Une enquête menée par les autochtones pour identifier les enfants disparus
L’ancien président de la Commission vérité et réconciliation (CVR), Murray Sinclair, a une nouvelle fois demandé au Canada de financer entièrement une enquête qui sera menée par les peuples autochtones eux-mêmes pour découvrir les documents d’archive et les tombes de quelque 25 000 enfants autochtones qui ont été victimes de l’État canadien et de son système de pensionnats entre 1870 et 1996.
Dans une entrevue accordée le 18 juin au Globe and Mail, M. Sinclair, ancien juge et sénateur, déclare avec force qu’une telle enquête ne doit pas être entre les mains du gouvernement canadien, des églises ou de la police, qui ont tous été directement impliqués dans la création et l’administration du système des pensionnats et qui ont tous été impliqués dans des opérations de camouflage pour empêcher que la vérité sur ces crimes soit révélée. Il déclare que l’objectif principal de l’enquête serait de déterminer ce qui est arrivé à ces enfants disparus, qui ils étaient et comment ils sont morts, et de récupérer les documents d’archive, dont la plupart n’ont pas encore été rendus publics par les différentes églises impliquées. Il fait remarquer que lorsque la CVR a demandé à voir quelles archives étaient entre les mains du gouvernement, on lui a simplement répondu qu’elles n’existaient plus, mais qu’il n’y avait aucun moyen de le vérifier.
Il ajoute que l’objectif de l’enquête « devrait être de déterminer si des crimes ont été commis, non seulement en termes des causes de décès, mais aussi en termes de dissimulation ».
M. Sinclair fait remarquer par ailleurs que la somme dérisoire de 27 millions de dollars proposée par le gouvernement libéral de Justin Trudeau à la suite de la découverte des 215 enfants autochtones dont les corps ont été retrouvés le 27 mai sur le terrain du pensionnat de Kamloops, était insuffisante pour entreprendre une enquête approfondie sur cette affaire. Il croit qu’il pourrait en coûter jusqu’à un million de dollars ou plus pour enquêter sur chacun des 138 terrains des pensionnats où quelque 150 000 enfants des Premières Nations, métis et inuits ont été envoyés après avoir été arrachés de force à leur famille et à leur communauté. M. Sinclair ajoute également qu’il y avait 1 300 autres écoles au Canada où des enfants autochtones ont été envoyés et où un certain nombre d’entre eux seraient également morts. Il souligne que les noms et les restes de tous ces enfants, victimes innocentes du système des pensionnats, doivent être retrouvés et ramenés à leur communauté.
Notons que dans son entrevue, M. Sinclair affirme que l’enquête de six ans menée par la CVR sur les pensionnats indiens n’a pas permis de déterminer si des crimes ont été commis dans ces écoles. « Cela signifie que la CVR a dû faire attention à la façon dont elle a formulé sa conclusion de ‘génocide culturel’ dans le rapport final, a-t-il noté, car elle ne pouvait pas conclure à une culpabilité criminelle. »
Murray Sinclair souligne également que depuis que le rapport final de la CVR a été remis au gouvernement libéral de Justin Trudeau en décembre 2015, d’autres victimes du système des pensionnats indiens se sont manifestées. Il dit que le gouvernement Trudeau doit faire beaucoup plus pour non seulement reconnaître les nouvelles preuves qui surgissent, mais aussi pour soutenir pleinement les nouvelles victimes dans leur cheminement pour surmonter leur traumatisme. « Personne ne comprend aussi bien que chacune d’entre elles ce qu’elles ont vécu. J’ai toujours pensé qu’il y aurait plus de vérité après la fin de la CVR. […] Ce que j’ai dit au moment du rapport final de la CVR était dur. Il sera encore plus pénible de parvenir à la réconciliation parce que nous allons découvrir de plus en plus de choses sur cette histoire qui vont constituer des obstacles à notre croissance ensemble en tant que nation. »
Les Canadiens considèrent comme une question de principe et de justice qu’une enquête complète et approfondie, menée par les peuples autochtones, soit entreprise pour retrouver tous les enfants disparus par l’État canadien et son système de pensionnats. Il ne peut y avoir de justice et de résolution de deuil pour leurs proches et leurs communautés, pour les peuples autochtones dans leur ensemble et pour le peuple canadien, tant que cela ne sera pas fait et que l’État canadien et le gouvernement fédéral bloqueront les efforts pour connaître la vérité. Le gouvernement Trudeau doit être contraint de se plier à la volonté du peuple canadien et doit faire en sorte que tous ces milliers d’enfants autochtones disparus par l’État canadien soient ramenés chez eux. Rien de moins ne sera accepté.
(Avec des informations du Globe and Mail)
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