Des défis auxquels les travailleurs du Québec font face

L'élite dirigeante cherche à démanteler les organisations de défense collective des travailleurs

Dans un effort pour démanteler les organisations de défense collective des travailleurs, on accuse la résistance organisée des travailleurs à la défense de leurs droits de perturber différents secteurs de l'économie. Les organisations de défense collective des travailleurs et leur lutte organisée à la défense de leurs droits sont considérées comme une attaque contre l'économie et contre les travailleurs individuels qui voudraient simplement travailler et ne s'occuper de rien d'autre.

L'industrie de la construction est un des secteurs où les gouvernements font des efforts concertés pour écraser les organisations de défense collective des travailleurs. Les mesures prises visent à donner aux entreprises de la construction la liberté d'agir en toute impunité sur les chantiers de construction pour maximiser leurs profits, quelles que soient les conséquences pour la santé et la sécurité des travailleurs et la sécurité du public.

La vérité est tournée sens dessus dessous, et l'affirmation est faite que l'intervention des syndicats sur les chantiers de construction pour défendre la santé et la sécurité est un geste d'intimidation contre les employeurs et les travailleurs individuels qui « veulent juste travailler ». C'est l'allégation qui a été portée contre les grutiers du Québec quand ils ont bravement refusé de se présenter au travail pendant une semaine en juin 2018 pour protester contre une nouvelle réglementation dangereuse qui dévalorisait leur formation professionnelle et menaçait la sécurité des grutiers et du public.

C'est une calomnie de dire que les grutiers ont fait de l'intimidation contre leurs collègues qui voulaient juste aller travailler. Les grutiers s'opposaient à un régime qui leur demandait d'obéir à toute réglementation que le gouvernement promulgue sans considérer ou faire enquête sur ses impacts et sans avoir le consentement des travailleurs directement affectés et de leurs organisations. [1]

La Commission de la construction du Québec (CCQ), l'agence gouvernementale chargée de la gestion des relations de travail, de la formation professionnelle et de la main-d'oeuvre dans le secteur, dit avoir pris note de plusieurs cas d'intimidation exercés par le syndicat contre des grutiers. La CCQ n'a produit aucune preuve de cela mais elle a dit qu'elle pourrait utiliser ces données pour poursuivre les travailleurs et leur syndicat.

La CCQ invoque constamment la responsabilité qui lui incombe de faire appliquer la loi R-20, la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction , une loi qui comprend plusieurs clauses sur l'intimidation. La loi dit notamment : « Quiconque use d'intimidation ou de menace raisonnablement susceptible de provoquer une entrave, un ralentissement ou un arrêt des activités sur un chantier commet une infraction et est passible d'une amende de 1 137 $ à 11 370 $ pour chaque jour ou partie de jour que dure l'infraction. »

Elle dit aussi :

« Commet une infraction et est passible d'une amende de 1 541 $ à 15 373 $ quiconque use d'intimidation ou de menace raisonnablement susceptible de contraindre un employeur à prendre une décision à l'égard de la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction ou de l'empêcher de prendre une telle décision ou autrement lui impose une telle décision. » En plus, tout représentant syndical déclaré coupable selon la loi peut se voir interdire de remplir ses fonctions pour une période pouvant atteindre cinq ans.

L'intention est claire : rendre de plus en plus difficile, voire illégal, pour les organisations de défense collective des travailleurs d'intervenir pour obtenir des conditions de travail adéquates.

Il est frappant aussi que la Commission Carbonneau ait été utilisée en partie pour dépeindre les organisations des travailleurs de la construction comme des organismes de type criminel et mafieux.

Le gouvernement libéral a créé la Commission Charbonneau en 2011 et l'a chargée d'examiner et d'éradiquer la collusion et la corruption dans l'octroi des contrats publics dans la construction, de révéler les liens possibles entre cette corruption et le financement des partis politiques et l'infiltration possible de l'industrie de la construction par le crime organisé.

La Commission Charbonneau a insinué que les collectifs de travailleurs et les organisations alliées ont mené des actions concertées de défense des droits des travailleurs qui ont parfois mené à la perturbation des activités sur les chantiers et sont semblables à des activités mafieuses. La Commission a fait cette affirmation sans même examiner l'objectif et les raisons pour lesquels les travailleurs organisés ont posé ces gestes, la cause qu'ils défendaient et le résultat qu'ils cherchaient à obtenir avec ces actions. Les opinions et les recommandations de la Commission Charbonneau ont été incorporées dans certaines des modifications qui ont été apportées à la loi R-20.

Pendant ce temps, les activités et les nombreux problèmes qui perturbent sérieusement la vie des travailleurs, causant parfois des pertes de vie tragiques et des blessures sérieuses, ne font pas l'objet d'examen et d'enquête. Ceux qui refusent d'agir pour résoudre les problèmes ne sont pas forcés de rendre des comptes. L'élite dirigeante veut créer une situation où les grandes entreprises peuvent faire ce qu'elles veulent aux travailleurs de la construction afin de maximiser leurs profits privés.

Le gouvernement Ford en Ontario suit une voie semblable à ce qui est fait aux travailleurs québécois de la construction en s'attaquant aux organisations professionnelles des infirmières, des enseignants et d'autres secteurs professionnels. En réduisant les membres de ces organisations à l'état d'individus sans voix, il les rend tous sans défense. La situation à laquelle les travailleurs font face aujourd'hui rend encore plus important de prendre la parole et de renforcer leurs luttes organisées pour bloquer ces attaques contre leurs syndicats et ouvrir la voie à la défense des droits des travailleurs et des droits de tous.

Note

1. En Ontario, le gouvernement Ford dénigre lui aussi les travailleurs organisés de la construction en les accusant, avec son projet de loi 66, de mener à la « faillite » les institutions publiques comme les conseils scolaires, les collèges, les universités, les hôpitaux et les municipalités, à cause des mesures et des arrangements qu'on trouve dans leurs « généreuses » conventions collectives. Le projet de loi 66 a été déposé sans consultation et sans le consentement des travailleurs directement affectés. S'il est adopté, les travailleurs organisés de la construction qui sont employés sur des sites visés vont perdre leur droit de travailler sur les chantiers où ils travaillent à l'heure actuelle et sur d'autres chantiers à l'avenir et leurs conventions collectives négociées seront déclarées nulles et non avenues. Ceci ouvre la voie à l'engagement massif de travailleurs individuels de la construction qui ne seront pas protégés par un syndicat ou une convention collective. Ce diktat antiouvrier du gouvernement Ford au service de l'oligarchie financière n'est rien de moins que criminel.


Cet article est paru dans

Numéro 5 - 14 février 2019

Lien de l'article:
Des défis auxquels les travailleurs du Québec font face: L'élite dirigeante cherche à démanteler les organisations de défense collective des travailleurs - Pierre Chénier


    

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