149e anniversaire de la Confédération
Une constitution moderne est
une nécessité historique
La Fête du Canada 2016 signale le début d’une année de préparation pour marquer le 150e anniversaire de la Confédération de 1867 l’année prochaine. Tous les développements de l’histoire récente du Canada démontrent un besoin urgent de doter le Canada d’une constitution moderne qui investit le peuple de la souveraineté plutôt qu’un monarque étranger, qui donne expression au renouveau démocratique et établit des droits et devoirs égaux pour tous, une constitution écrite par le peuple plutôt qu’une constitution imposée par la poignée d’individus qui détiennent le pouvoir. L’histoire récente rappelle aussi le besoin de renouveler la Confédération à partir de la volonté souveraine des peuples pour stopper la destruction nationale de ceux qui ont soumis le pays au pouvoir décisionnel et aux projets d’empire de monopoles mondiaux et des alliances et accords commerciaux et militaires dominés par les États-Unis.
Une constitution moderne du Canada doit mettre fin à l’injustice coloniale qui étouffe les peuples autochtones et appliquer les principes de relations de nation à nation. Elle doit reconnaître le droit du Québec à l’autodétermination, garantir les droits qui appartiennent aux citoyens et résidents du fait qu’ils sont des êtres humains et créer les conditions pour le renouveau démocratique du processus politique, pour que les peuples du Canada puissent décider directement des questions qui les concernent et qui ont un impact sur leur vie.
L’histoire appelle les peuples du Canada et du Québec et les peuples autochtones à établir entre eux des arrangements modernes assis sur une union libre et égale d’entités souveraines. Sur cette base ils pourront affronter les défis du XXIe siècle en tant que souverains, maîtres des décisions qui les concernent, des institutions d’État et de la direction du pays.
Où réside la souveraineté
La Constitution du Canada fondée sur les arrangements du XIXe siècle de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (AANB) considère toujours la reine d’Angleterre comme souveraine et chef de l’État du Canada. Selon la Codification administrative des lois constitutionnelles de 1867 à 1982 préparée par le ministère de la Justice : « À la Reine continueront d’être et sont par la présente attribués le gouvernement et le pouvoir exécutifs du Canada. » Lorsque l’AANB, une loi du parlement britannique, a été rapatrié au Canada en 1982, ni le premier ministre d’alors Pierre Trudeau ni les premiers ministres provinciaux n’ont cru bon d’en profiter pour retirer cet anachronisme de la loi fondamentale du Canada. Puis durant les pourparlers qui ont mené à l’Accord du lac Meech en 1987 et dans le consensus entre le premier ministre du Canada et les dix premiers ministres provinciaux qui a mené à l’Accord de Charlottetown de 1992, personne n’a songé à recommander l’abolition de cette clause.
Transférer la souveraineté du monarque au peuple n’est pas une affaire sans importance : c’est une rupture radicale avec le pouvoir des quelques-uns qui imposent leurs intérêts étroits, pour établir le pouvoir de la multitude et faire prévaloir le grand intérêt public. À cette étape-ci de l’histoire, il est impossible d’avoir une constitution moderne conforme aux aspirations et revendications du peuple sans une définition claire et une affirmation à l’effet que c’est le peuple qui est souverain. Le pouvoir souverain décide de tous les aspects fondamentaux de la loi du pays et de tout ce qui en découle.
Cet anachronisme n’a pas été aboli parce qu’en pratique le pouvoir souverain de l’État a été transféré au premier ministre du Canada et aux premiers ministres provinciaux en tant que Reine-en-Parlement, aux assemblées législatives et, dans le cas du Québec, à l’Assemblée nationale. Maintenir la Reine d’Angleterre comme chef de l’État à titre nominal permet à l’élite dominante de cacher ce fait. L’autorité des premiers ministres est absolue, dans la tradition anglaise qui consiste à concentrer le pouvoir entre les mains de la couronne-en-parlement.
