À titre d'information

Ce qu'ils ont dit au sujet du voyage du premier ministre à Washington

On lit dans un reportage du Globe and Mail du 10 février : « Le premier ministre Justin Trudeau a l'intention de développer un lien personnel avec Donald Trump en accord avec les thèmes centraux de la campagne du président des États-Unis comme la création d'emploi et une Amérique sécuritaire lorsque les deux dirigeants se réuniront à la Maison-Blanche lundi ». Un « haut fonctionnaire » a dit au quotidien que Trudeau n'avait pas l'intention de « critiquer le décret du président, lequel interdit de façon temporaire les refugiés syriens et les immigrants de sept pays à majorité musulmane d'entrer au pays ».

« Ils travaillent beaucoup sur la création d'emploi », a dit le haut fonctionnaire. « Ils veulent discuter de comment nous allons créer des emplois aux États-Unis, mais, en fait, la façon de contribuer à créer des emplois aux États-Unis est de travailler ensemble plutôt que de se contrecarrer mutuellement ».

Lors d'un événement à Yellowknife le 9 février, Trudeau a dit : « Nous allons parler de toutes sortes d'affaires que nous avons en commun, comme les emplois et la croissance économique, les opportunités pour la classe moyenne, de cette réalité à l'effet que des millions de bons emplois des deux côtés de la frontière dépendent de la libre circulation de biens et de services par cette même frontière. Mais je suis certain que des questions de sécurité seront soulevées et je m'attends à avoir des discussions des plus productives et des plus constructives. »

Le ministre des Transports, Marc Garneau, qui préside aussi le comité du cabinet sur les relations Canada-US, a dit aux médias que la visite sera « une réunion de haut niveau où nous discuterons des choses que nous avons en commun. Avec le temps, nous aborderons des questions plus spécifiques en vertu des différents dossiers qui sont importants pour les deux pays . »

« Le premier ministre a dit qu'il informerait le président des États-Unis de nos valeurs et c'est correct. Le président Trump, pour sa part, fera de même. Nous parlerons de ce que nous avons en commun, mais par moment nous ferons aussi valoir que nous avons des façons différentes de voir certaines choses », a dit Garneau. Il a dit que Trudeau et Trump ont comme priorité de « créer des emplois » mais que « nous sommes des négociateurs d'un côté comme de l'autre. Ils s'attendent à cela de notre part et nous nous attendons à cela de leur part. » Selon Garneau, le message principal à faire passer sera que « nous avons présentement un bon arrangement, préservons-le ».

Le ministre des Finances William Morneau a dit le 9 février que les gouvernements Trudeau et Trump partagent les mêmes objectifs. « Je vise à créer des résultats bonifiés pour les Canadiens et les Américains », a-t-il dit aux médias. Comme si les gouvernements des deux pays ne servaient pas les oligopoles mais le peuple, Morneau a ajouté : « Ce que l'administration des États-Unis tente d'accomplir - des emplois bien rémunérés pour les Américains - n'est pas différent de ce que nous voulons faire. C'est un très bon point de départ que nous allons développer. »

Le 6 février, le ministre canadien de la Défense, Harjit Sajjan, a rencontré le nouveau secrétaire de la Défense, James Mattis, au Pentagone. La déclaration officielle de Sajjan publiée suite à la rencontre dit ceci : « La relation étroite en matière de défense entre nos deux pays nous fournit un niveau de sécurité plus élevé en Amérique du Nord et contribue à la paix et la stabilité mondiale pendant une époque de plus en plus complexe et incertaine. »

Sajjan a souligné que 2018 serait le 60e anniversaire du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD) et adit que c'était avec plaisir qu'il soulignait « l'importance de ce partenariat unique et ses réussites dans la protection de l'Amérique du Nord ». Sajjan et le secrétaire de la Défense des États-Unis ont « aussi discuté d'enjeux multinationaux, y compris des engagements à diriger des groupements tactiques à l'appui de la présence avancée renforcée de l'OTAN en Europe de l'Est, nos engagements envers l'ONU et la Conférence des ministres de la Défense qui aura lieu au Canada plus tard cette année. Nous avons aussi parlé des missions de formation en Ukraine et en Irak, et du travail effectué par la Coalition internationale pour affaiblir et vaincre Daech. J'ai aussi profité de cette occasion pour parler de l'Examen de la politique de défense du Canada », a dit Sajjan.

Mattis a expliqué aux médias que son premier appel téléphonique à un homologue étranger fut au ministre canadien de la Défense en raison de la relation militaire étroite entre les deux pays, dont lui-même avait fait l'expérience en Afghanistan. Il n'a pas dit que cette relation étroite était caractérisée par le fait que c'est le secrétaire de la Défense des États-Unis qui a ordonné à l'armée canadienne de remettre des prisonniers à la machine de torture des États-Unis, et ce, à l'insu du premier ministre de l'époque, Jean Chrétien. Et comme les questions cruciales de guerre et de paix ne doivent pas devenir des sujets de délibération au sein du corps politique, aux questions des médias sur comment l'administration Trump allait gérer les crises internationales, Sajjan a tout simplement répondu : « Nous travaillerons toujours ensemble avec notre proche allié pour relever les défis...Nous l'avons fait par le passé, et nous continuerons de le faire maintenant. »

Lorsque les questions ont porté sur le fait que Trump et d'autres promouvaient la torture, Sajjan a simplement répondu par de vieilles et fausses croyances idéologiques : « Pour ce qui est de nos forces militaires et de nos valeurs canadiennes, nous respectons le droit international ainsi que le droit canadien. Le Canada n'aura jamais recours à la torture et nous ne nous prêterons jamais à de tels actes...J'ai travaillé avec l'armée des États-Unis, et elle a la même structure et les mêmes valeurs que nous », a dit Sajjan avec effronterie. En l'absence de médias démocratiques qui ont intérêt à trouver la vérité dans les faits, Trudeau et ses ministres peuvent se permettre de répéter des mensonges aussi grossiers en toute impunité.

