Entrevue

Les travailleurs d'entretien de la Société de transport de Montréal demandent une convention négociée qui leur est acceptable

Gleason Frenette s'adresse aux travailleurs d'entretien de la STM le 3 mai 2018.

Forum ouvrier : La négociation actuelle concerne combien de travailleurs et quel travail font-ils à la Société de transport de Montréal (STM) ?

Gleason Frenette : Le syndicat représente environ 2400 membres. La majorité, environ les trois-quarts, sont des gens de métier, électriciens, plombiers, maçons, ferblantiers, etc., et à peu près 550 préposés à l'entretien. La convention collective est échue depuis janvier 2018, et nous avons commencé les négociations huit mois avant la fin de la convention. Nous en sommes à 22 mois de négociation.

FO : Quels sont les traits principaux de cette négociation ?

GF : La STM nous est arrivée avec une centaine de reculs dans son offre. Il a fallu négocier pour aménager des changements majeurs dans les horaires de travail, dans plusieurs aspects de la convention. Ce n'est pas habituel qu'on se fasse demander tant de changements dans les négociations. Normalement, l'employeur essaie de changer quelques aspects dans la convention en donnant autre chose en échange. Ils sont arrivés avec toutes ces demandes en pensant probablement qu'avec la loi 24 [1], advenant qu'ils ne s'entendent pas avec nous, que le gouvernement allait décréter nos conditions de travail. Ils ont demandé que nos horaires soient basés sur des quarts de travail de douze heures, au lieu de huit heures comme c'est le cas à l'heure actuelle. Ils veulent que plus d'employés travaillent la fin de semaine et sur les quarts de soir et de nuit. Ils appellent cela la flexibilité opérationnelle. Ils nous ont poussé dans une situation où si on réussit à faire quelques gains, et à défaire la majorité de leurs demandes de reculs, les membres vont être satisfaits. Notre cahier de demandes à nous, c'est de maintenir les acquis.

Nous avons aussi une revendication en ce qui concerne le régime de retraite. Nous demandons une compensation en lien avec la loi 15 qui nous force à cotiser 3 % de plus dans le régime de retraite. [2] En vertu de la loi 15, nos membres vont devoir cotiser 3 % de plus dans le régime et l'employeur 3 % de moins. Il a fallu faire deux volets à notre régime de retraite, un volet avant la loi 15 et un volet après. La loi oblige les parties à cotiser 50-50 dans le régime de retraite. Avant la loi, nous cotisions 6 % de notre masse salariale dans notre régime de retraite et l'employeur mettait le double. Nous appelions cela une cotisation 12-6. Nous avions négocié tout cela. C'était stipulé dans notre contrat. Nous avions fait des concessions dans le passé pour obtenir le 12-6, nous avions accepté des zéro pour cent d'augmentation salariale pour maintenir ce taux dans notre régime de retraite. Avec une loi, le gouvernement a permis de défaire cet aspect de la convention collective. Nous demandons une compensation monétaire pour notre augmentation de cotisation.

FO : Peux-tu nous expliquer comment la loi 24 affecte votre négociation ?

GF : La loi 24 prévoit que dans certaines conditions, si nous n'arrivons pas à nous entendre, le gouvernement pourrait à la limite décréter nos conditions de travail. Nous sommes maintenant en médiation depuis le mois de septembre 2018. Nous avons eu deux prolongations de 60 jours de médiation, comme la loi le prévoit. La deuxième période de prolongation s'est terminée le 12 janvier. Si le médiateur veut prolonger la médiation une nouvelle fois, il faut selon la loi que l'employeur et le syndicat soient d'accord. En ce moment, l'employeur tolère la présence du médiateur. S'il le souhaite, il peut demander la nomination d'un mandataire spécial, ce qui serait la prochaine étape. La négociation se poursuivrait pendant ce temps-là, mais le mandataire préparerait son rapport pour le gouvernement, et le gouvernement pourrait décréter le contrat de travail en suivant les conseils du mandataire.

FO : Où en sont les négociations maintenant ?

GF : Sur la question de la flexibilité, nous avons accepté plusieurs de leurs changements d'horaires mais pas l'ensemble de leurs demandes à ce sujet. Nous demandons en contre-partie une compensation salariale afin d'obtenir le rattrapage salarial pour les gens de métier que nous demandons depuis des années. Il y a plusieurs de nos corps de métier qui retardent de beaucoup du point de vue salaire sur le privé et les secteurs comparables. Nous voulons une augmentation de salaire d'ensemble qui nous permet au moins de maintenir notre pouvoir d'achat.

En plus, nous attendons, au moment où je te parle, une décision du Tribunal administratif du travail. L'employeur nous accuse d'avoir fait des moyens de pression illégaux qui ont endommagé les services à la population, par exemple en diminuant la disponibilité des autobus sur la route. Nous rejetons cette accusation, nous n'avons pas fait de moyens de pression illégaux. Nous, on dit que ce sont des mauvaises décisions de gestion qui font en sorte que nous en sommes rendus là. Ils ont pris beaucoup de mauvaises décisions en ce qui concerne l'entretien des autobus. L'employeur est le seul à blâmer pour les services inadéquats à la population.

Cela ne lâche pas depuis deux ans. Le quotidien continue, nous n'avons pas seulement à nous occuper de la négociation, nous avons des membres qui se font congédier, nous avons des membres qui ont des accidents de travail et tombent sur l'assurance-salaire.

Les congédiements sont en hausse, et ce sont des congédiements qui sont largement punitifs, qui ont comme objectif de nous faire peur. Ils s'en prennent à ceux qui leur tiennent tête le moindrement. Par exemple, ils ont congédié un travailleur et suspendu un autre pendant six mois, pour avoir confronté un directeur de la STM qui s'en est pris physiquement à un de nos travailleurs. Cela a failli dégénérer. Ces deux travailleurs n'ont pas touché au directeur. Les travailleurs sont aussi excédés des sorties médiatiques du directeur général de la STM qui accuse les travailleurs de sabotage et de moyens de pression illégaux. Ils en ont assez d'entendre le directeur général discréditer nos travailleurs et les accuser de toutes sortes de choses, d'intimider les gestionnaires, et même de causer des pannes de carburant sur les autobus. Qu'un directeur général fasse des sorties publiques pour dénigrer les travailleurs, c'est quelque chose qu'on n'a jamais vu dans toute l'histoire de la STM.

Notes

1. Loi 24, Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal, adoptée par l'Assemblée nationale le 2 novembre 2016

2. Loi 15, Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal, adoptée par l'Assemblée nationale le 4 décembre 2014. En septembre 2018, une dizaine de syndicats ont entrepris en Cour supérieure une contestation de la loi pour la faire déclarer anticonstitutionnelle. Selon les syndicats, cette loi contrevient à la liberté de négociation collective, qui fait partie de la liberté d'association protégée par l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés.


Cet article est paru dans

Numéro 6 - 21 février 2019

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