Lorsque le premier ministre du Canada et les premiers ministres provinciaux affirment avoir le mandat de gouverner pendant une période de temps déterminée, la Constitution canadienne leur donne le pouvoir de le faire d’une manière absolue dans le cadre de la séparation des pouvoirs fédéraux et provinciaux. Par contre, si la Constitution stipulait que la souveraineté réside dans le peuple, il lui faudrait alors stipuler quels droits et devoirs le peuple accorde à son gouvernement et comment le gouvernement est choisi par le peuple. Un changement à cet égard qui reconnaîtrait la souveraineté du peuple entraînerait la nécessité d’établir les moyens légaux par lesquels le peuple exerce sa souveraineté. Cette modernisation d’envergure historique, qui définit l’époque, n’est pas quelque chose que l’élite dominante est disposée ou apte à accomplir.
Une démocratie qui ne donne pas aux citoyens du pays les moyens d’exercer un contrôle sur les politiques et les décisions des instances élues suivant une loi fondamentale qu’ils ont eux-mêmes adoptée est une forme de pouvoir autoritaire et absolutiste.
Les arrangements constitutionnels des 149 dernières années n’ont jamais investi le peuple de la souveraineté. Au contraire, la Confédération de 1867 était un arrangement sur le partage des pouvoirs entre la Grande-Bretagne et l’élite dominante du Canada et s’intéressait principalement au partage des pouvoirs entre le gouvernement central et les provinces. La promesse de soumettre à l’approbation du peuple l’entente qui allait regrouper quatre provinces en un dominion a vite été abandonnée, puisqu’il était devenu évident qu’elle allait être rejetée. Ni le rapatriement de la Constitution de 1982 et l’ajout d’une Charte des droits et libertés, ni aucune des modifications qui ont été apportées au fil des ans depuis 1867 n’ont su remédier au fait que la constitution du Canada n’émane pas du peuple et que la Confédération n’a pas permis une union libre et égale de peuples souverains.
Le Québec serait un des deux « peuples fondateurs » du Canada mais n’est pas signataire de la Loi constitutionnelle de 1982
Le Québec n’a pas signé la Loi constitutionnelle de 1982 à cause du refus obstiné de l’élite dominante de reconnaître son droit à l’autodétermination. Toutes les tentatives de résoudre la place du Québec dans la Confédération ont échoué parce que l’élite dominante continue de maintenir les arrangements anglo-américains anachroniques qui refusent de reconnaître ce droit.
Un des obstacles à la résolution de la place du Québec à l’intérieur ou à l’extérieur de la Confédération, et un des moyens pratiques utilisés pour priver le peuple québécois de ses droits durant toute cette période historique, est le fait que dès le départ les aspirations du peuple à être maître de ses décisions ont été éclipsées par l’imposition de divisions basées sur des considérations relatives à l’origine nationale, la langue et la religion. Cela a commencé avec le Rapport Durham de 1839, qui déclarait que le problème au Canada était l’apparition d’une « haine mortelle qui divise les habitants du Bas-Canada en deux groupes hostiles : Français et Anglais » et que le conflit était « une lutte, non de principes, mais de races ».
Il s’agissait d’une interprétation délibérément fausse de ce qui s’était produit durant la rébellion de 1837-1838 contre le pouvoir britannique dans le Bas-Canada. C’était une application de la fameuse tactique de diviser pour régner des bâtisseurs d’empire britannique. Ils ont fait la même chose en Inde quelques décennies plus tard. Ils ont proclamé que le problème en Inde était que les musulmans et les hindous se détestent. En fait, les Indiens de toutes les origines et de toutes les religions s’étaient unis contre le pouvoir britannique durant la Guerre d’indépendance de 1857. Le mensonge goebbelsien à propos de la haine au sein du peuple a permis aux colonialistes britanniques de se présenter comme les pacificateurs et de répandre la doctrine de la « tolérance » propre à l’empire britannique. Justin Trudeau évoque cette même tolérance aujourd’hui pour stigmatiser ceux qui contestent les arrangements constitutionnels actuels, les qualifiants d’intolérants et d’arriérés.
