L'offensive antisociale du gouvernement Ford aggrave
la crise du système de santé

Le besoin d'un système de santé centré sur l'humain


Manifestation à Queen's Park, le 23 octobre 2018, à la défense du système public de santé

Les dépenses pour la santé en Ontario sont parmi les plus basses per capita de toutes les provinces canadiennes. Le budget annuel total de la santé représente tout de même près de 58 milliards de dollars, et, dans le contexte de l'ordre du jour néolibéral qu'appliquent les gouvernements ontariens de toute couleur politique, les dépenses en santé sont devenues une vache à lait pour les monopoles mondiaux et leurs consultants, leurs planificateurs, leurs comptables, leurs fournisseurs de matériel et de services dans l'industrie lucrative des soins de santé axée sur le profit. Ce sont les travailleurs de première ligne et leurs organisations de même que les Ontariens, dont 49 % d'entre eux ont eu recours aux services de santé en 2018, qui savent par expérience que cette direction n'est pas viable et qu'elle mène le système de santé vers un point de rupture. C'est leur voix qui doit être entendue en ce qui concerne les problèmes du système de santé. Si leur voix se faisait entendre dans les arcanes du gouvernement, là où les décisions sont prises, cela aiderait grandement à résoudre les problèmes auxquels le système de santé est confronté.

Le 31 janvier, le gouvernement Ford a reçu le rapport du comité consultatif nommé par le premier ministre intitulé Soins de santé de couloir : un système sous tension. Ce comité est présidé par Dr Rueben Devlin, ancien PDG de l'hôpital Humber River qui a lui-même mis la main à l'application de la politique néolibérale dans la santé. Chose encore plus importante, il est l'ancien président du Parti progressiste-conservateur de l'Ontario et un membre de l'équipe électorale du premier ministre Doug Ford. Il n'est donc pas simplement un ancien PDG d'un hôpital. Devlin a été nommé conseiller spécial du premier ministre, le jour où celui-ci a été assermenté, au salaire de 348 000 $. Il faut souligner également qu'aucun des membres du comité consultatif n'a fait partie du personnel de première ligne qui a eu à faire face à la crise du système de santé en Ontario.

Les auteurs du rapport prétendent reconnaître les problèmes que vivent les patients du système et les travailleurs qui livrent les services, mais ils ignorent les problèmes et les mesures que les travailleurs de première ligne qui livrent les services ont identifiés depuis longtemps. Il pave plutôt la voie à un deuxième rapport qui doit être présenté au printemps, qui va faire des recommandations au gouvernement visant à concentrer la prise de décision dans les mains d'administrateurs nommés par le gouvernement et dont le nombre est toujours plus restreint. Cela va déshumaniser encore davantage les conditions de travail de ceux qui livrent les soins et les conditions d'accès des patients à ces soins, et permettre aux capitalistes monopolistes de l'industrie de la santé qui fonctionne au profit de s'emparer d'une part encore plus grande de la richesse sociale expropriée des travailleurs sous la forme de l'argent des impôts qui va à la santé.

Le rapport reconnaît qu'à chaque jour, au moins 1 000 personnes reçoivent des soins dans les couloirs des hôpitaux de l'Ontario. Il reconnaît qu'en novembre 2018, il y avait 4 665 patients qui étaient à l'hôpital parce que le temps d'attente pour des services alternatifs est de six jours en ce qui concerne les soins à domicile et de 146 jours pour obtenir un lit dans un établissement de soins de longue durée. Le rapport reconnaît que les maladies infectieuses contractées à l'hôpital nécessitent un traitement qui coûte très cher et font porter un fardeau considérable au système en prolongeant de deux semaines en moyenne le séjour à l'hôpital.

Le conseiller spécial du premier ministre a choisi d'ignorer totalement les nombreuses études qui ont démontré que la raison première pour laquelle les gens meurent d'infection, comme le C difficile contracté à l'hôpital, c'est l'insuffisance des effectifs et l'engorgement des services hospitaliers. La vision des choses du conseiller spécial du premier ministre est si inhumaine que, selon le rapport, ajouter des lits au système ne va pas résoudre le problème des soins de santé de couloir! Incroyable !

Toujours le 31 janvier, une ébauche de projet de loi du gouvernement intitulé Loi sur l'efficacité du système de santé a été dévoilée par le NPD. Le projet de loi révèle que le premier rapport du Comité consultatif spécial sur l'identification des problèmes et le second sur les recommandations sont un subterfuge. L'ébauche de projet de loi démontre que les « solutions » ont déjà été décidées : l'efficacité dans le mécanisme de livraison des soins, des économies de médecine numérique, la prise de rendez-vous en ligne, des économies d'échelle pour la gestion des approvisionnements de biens et services utilisés par les hôpitaux, etc, afin de réaliser une approche « intégrée » de la livraison des soins de santé gérée par une « super agence ».

La directrice exécutive de la Coalition ontarienne de la santé, Nathalie Mehra, a dit ceci au sujet du projet de loi qui a fait l'objet d'une fuite : « Il s'agit d'un projet de loi omnibus. Des dizaines de lois importantes relatives à la santé vont devoir être modifiées. Il donne des pouvoirs sans précédent à la Super Agence d'ordonner la privatisation de l'approvisionnement et de la chaîne d'approvisionnement de tout fournisseur de soins de santé. L'ébauche du projet de loi ne définit pas, et donc ne limite pas, quelles acquisitions et quel approvisionnement pourraient être visés. Autrement dit, la Super Agence pourrait ordonner la privatisation de pans entiers du système de santé et des services de soutien. Il donne aussi le pouvoir à la Super Agence, composée de 15 personnes nommées par le cabinet du premier ministre, de nommer la compagnie à qui les services vont être privatisés. De tels pouvoirs n'ont jamais été accordés dans une loi en Ontario. Ce sont des pouvoirs extraordinaires de privatisation. »

En plus, la création de cette Super Agence va éliminer encore davantage la capacité du public d'avoir quelque mot à dire. Nathalie Mehra a dit que « les rédacteurs de l'ébauche de projet de loi ont délibérément retiré pratiquement toutes les clauses d'intérêt public que nous avions réussi à faire inclure dans la loi sur les Réseaux locaux d'intégration des services de santé (RLISS). L'exigence que les réunions du conseil d'administration des réseaux soient publiques est éliminée. La possibilité de faire appel, les consultations plus sérieuses sur les décisions de planification et de restructuration sont elles aussi éliminées. L'exigence que les RLISS établissent des mesures et des plans selon les besoins en santé de la population disparaît elle aussi. Il n'est plus question de principes guidant la planification et la restructuration du système de santé. Cela aurait été un vrai désastre si le gouvernement Ford avait fini de rédiger ce projet de loi et l'avait présenté au parlement sans nous laisser le temps et la capacité de le bloquer. »

La Coalition ontarienne de la santé et la Fédération des travailleurs et travailleuses de l'Ontario (FTO) ont immédiatement demandé au gouvernement de l'Ontario de retirer l'ébauche de projet de loi et d'éliminer tous les plans de privatisation des soins de santé en Ontario. Ils ont aussi lancé une pétition qu'on peut signer ici.

La FTO a aussi annoncé une campagne d'action politique à l'échelle de la province qui débute la dernière semaine de février à London, Waterloo, North Bay et Durham et mènera à une assemblée provinciale au Centre des congrès le 25 mars sous le thème « La force du nombre ».


Cet article est paru dans

Numéro 4 - 7 février 2019

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