États-Unis
Les enseignants de Los
Angeles défendent
résolument le droit à l'éducation
Manifestation des enseignants devant l'hôtel de ville de
Los
Angeles, le 19 janvier 2019
Du 14 janvier au 23 janvier,
environ 34 000 enseignants et membres du personnel de
soutien
en éducation, dans plus de 900 écoles de Los
Angeles
qui comptent plus de 640 000 élèves dans
le
deuxième plus grand district scolaire du pays, ont fait la
grève du 14 au 23 janvier. Après
avoir occupé la rue et fait du piquetage quotidien devant
les
écoles ainsi que des manifestations massives de plus
de 50 000 personnes devant l'hôtel de ville, les
enseignants et le personnel ont obtenu des gains importants. Ils
ont
voté à 81 % pour accepter la nouvelle
convention collective et retourner au travail. Le conseil
scolaire unifié de Los Angeles a accepté
d'embaucher
davantage d'infirmières, de bibliothécaires et de
conseillers en orientation ; de réduire les tests
normalisés et les fouilles aléatoires des
élèves par la police ; de créer un
fonds de
défense des immigrants ; de remettre le
contrôle des
budgets de 30 écoles aux communautés
locales et de réduire la taille des classes.
Dès le premier jour de la grève,
une
énorme majorité d'enseignants se sont
présentés dans leurs écoles tous les matins
pour
tenir des lignes de piquetage aux côtés de parents
et
d'élèves. Les grévistes et leurs supporters
se
sont ensuite rendus au centre-ville pour des rassemblements
dépassant les 50 000 personnes le premier jour
et
qui n'ont cessé de croître par la suite. Les rues
étaient animées de la présence des
manifestants.
Il y avait beaucoup d'enthousiasme dans les rues. Toute la
semaine, il
y avait partout des chants, des danses, des créations
orales,
des fanfares et des mariachis. Les enseignants ne se sont pas
laissés décourager par la pluie abondante ;
ils ont
revêtu
des ponchos et ont plastifié leurs feuilles de chant et
leurs
pancartes. Comme l'indique une affiche sur une des pancartes,
« 45 est la limite de vitesse, pas la taille des
classes ». Ils se sont également assurés
que
partout dans la ville, les gens parlent de la grève et de
leurs
revendications , dans les cafés, les autobus et les
magasins.
Les enseignants ont assumé leur
responsabilité sociale, défendu les
intérêts
de la société pour des écoles publiques
entièrement subventionnées, avec le personnel
infirmier,
les bibliothécaires et les conseillers en orientation
nécessaires, ainsi que leurs intérêts
collectifs
pour de meilleures conditions de travail, comme des classes moins
nombreuses et des salaires qui correspondent au travail difficile
qu'ils accomplissent. Le Syndicat des enseignants unis de Los
Angeles
(UTLA) a organisé la grève qui a été
largement appuyée par les parents, les
élèves et
les organisations communautaires.
Plus de conseillers en orientation, plus
d'infirmières et des classes moins nombreuses sont une
façon concrète de briser le cycle qui mène
de
l'école à la prison. La Californie se classe
au 47e
rang des États-Unis en ce qui concerne l'accès aux
conseillers en orientation : il y a en moyenne un conseiller
en
orientation pour 682
étudiants, ce qui dépasse de loin le ratio
recommandé de un pour 250. En même temps, le
conseil
dépense 80 millions de dollars par an pour les
services
policiers. Le manque de conseillers en orientation,
d'infirmières et de travailleurs sociaux, le tout
associé
à des classes trop nombreuses, ne font qu'alimenter le
problème des jeunes
qui passent directement de l'école à la prison.
Amir
Whitaker, avocat auprès de la Ligue américaine des
droits
civils de la Californie du Sud, s'exprime ainsi : «
Cela a
tout à voir avec les enseignants qui ont de grandes
classes : si vous ne pouvez pas gérer quarante
étudiants et appeler à l'aide, et s'il n'y a pas de
soutien social et
émotionnel, seule la police est sur place. »
Los
Angles compte un grand nombre d'élèves
afro-américains et latinos qui souffrent le plus des
actions de
la police dans les écoles.