Pour s’assurer que le ressentiment fondé sur les différences ethniques et linguistiques s’empare des colonies canadiennes, le Rapport Durham recommanda ouvertement l’assimilation des Canadiens français, qu’il qualifia de « peuple sans histoire et sans littérature ». C’est à partir de cette interprétation intéressée et anti-peuple que les bâtisseurs de l’empire britannique ont imposé une union législative du Haut et du Bas Canada et un système factionnel de gouvernement de partis. Cela allait mener à l’institutionnalisation de la politique de l’antagonisme au sein du peuple et à la division en fonction des lignes de parti.
Le Parti libéral d’aujourd’hui est né d’une scission du Parti rouge créé par les patriotes pour poursuivre leur cause après l’écrasement des rébellions. Certains dans le Parti rouge furent séduits par la politique de la division comme moyen de se hisser au pouvoir tandis que ceux qui s’y opposèrent et continuèrent de défendre les idées républicaines des patriotes furent persécutés, isolés, emprisonnés, abandonnés et même ostracisés par l’Église qui interdisait la lecture de leurs écrits. Les champions de la politique de division allaient créer le Parti libéral du Canada après la Confédération.
La lutte pour la république dans le Bas-Canada contre le pouvoir colonial antidémocratique et l’élite dominante représentée par la Clique du Château, constituée de riches et puissants marchants, avait réuni toutes les personnes éprises de démocratie toutes origines confondues. Cette lutte s’accompagna d’un soulèvement similaire dans le Haut-Canada mené par William Lyon Mackenzie contre les privilèges et l’emprise de la clique dominante appelée le Family Compact.
La politique de division a été utilisée depuis pour accabler le peuple québécois et comme instrument d’oppression de la nation québécoise. Elle a des adhérents à l’intérieur comme à l’extérieur du Québec, et même à l’intérieur du mouvement nationaliste. La motion adoptée en 2006 par le gouvernement de Stephen Harper « reconnaissant la nation du Québec » stipule que la Chambre « reconnaît que les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni ». Le mot « québécois » est utilisé en anglais également, pour signifier un groupe particulier de Québécois. La motion de 2006 limite la nation du Québec à un groupe ethnique dont la langue est le français. Elle n’inclut pas les Québécois qui parlent une autre langue ou qui ont une autre origine nationale, ni les peuples autochtones. Elle introduit une notion diffuse de Québécois qui s’apparente à ce qu’on appelait les Canadiens français, sans un territoire précis et éparpillés dans des communautés partout au Canada. Avec cette définition tarabiscotée, la «nation du Québec» ne peut jamais être conçue comme étant souveraine et ayant le droit à l’autodétermination, et surtout pas le droit de sécession.
La stratégie de confiner la nation du Québec à un groupe ethnique était également celle de Pierre Elliott Trudeau pour nier son existence et pour enlever au peuple québécois ses droits nationaux. Dans les années 1960, Pierre Trudeau a proclamé que le nationalisme était « arriéré » et un ennemi de l’État moderne, imposant sa définition irrationnelle et intéressée de la nation. Il affirmait que la nation du Québec n’existait pas et qu’il s’agissait uniquement d’un vaste groupe ethnique au sein du Canada. Le « biculturalisme » a été adopté comme politique officielle de l’État canadien comme moyen de contourner et nier les revendications et aspirations de la nation du Québec et aussi des nations autochtones et pour affaiblir l’unité de tous les peuples du Canada et leur revendication de nouveaux arrangements pour résister au projet d’empire et d’annexion de l’impérialisme américain.
Après l’élection fédérale d’octobre 2015, Justin Trudeau a appliqué un concept semblable au Canada : « Aujourd’hui, il n’y a pas d’identité profonde ou de courant dominant au Canada, a-t-il dit. Il y a des valeurs qui sont partagées – l’ouverture, le respect, la compassion, la volonté de travailler dur, être là les uns pour les autres, rechercher l’égalité et la justice. » Il a ajouté que « ce sont ces qualités qui font de nous le premier État postnational ».
