une indemnisation complète pour
les travailleurs accidentés. Nous luttons pour que justice soit
faite à tous les travailleurs accidentés. Nous
travaillons à obliger le gouvernement et la CSPAAT à
être redevables en présentant nous-mêmes la
vérité sur ce qui se passe. Ils doivent changer ces
politiques préjudiciables aux
travailleurs et qui pourraient bien être illégales
d'ailleurs.
Au cours de la dernière année, nous avons
visité de nombreux bureaux de députés à
travers la province, dont plus de 70 à l'automne. Nous
continuons à avoir des réunions. Comme il y a un nouveau
gouvernement, nous devons maintenant rééduquer les
nouveaux membres du gouvernement, car ils agissent tous comme s'ils
n'avaient
jamais entendu parler d'indemnisation. Aucun des gouvernements ne parle
de
l'indemnisation des travailleurs. Ils parlent quelquefois de
problèmes liés aux travailleurs mais l'indemnisation des
travailleurs n'est pas un enjeu selon eux. Nous avons fait comprendre
au NPD que c'était une question qui méritait d'être
soulevée à l'Assemblée
législative.
Nous travaillons également à sensibiliser
le grand public à l'évolution du système
d'indemnisation. C'est un système que vous n'utiliserez
peut-être jamais, et j'espère que vous ne l'utiliserez
jamais, mais lorsque vous devrez y accéder, il ne sera plus en
place pour vous fournir les prestations dont vous avez besoin. Nous
informons le grand
public que le système d'indemnisation doit être là
pour lui quand il en a besoin.
(Photos: Forum
ouvrier, ONIWG)
Cet article est paru dans
Numéro 18 - 23 mai 2019
Lien de l'article:
Les travailleurs accidentés
luttent pour leur dignité et leurs droits: Entrevue - Peter Page, vic
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