L'UTLA a également appelé à
un
moratoire sur les nouvelles écoles à charte dans le
district. Les écoles à charte sont
gérées
de manière privée et ne rendent pas de comptes au
public,
bien
qu'elles utilisent des fonds publics et soient souvent
hébergées dans des bâtiments d'écoles
publiques. À Los Angeles, un élève sur cinq
fréquente
maintenant une école à charte. On compte plus
de 200
écoles de ce type sur le territoire du district, une des
plus
grandes proportions au pays. Les écoles à charte
sont
utilisées pour miner les syndicats et éliminer
l'éducation publique ainsi que la responsabilité
sociale
du gouvernement de la fournir. Cependant, dans ce cas, les
enseignants
des
écoles à charte ont soutenu la grève et ont
planifié leur propre grève.
Lors d'un rassemblement public organisé
devant
l'hôtel de ville le 22 janvier, le président
d'UTLA,
Alex Caputo-Pearl, a déclaré à la
foule :
« Nous n'avons pas gagné à cause d'un seul
dirigeant. » Il a ajouté : « Nous
n'avons
pas gagné à cause d'un petit groupe de dirigeants.
Nous
avons gagné parce que vous avez
tenu des lignes de piquetage dans plus de 900 écoles
de
toute la ville, avec des parents, des étudiants et des
organisations communautaires. » Plus tard il a
souligné en entrevue : « La
créativité,
l'innovation, la passion, l'amour et les émotions de nos
membres
étaient présents partout dans les rues, parmi les
communautés, dans les
parcs, à la vue de tous. Et je suis si fier de nos membres
- -
enseignants, conseillers en orientation , infirmières,
bibliothécaires, psychologues, éducateurs de la
petite
enfance, enseignants aux adultes - qui se sont engagés en
nombre
record sur les lignes de piquetage à défendre
l'éducation publique et à demander au gouvernement
d'assumer sa
responsabilité de la fournir. »
Lors de la manifestation de masse du 22
janvier,
la secrétaire et présidente des
négociations,
Arlene Inouye, a passé en revue les points forts de
l'entente de
principe, qui a été intégralement
publiée
en ligne :
- une infirmière à plein temps dans
chaque école. Trois cents autres infirmières seront
embauchées au cours des deux prochaines
années ;
- un bibliothécaire à temps plein
dans
chaque école secondaire. Le conseil scolaire
embauchera 82
bibliothécaires supplémentaires ;
- plus de conseillers en orientation. Le district
engagera 17 conseillers supplémentaires pour assurer
qu'il
y ait un conseiller en orientation pour chaque tranche
de 500
élèves des écoles secondaires. Bien qu'une
charge
de travail de 500 soit bien supérieure au nombre
nécessaire de 1 pour 250 étudiants, cela
aidera. De plus, un financement supplémentaire a
été obtenu pour réduire les ratios relatifs
aux
travailleurs sociaux en psychiatrie, aux psychologues et aux
conseillers en assiduité scolaire ;
- un fonds de défense des immigrants, avec
une
ligne téléphonique d'urgence et un avocat
dédiés aux familles immigrantes ;
- moins de tests. Le conseil scolaire et le
syndicat
créeront un comité chargé de réduire
de
moitié le nombre de tests normalisés ;
- une réduction de la taille des classes.
L'article 1.5 tant détesté permettant au
conseil
scolaire d'ignorer les limites contractuelles relatives à
la
taille des classes est retiré. Des plafonds de taille de
classe
peuvent maintenant être appliqués, et lorsqu'une
classe
dépasse le plafond, une nouvelle classe doit être
formée. En outre, pour les
classes allant de la 4e à la 12e année,
les
limites de classe seront réduites de quatre
élèves
au cours des trois prochaines années ;
- un progrès sur la question des
écoles
à charte. Le conseil scolaire appuiera un moratoire
à
l'échelle de l'État sur les écoles à
charte
- ce qui constitue une étape politique positive,
même s'il
ne s'agit pas d'un moratoire à Los Angeles. Le syndicat a
également gagné en fait de préavis et de
voix au
chapitre dans le processus lorsque des écoles à
charte sont localisées près des écoles
publiques
de quartier ;
- une augmentation salariale de 6 %,
dont 3 % appliqué rétroactivement
à
l'année scolaire 2017-2018 et 3 % pour
cette
année, rétroactivement au 1er
juillet 2018. Il
sera possible de renégocier les salaires dans les
années
à venir ;
- moins de fouilles de jeunes sur une base
aléatoire. Le nombre d'écoles qui ne feront pas de
fouilles aléatoires des élèves doublera,
passant
de 14 à 28.