En ce qui concerne le Québec, Justin Trudeau a dit à plusieurs occasions que « le nationalisme est une vieille idée du XIX siècle » basée « sur une petitesse d’esprit qui construit des barrières entre les gens ».
Ce désir de Trudeau fils de faire du Canada le « premier État postnational » aide à mettre en perspective les dissertations de Trudeau père sur le nationalisme dans les années 1960 et 1970. L’attaque de Trudeau père et fils contre ce qu’ils appellent le nationalisme étroit d’esprit se résume au fond à une attaque contre le droit du peuple de bâtir son pouvoir de prises de décision à son niveau, contre la concentration du pouvoir entre les mains de la toute petite minorité privilégiée. Ce fut le cas depuis la rébellion contre le contrôle colonial et l’emprise des riches marchands de la Clique du château au XIXe siècle jusqu’à l’opposition populaire d’aujourd’hui aux instances décisionnelles supranationales de nature économique et militaire, telles que l’ALÉNA et l’OTAN, dominées par les monopoles mondiaux les plus puissants et les bâtisseurs d’empire d’aujourd’hui.
Tout le monde sait que le silence délibéré de Justin Trudeau sur la question du Québec est le signe sûr d’une campagne d’hystérie à venir, d’une crise annoncée, à cause du refus obstiné de reconnaître le droit du Québec à l’autodétermination et le droit du peuple d’exister et de se gouverner avec des institutions modernes. L’élite dominante est incapable de doter le Canada de la perspective moderne d’une union libre et égale des peuples du Canada et du Québec et des peuples autochtones. Dans le fédéralisme canadien fondé sur les notions libérales des bâtisseurs d’empire, le peuple est sujet et le pouvoir souverain réside dans le monarque, qui aujourd’hui est une façade pour la concentration du pouvoir dans le bureau du premier ministre agissant pour le compte des monopoles les plus puissants, à la base du système impérialiste d’États dominé par les États-Unis.
Le mouvement pour l’affirmation de la souveraineté du Québec, que ce soit dans la forme d’un référendum sur l’indépendance ou d’un refus d’adhérer à la constitution coloniale, contribue à ouvrir la voie au progrès pour le Canada et le Québec. Il remet en cause les arrangements constitutionnels intéressés et dépassés des bâtisseurs d’empire de 1867 et le blocage que cela représente pour l’édification nationale aujourd’hui. Le mouvement pour affirmer le droit d’être du Québec rejoint le mouvement des peuples autochtones pour mettre fin à l’injustice coloniale, pour garantir leurs droits et établir des relations de nation à nation pour résoudre leurs propres problèmes d’édification nationale, et rejoint aussi le mouvement des citoyens et résidents partout au Canada qui réclament les droits qui leur appartiennent du fait qu’ils sont des êtres humains.
La nécessité de mettre fin à l’injustice coloniale et à la négation des droits et de bâtir des relations de nation à nation
avec les peuples autochtones
La Constitution canadienne ne reconnaît pas les droits ancestraux inhérents et les droits issus de traités des peuples autochtones et ne reconnaît pas la souveraineté de leurs nations. Les droits ancestraux des peuples autochtones sont leur droit d’être et leur droit de vivre sur leurs territoires traditionnels selon ce que leur enseigne leur matériel de pensée, de la façon dont eux-mêmes définissent leurs besoins et ce dont ils ont besoin en ce XXIe siècle pour concrétiser leurs droits et leur donner pleine expression. L’invasion coloniale a été un effort pour nier les droits ancestraux et les autres droits et le développement des peuples qui habitaient les Amériques, l’Île de la Tortue, depuis des temps immémoriaux. Pour que justice soit faite, cette négation des droits doit elle-même être niée et des relations de nation à nation doivent être établies de manière concrète pour que les peuples autochtones puissent s’épanouir.