Les 7 et 8 février, la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a participé à des réunions à Washington, DC, avec le secrétaire d'État des États-Unis, Rex Tillerson, le représentant de la Chambre des représentants des États-Unis, Paul Ryan, le président du Comité du sénat sur les Services armées, le sénateur John McCain ainsi que le président du Comité sénatorial des Relations étrangères, le sénateur Bob Corker. Affaires mondiales Canada écrit que lors de ces rencontres les participants ont touché à une « vaste gamme de sujets, y compris une relation sécuritaire bénéfique aux deux pays et les liens économiques entre le Canada et les États-Unis ».

Affaires mondiales décrit ainsi la rencontre de Freeland avec le secrétaire d'État des États-Unis : « Ils ont souligné l'importance des relations économiques entre les deux pays, qui représentent des millions d'emplois pour la classe moyenne des deux côtés de la frontière. Ils ont également parlé des relations commerciales équilibrées et mutuellement avantageuses entre le Canada et les États-Unis ainsi que du bois d'oeuvre . » Les discussions ont aussi touché à « la coopération en matière de sécurité, la constance du soutien à l'OTAN, la lutte mondiale contre Daech, l'avenir de la Syrie et la situation dans l'est de l'Ukraine ».

Paul Ryan a déclaré que lui et Freeland avaient eu « une conversation productive au sujet de comment nous pouvons améliorer ces liens, y compris en consolidant l'OTAN et en rendant le marché laitier plus accessible ».

Au sujet de la visite imminente, le député néo-démocrate, Nathan Cullen, a dit que « Trudeau doit opposer la vérité au pouvoir ». Plutôt que de défendre un seul principe qui aurait pu le rendre crédible aux Canadiens, Cullen n'a dit que des choses pragmatiques dénuées de sens : « Se tenir la tête basse et tenter de ne pas attirer l'attention n'est pas la stratégie qu'il faut utiliser avec M. Trump. Nous avons vu des gens, républicains comme démocrates, tenter de l'apaiser par le passé et cela ne fonctionne pas », a dit Cullen. Le député conservateur Gerry Ritz, notoire pour son rôle dans la destruction de la Commission canadienne du blé sous le gouvernement Harper, s'est dit en désaccord avec cette analyse. Selon lui, Trudeau ne devrait pas « exagérer....à la fin de la journée, les États-Unis seront toujours notre principal partenaire commercial. Nous devons travailler avec eux au jour le jour, heure par heure s'il le faut », a dit Ritz.

Dans un commentaire du Toronto Star , Chantal Hébert y met aussi son grain de sel : « Mis à part certains titres exagérés, les partenaires internationaux du Canada n'ont aucune attente envers Trudeau en tant que dirigeant d'une puissance moyenne. Ils ne s'attendent pas du tout à ce qu'il mène la contre-offensive internationale contre Trump. Ils se contenteraient davantage de voir leur homologue canadien agir comme une influence modératrice sur le président », a dit Hébert.

Dans un article de iPolitics , Stephen Maher dit que Trudeau ne peut dénoncer le décret de Trump qui interdit l'entrée au pays des citoyens de sept pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. « Mais nous ne pouvons non plus agir comme l'a fait le premier ministre japonais Shinzo Abe qui lors de sa conférence de presse avec Trump le vendredi 10 février a complètement évité la question, la qualifiant de façon insipide d'affaire interne. » Encore un journaliste qui s'amuse à dire des choses qui n'ont pas de sens. Stephen Maher utilise incorrectement le mot « insipide » qu'il attribue à Abe parce qu'il a dit du décret qu'il s'agit d'une « affaire interne » sans même mettre de l'avant lui non plus aucune position de principe.

Andrew Coyne du National Post est lui aussi de la partie. Il dit : « Je préférerais que mon premier ministre défende ce qui est juste même si cela écorche un peu nos intérêts économiques. Je souhaiterais d'ailleurs qu'il en fasse de même vis-à-vis la Chine, la Russie ou toute autre puissance mondiale. Ceci ne veut pas dire qu'il devrait être provocateur pour autant...Pour défendre nos intérêts et nos valeurs, nous allons devoir établir nos limites bientôt, choisir nos batailles, bien sûr, mais tout en affirmant nos droits avec fermeté et avec patience. Et pour être efficaces dans cette démarche, nous devons le faire de concert avec d'autres pays ».

Bruce Heyman, l'ancien ambassadeur des États-Unis au Canada, a offert son point de vue sur la situation : « Je ne m'en ferais pas quant aux dangers. Je crois qu'une opportunité s'offre à nous. Une fois que nous nous entendons pour dire que nous défendons l'Amérique du Nord ensemble, par le biais de NORAD et de l'OTAN... une chose devient très claire : la relation avec le Canada est l'une des plus importantes , voire la plus importante, relation que les États-Unis ont dans le monde. »

Conrad Black a dit à CTV News qu'il pense que Trudeau devrait faire preuve d'ouverture en envisageant d'augmenter jusqu'à 2 % les dépenses pour la Défense conformément à ce que les États-Unis exigent des membres de l'OTAN. « Si Justin peut laisser entendre que nous entendons aller dans cette direction dans les quelques années qui viennent, ce sera un bon pas de fait. Et en passant, ce sont tous les deux des individus absolument charmants et sympathiques. Je pense qu'ils vont s'entendre à merveille », a dit Black.

Adam Radwanski du Globe and Mail a dit que « du point de vue d'Ottawa, l'idéal serait que ce lundi se passe sans histoire ».

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