Discussion sur la convention et le protocole de retour au travail dictés par Alcoa/Rio Tinto et le gouvernement chez ABI


Manifestation en appui aux travailleurs de l'aluminium d'Alma, le 31 mars 2012

Dans cette entrevue, Alexandre Fréchette mentionne que le ministre québécois du Travail, Jean Boulet, a déjà représenté ABI à titre d'avocat chez Heenan Blaikie avant d'entrer au gouvernement. « À voir son comportement, la façon dont il favorise l'employeur systématiquement, et qu'il met de la pression sur les travailleurs, je crois qu'on peut se questionner très sérieusement et certainement dire à tout le moins que ce ministre n'est pas neutre dans le conflit », dit-il.

Forum ouvrier  : Dans l'hypothèse de règlement qu'il a présentée sur le conflit à ABI le 17 avril, le ministre québécois du Travail Jean Boulet dit qu'il a tenu compte du lockout de 2012 à Alma décrété par Rio Tinto. Il a suggéré qu'en fait il a respecté ce qui s'est passé à Alma pour obtenir un résultat semblable dans le cas du lockout à ABI. Peux-tu nous en dire plus sur ce qui s'est passé à la suite du lockout à Alma ?

Alexandre Fréchette, le président de la section locale 9490 du Syndicat des Métallos, exprime l'appui des travailleurs d'Alma lors d'un rassemblement pour les travailleurs d'ABI, le 8 février 2018.

Alexandre Fréchette : Concernant la durée du retour au travail, après le lockout, de deux choses l'une : ou le ministre est un incompétent, ou c'est un menteur. Pour essayer de justifier son hypothèse de règlement, le ministre dit qu'à Alma, nous avons réussi de peine et de misère à réussir le retour au travail en six mois, d'où sa proposition que le protocole de retour au travail à ABI prévoit un retour qui se fait en six mois.

En fait, c'est marqué noir sur blanc dans notre convention collective de 2012 que l'employeur s'engage à rappeler au travail à temps plein tous les employés à son emploi au 31 décembre 2011 et ce, au plus tard, 90 jours après le redémarrage de la toute première cuve. C'est l'entente 13 de notre convention collective. Il y a même une annexe, un tableau, avec l'échéancier détaillé de redémarrage par semaine, jusqu'à 14 semaines. Donc 90 jours, au plus tard, tout le monde est rappelé. Cette entente fait partie de notre convention collective, elle est même encore dans notre convention collective de 2015. Et dans les faits, chez nous, le retour a été effectué en 90 jours. Ce qui a été un peu difficile dans notre retour au travail, ça n'a pas été la durée, mais l'ordre de rappel, l'ancienneté. Il y a eu des erreurs de rappel, qui ont été d'ailleurs compensées pleinement par la compagnie. En ce qui concerne la durée, elle a été entièrement respectée.

Comme je l'ai dit, ou le ministre est un incompétent, qui dit des choses dont il n'est pas au courant, ou il est bien conscient de ce qu'il dit et il sait que c'est un mensonge qu'il utilise contre les travailleurs.

FO : Le ministre a aussi dit qu'il a « modernisé » la clause de sous-traitance à ABI dans son hypothèse de règlement. Qu'a-t-il fait exactement ?

AF : C'est très simple. Dans la convention collective des travailleurs d'ABI, Alcoa avait le droit d'avoir recours à la sous-traitance dans une liste d'activités où la sous-traitance est permise. En la « modernisant », le ministre a en fait enlevé cette liste-là, pour qu'Alcoa puisse prendre les emplois sous-traitables et les appliquer partout dans l'usine.

Ce qu'il a fait, c'est éliminer la liste des emplois sous-traitables. Cette liste est une contrainte pour la compagnie. Si je fais le parallèle avec Alma, pour avoir une liste d'emplois sous-traitables, cela nous a coûté six mois de lockout. Je dirais que 90 % de notre conflit visait à obtenir cette liste-là. C'était pour obtenir une limitation au droit de gérance de l'employeur, en ayant une clause qui limite à la fois la quantité de sous-traitance et les endroits où elle va s'appliquer.

Notre clause de sous-traitance dit essentiellement qu'ils ont le droit de prendre 15 % des heures travaillées par opération pour la sous-traitance et de les appliquer dans une liste d'emplois négociée. C'est important parce qu'on choisissait des emplois où ça fait moins mal, où il n'y a pas nécessairement la connaissance du procédé, des emplois plus de manutention et de choses accessoires. C'est une concession importante que le ministre introduit et c'est certain selon nous que c'est quelque chose qu'il faut dénoncer haut et fort.

Juste pour cela, juste pour cette clause de sous-traitance, à mon avis cette hypothèse de règlement est pire que l'offre de la compagnie du mois de mars. Alors de voir le ministre parler de cela comme si c'est quelque chose d'accessoire dans ce conflit-là, nous lui disons que nous avons fait six mois pour avoir cette liste-là, et lui, il l'enlève dans l'hypothèse de règlement. Alors, pour qui travaille-t-il ?

Selon nous, ces deux éléments-là sont tellement flagrants qu'il s'agit soit d'incompétence ou de mensonge. Je ne suis pas capable avec certitude de prouver l'intention. Maintenant, si je regarde le passé du ministre, monsieur Boulet a déjà obtenu des contrats pour représenter ABI dans le passé. Il a eu des contrats avec ABI comme avocat dans le temps qu'il travaillait pour Heenan Blaikie. À voir son comportement, la façon dont il favorise l'employeur systématiquement, et qu'il met de la pression sur les travailleurs, je crois qu'on peut se questionner très sérieusement et certainement dire à tout le moins que ce ministre n'est pas neutre dans le conflit.

(Photos : LML, Syndicat des Métallos)


Cet article est paru dans

Numéro 17 - 16 mai, 2019

Lien de l'article:
Discussion sur la convention et le protocole de retour au travail dictés par Alcoa/Rio Tinto et le gouvernement chez ABI - Entrevue avec Alexandre Fréchette, président du Syndicat des travailleurs de l'aluminium d'Alma, section locale 9490 du Syndicat des Métallos


    

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