- des écoles communautaires. Trente
écoles obtiendront cette appellation ainsi qu'un
financement
supplémentaire. Un conseil formé de
résidents
locaux va gérer le budget de chaque école, en
collaboration avec le coordonnateur communautaire (un nouveau
poste
syndical).
- un effort commun du syndicat, du conseil
scolaire et
du maire en faveur d'un financement supplémentaire des
écoles par le comté et l'État. Le maire Eric
Garcetti a accepté d'appuyer avant le scrutin de 2020
l'Initiative Les écoles et les communautés avant
tout
, qui supprimera l'échappatoire fiscale en matière
d'imposition du
secteur immobilier commercial en Californie et rétablira
un
financement de 11 milliards de dollars pour les
écoles et
les autres services publics ;
- de l'espace vert. Un groupe de travail pour
développer davantage d'espaces verts sera
créé
dans les écoles.
Après le rassemblement, les enseignants
sont
retournés à leur école respective pour
examiner et
discuter avec leurs collègues des détails de
l'entente,
puis pour voter sur l'acceptation de cette entente et leur retour
au
travail le lendemain matin. Certains enseignants de la ville ont
été frustrés par un processus qui, à
leur
avis, avait été précipité.
La grande majorité a voté en faveur de l'entente et
les
enseignants sont retournés le 23 janvier dans leurs
salles
de classe.
La grève bloque les efforts
d'éliminer
les conseils scolaires publics
Los Angeles possède le plus grand conseil
scolaire américain administré par des commissaires
élus. (Le plus grand conseil scolaire, New York et le
troisième plus grand, Chicago, sont tous
administrés par
des personnes nommées par le maire.)
Année
après
année, les élections au conseil scolaire ont battu
des
records de dépenses. Les forces qui représentent
les
monopoles et qui cherchent à éliminer
l'éducation
publique ont dépensé 13 millions de dollars
lors de
la dernière élection des commissaires au conseil
scolaire
de Los Angeles. La plupart des fonds provenaient de la
famille Walton (les propriétaires de Walmart) et d'Eli
Broad,
deux des plus importants bailleurs de fonds au niveau national
des
écoles à charte, des allocations liées
à
chaque école et de la privatisation. Les forces
anti-publiques
des écoles ont remporté la majorité des
sièges au conseil scolaire. Et après la
démission
de l'ancien surintendant au début
de l'année dernière pour des raisons de
santé,
cette majorité a choisi le surintendant actuel, Austin
Beutner.
Beutner n'a aucune formation en éducation et est un
multimillionnaire de Wall Street. Son plan, appuyé par
Broad,
consistait à éliminer le conseil scolaire
unifié
de Los Angles et à faire en sorte qu'au moins la
moitié
des élèves aillent dans
des écoles à charte privées financées
par
des fonds publics. Beutner a été auparavant mis
à
contribution pour démanteler les conseils scolaires
publics de
Détroit et de la Nouvelle-Orléans, qui ne disposent
plus
d'écoles publiques ni de district scolaire central. La
grève à Los Angeles a permis à ce moment-ci
de
mettre un frein à cette tendance.
Comme l'explique Arlene Inouye : «
Nous
sommes un syndicat qui s'est engagé il y a quatre ans dans
cette
voie. Cela ne s'est pas produit par hasard, vous savez, au cours
des 21 derniers mois pendant lesquels nous avons
été
en négociation. Mais il y a quatre ans de cela, nous avons
mis
en place un programme pour organiser nos
écoles, faire participer les parents et les
communautés
et nous doter d'un programme de justice sociale, un programme de
justice en éducation pour tous nos
élèves. »
Cet article est paru dans
Numéro 5 - 14 février 2019
Lien de l'article:
États-Unis: Les enseignants de Los
Angeles défendent
résolument le droit à l'éducation
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