La Constitution ne reconnaît pas les responsabilités fiduciaires du Canada en tant que pays qui s’est bâti par l’appropriation coloniale, l’occupation et l’exploitation des territoires autochtones et les tentatives génocidaires d’éliminer les autochtones en tant que peuples. En vertu de ces responsabilités fiduciaires, le niveau de vie le plus élevé doit être garanti aux peuples autochtones et tous les services requis doivent leur être fournis, au niveau le plus élevé possible. Le renouvellement sur une base moderne des relations entre des nations autochtones souveraines, un Québec souverain, un Canada souverain, des peuples souverains en tant qu’individus et collectifs, est essentiel au renouveau de la Confédération et à la modernisation des conditions de vie elles-mêmes.
La ligne libérale pragmatique dénuée de principes fait obstacle à la nécessité de reconnaître les droits ancestraux des peuples autochtones. Le sous-ministre adjoint de Justin Trudeau aux affaires de traités et au gouvernement autochtone, Joe Wild, l’a bien exprimé dans ses commentaires du 4 juin. Il discutait des moyens d’ « insuffler une nouvelle vie » à la Constitution canadienne en ce qui a trait aux relations du Canada avec les Premières Nations et leur souveraineté. Il a dit : « Il y a une notion de souveraineté qui peut encore exister d’une manière qui ne menace pas le tissu de la nation. Il peut y avoir quelques domaines où vous devez être un peu prudent, comme mettre en place une armée, la frontière du pays par rapport aux autres pays, mais le reste ? Vous pourriez probablement trouver des moyens où cela pourrait fonctionner et ne menacerait pas le statut du Canada en tant que Canada. »
Wild a aussi dit que son gouvernement va traiter avec chaque communauté ou nation autochtone comme une entité séparée, dans le but d’en arriver à une entente avec chacune d’entre elles.
Ces propos illustrent bien la continuation de la relation coloniale oppressive. La lutte des nations autochtones pour la souveraineté sur leurs terres et dans toute la prise de décision n’a pas à répondre à un pouvoir au-dessus d’elles qui décide pour elles et prétend représenter le tissu social de la nation. Être souverain veut dire que ce sont les peuples autochtones qui décident et que les relations entre elles et le Canada sont des relations entre entités souveraines et que cette relation moderne est enchâssée dans la Constitution. Le renouveau de la Constitution doit éliminer tout vestige des relations coloniales et bannir les expressions passe-partout comme une « approche de collaboration » et d’autres comme elles qui en pratiquent servent à maintenir le statu quo.
La demande d’une constitution moderne est une lutte de plus qui vient renforcer l’unité d’action entre les peuples autochtones, canadien et québécois dans la lutte pour leurs droits. La lutte de tous ces peuples est essentiellement une seule lutte – la lutte pour le renouveau politique et constitutionnel pour que les droits de tous puissent être garantis dans une constitution moderne qui reconnaît, soutient et garantit les droits de tous. L’État canadien raciste colonial du XIXe siècle et sa constitution régressive font obstacle à l’avancement de la société auquel tous les peuples aspirent, comme individus et comme collectifs.
C’est le temps maintenant que les femmes et les jeunes, ensemble avec tous les travailleurs et leurs alliés dans les autres couches et classes de la société au Canada et au Québec travaillent avec les peuples autochtones pour renouveler en profondeur les arrangements politiques de la société et priver les autorités de leur pouvoir de priver le peuple de ses droits. Ce sont les peuples eux-mêmes qui doivent être investis du pouvoir de prendre contrôle de leurs affaires économiques, politiques et sociales. Le renouveau constitutionnel et politique est une précondition à une réconciliation véritable entre les peuples autochtones, le Canada et le Québec.
La Constitution de 1982 ne garantit pas les droits
des citoyens et des résidents
L’histoire récente du Canada témoigne d’une offensive généralisée contre les droits et les libertés des citoyens et des résidents au nom de la « sécurité nationale » et de la « lutte contre le terrorisme ». Cette offensive est menée selon le concept en lambeaux du besoin d’équilibrer les droits et la sécurité alors qu’en fait les gens ont des droits en tant qu’êtres humains en toutes circonstances et l’État doit garantir ces droits.
La Charte canadienne des droits et libertés a été incorporée à la Constitution rapatriée en 1982. L’article 1 de la Charte affirme que les droits et libertés « ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ». La Charte est maintenant rongée par la crise et le discrédit parce que les limites raisonnables ont été usurpées par les pouvoirs arbitraires de l’État, connus comme les pouvoirs policiers, qui dictent quels droits le peuple peut et ne peut pas avoir, comme l’a fait Lord Durham au XIXe siècle au nom du pouvoir policier colonial. Cette usurpation a mené à un processus arbitraire de criminalisation sans fin de la conscience et d’attaques contre les luttes que mène le peuple contre l’offensive antisociale et les plans de guerre de l’élite dirigeante du côté des impérialistes américains et de l’alliance de l’OTAN dominée par les États-Unis.
Les attaques contre les droits, menées sous le prétexte de circonstances exceptionnelles, sont devenues la norme, et des communautés, comme la communauté musulmane, font face au profilage et sont la cible d’attaques sans qu’elles aient un droit de recours. L’absence d’une Constitution qui prescrit des droits inaliénables et rend cette question justiciable est profondément ressentie dans tout le pays.
En plus, les arrangements qui sont à la base de la Confédération sont en train d’être détruits alors que les intérêts monopolistes mondiaux ont pris le contrôle des gouvernements à tous les niveaux, fédéral, provincial et municipal. Ceux-ci sont devenus les instruments de prises de décisions sur une base supranationale. L’élite dirigeante ne considère plus les vieux arrangements de partage des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux comme étant utiles aux aventures des monopoles mondiaux les plus puissants. Ceux-ci ne reconnaissent ni juridiction ni limitation au droit de monopole et à leur course à la domination et à leur édification d’empire. Les contradictions au sujet des ententes de partage de pouvoirs fédéraux et provinciaux ont dégénéré en combats acharnés entre gouvernements servant des intérêts monopolistes mondiaux particuliers. On le voit aux conflits sur l’énergie, sur les paiements de transfert en santé, sur l’allocation des fonds aux projets d’infrastructure et sur plusieurs autres questions.
Le besoin de renouveler la Constitution afin d’investir le peuple de la souveraineté et de garantir ses droits en tant que fondement de la souveraineté canadienne n’a jamais été si grand. Loin d’être quelque chose de dépassé ou une source de « division », comme le prétend l’élite dirigeante, le renouveau politique et constitutionnel est vital pour ouvrir la voie au progrès de la société. À cet égard, la classe ouvrière du Canada et les autres classes et couches de la population devraient saisir l’occasion des préparatifs du 150e anniversaire de la Confédération pour examiner l’évolution des institutions démocratiques du Canada, les intérêts qu’elles servent, quelle direction elles prennent et ce qu’on doit faire pour donner forme et contenu aux aspirations du peuple à la souveraineté, à l’habilitation politique, aux idées éclairées et au droit de décider et de contrôler les affaires politiques, économiques et sociales qui affectent leur vie. Cette initiative est à la fois opportune et nécessaire afin que nous puissions tracer notre destinée à notre avantage.
Les constitutions et les questions constitutionnelles ne doivent pas être le monopole d’une élite dirigeante qui les utilise pour ses propres intérêts étroits. Elles appartiennent au peuple qui lutte pour défendre ses droits. Les Canadiens veulent enchâsser et codifier dans une Constitution les définitions modernes auxquelles ils aspirent et qui correspondent aux conditions concrètes. La lutte pour renouveler la Confédération sur une base moderne est un instrument que le peuple a dans ses mains pour faire progresser l’intérêt public, ouvrir une voie vers l’avant et faire échec à l’arbitraire, à la régression, à l’anarchie, à la violence et aux guerres que l’élite dirigeante nous impose.
Jetons les vestiges de l’édification d’empire du XIXe siècle à la poubelle de l’histoire et poursuivons notre travail organisé pour établir une constitution moderne et une union libre et égale de peuples souverains dont les droits sont reconnus et garantis.